Alors que la loi du 5 mars 2007 a créé une cellule départementale de recueil des informations préoccupantes, celle du 14 mars 2016 va plus loin en donnant un cadre juridique à l’évaluation des situations individuelles. La loi et ses décrets d’application réglementent le contenu et les modalités de mise en œuvre de cette évaluation (enfant au centre de la démarche, délais fixes, formation des professionnels…). Par ailleurs, pour répondre aux critiques adressées à la loi de 2007, qui aurait pour effet de retarder l’intervention du juge des enfants, la loi de 2016 autorise la saisine de la justice par le président du conseil départemental en cas de danger grave et immédiat pour l’enfant, notamment dans les situations de maltraitance. En insistant sur la protection de l’enfant, la loi du 14 mars 2016 modifie sensiblement la répartition des compétences entre les autorités administratives et judiciaires.
La loi de 2016 privilégie explicitement la cohérence et la continuité du parcours de l’enfant, avec pour premier objectif de répondre à ses besoins en s’appuyant d’abord sur les ressources de l’environnement familial. Ce principe juridique est très vite confronté à des contraintes institutionnelles inhérentes au dispositif de protection de l’enfance. En témoignent les difficultés rencontrées dans la prise en charge des enfants à la fois en danger et en situation de handicap, qui relèvent à la fois du secteur social et sanitaire, ou encore les seuils d’âge instaurés à l’entrée et à la sortie de nombreux lieux d’accueil, qui entraînent des risques de rupture. De même, le projet pour l’enfant ainsi que l’identification d’un référent dans chaque situation devraient être des gages de cohérence et de continuité. Néanmoins, en pratique, leur mise en œuvre n’est pas toujours aisée.
La loi de 2016 affirme que les dispositifs de l’aide sociale à l’enfance sont nécessaires mais non suffisants pour penser le parcours de l’enfant sur le long terme. Dans certaines situations, il est indispensable de rechercher un autre statut juridique pour l’enfant en se fondant sur les dispositions du droit de la famille (délégation ou retrait de l’autorité parentale, déclaration juridique de délaissement parental…). Cet engagement du législateur conduit à privilégier la recherche d’un statut juridique adapté à chaque enfant sur le maintien de liens familiaux à tout prix.
Aujourd’hui, certains départements considèrent que la prise en charge des jeunes majeurs, de 18 à 21 ans, est une compétence facultative. La loi de 2016 s’intéresse à cette question et nous retiendrons quatre principales avancées : la mise en place d’un entretien obligatoire un an avant la majorité du jeune pour faire un bilan de son parcours et envisager les conditions de son accompagnement, l’élaboration d’un projet d’accès à l’autonomie dans la continuité du projet pour l’enfant, la mise en place d’un accompagnement obligatoire au-delà du terme de la mesure pour permettre aux jeunes pris en charge de terminer l’année scolaire ou universitaire engagée et, enfin, la mise en place d’un protocole partenarial autour de ces questions. Ces nouvelles dispositions devraient permettre de mieux articuler les logiques de protection et d’insertion sociale et professionnelle, à condition que les acteurs s’en saisissent.
La loi de 2016 confirme un certain nombre d’acquis de la loi de 2007, avec le souci prégnant de garantir les droits de l’enfant. Le titre de la loi de 2016 évoque ainsi la protection de l’enfant et non plus la protection de l’enfance. En s’appuyant sur les constats issus de la pratique, elle pose les jalons d’un dispositif plus ouvert, doté d’un cadre national, visant une égalité de traitement des enfants et des familles sur tout le territoire.
(1) Auteur du numéro juridique des ASH de mars 2017 « La protection de l’enfance – Du droit aux pratiques », de L’enfant en danger face au droit (Dunod, 2015), et de Responsabilité et protection de l’enfance (Dunod, 2016).