Mesure phare de la feuille de route pour la protection de l’enfance 2015-2017(1), la démarche de consensus menée par le comité d’experts présidé par Marie-Paule Martin-Blachais sur les besoins fondamentaux de l’enfant en protection de l’enfance a, le 28 février, remis son rapport à Laurence Rossignol. Fruit de cinq mois de travail(2), ce rapport constitue une « vision partagée » des besoins fondamentaux, universels et spécifiques des enfants en protection de l’enfance. Besoins dont la satisfaction constitue, selon le comité d’experts, un « bien commun partagé dans un contexte […] de lutte contre les inégalités sociales, de santé et de promotion de l’égalité des chances ». Estimant que la prise en charge ne peut être consolidée qu’en prenant en compte les besoins et le développement de l’enfant en protection de l’enfance, le rapport détermine, à l’aune des pratiques institutionnelles et professionnelles, « les facteurs de compromission du développement de l’enfant qui vont entraîner une intervention en protection de l’enfance » ainsi que « les réponses à apporter à ces besoins [lorsqu’ils] n’ont pas été satisfaits dans [le] parcours de vie ». Le but étant, in fine, « d’améliorer la politique publique au service des enfants, des jeunes et de leur famille ». Focus sur quelques-unes des 38 propositions qu’il formule en ce sens.
Le rapport propose, en premier lieu, d’améliorer les connaissances sur les déterminants de santé des enfants en protection de l’enfance (contexte de vie familiale et sociale, parcours de soins, besoins de santé en cours de prise en charge, scolarité…). Si quelques études se consacrent au recueil de ces données, leur remontée par les départements aux observatoires départementaux de la protection de l’enfance et à l’Observatoire national de la protection de l’enfance « n’est pas consolidée à ce jour ». Le rapport préconise donc d’accompagner les départementsafin de faciliter la transmission de ces informations. Par ailleurs, il estime nécessaire de contribuer à la promotion de la santé des enfants par une approche globale. Il s’agit de prendre davantage en compte les déterminants de santé afin d’identifier « les situations de vulnérabilité et d’adversité auxquelles les enfants sont exposés dès le plus jeune âge », et ainsi « compenser le risque de perte de chance […] par des mesures de prévention, de promotion, de soutien à la parentalité et de protection » élaboréesà l’échelle nationale, au travers d’une politique publique.
Selon le comité d’experts, « la détermination des besoins fondamentaux de l’enfant est indispensable à la réalisation de ses droits et de son intérêt ». Il recommande donc aux acteurs concourant à la mise en œuvre des droits de l’enfant, et notamment aux magistrats de l’enfance et de la famille, d’avoir une « conscience particulièrement marquée » des besoins fondamentaux de l’enfant. A ce titre, le rapport propose de mettre en place des référentiels et des formations visant à acquérir les connaissances nécessaires à leur prise en compte. Connaissances qui portent, entre autres, sur l’application de la Convention internationale des droits de l’enfant.
Autre recommandation du rapport : favoriser les campagnes d’information et de sensibilisation à destination du grand public ou des professionnels sur le repérage précoce des troubles du développement chez l’enfant de 0 à 3 ans, liés au processus de parentalité. « Tiers au service d’une meilleure adéquation des réponses aux besoins fondamentaux de l’enfant », les professionnels intervenant auprès de l’enfant et de ses parents doivent ainsi être sensibilisés aux conséquences qu’entraîne, sur le développement de l’enfant, l’exposition, par exemple, aux violences conjugales et aux négligences (sentiment d’insécurité, mal-être physique et émotionnel…). Le rapport propose aussi d’élaborer des programmes d’accompagnement et de soutien à la parentalité, dans le cas où les parents de l’enfant sont confrontés à des difficultés de vie ayant des répercussions sur leur capacité à exercer leur parentalité.
Le comité d’experts constate que les enfants pris en charge en protection de l’enfance ont, pour beaucoup d’entre eux, été confrontés à « diverses situations adverses dans leur parcours de vie », mais aussi à des « conditions de grande vulnérabilité préjudiciables à la satisfaction de leurs besoins fondamentaux ». Les enfants concernés peuvent développer des troubles spécifiques liés à la séparation du cadre familial et au placement. Le rapport préconise donc que soit anticipée, préparée et accompagnée toute mesure de séparation et de suppléance envisagée, afin d’éviter la confrontation à la violence d’une rupture brutale du lieu de vie et de l’environnement de l’enfant. Pour compenser et soigner les effets négatifs du parcours de vie et de la prise en charge, il propose aussi de mettre en place :
→ des services et des équipes pluridisciplinaires formés à la prise en charge clinique des maltraitances (psychologiques, physiques, sexuelles…) ;
→ des équipes ressources pluridisciplinaires répondant aux besoins de prise en charge et d’accompagnements spécifiques (systémie, psychanalyse, thérapie familiale…) et animant des formations communes dans les territoires.
Afin « d’améliorer la prise en charge des mineurs en danger ou en risque de danger de compromission de leur développement », le rapport recommande aussi d’élaborer un cadre de référence national partagé. Il pourrait être mis en œuvre, entre autres, par la protection judiciaire de la jeunesse, la protection maternelle et infantile ou l’aide sociale à l’enfance, et permettrait de « mobiliser transversalement différents services et institutions » en milieu scolaire, en maison des adolescents ou encore dans les lieux accueillant des femmes victimes de violences. Le comité d’experts explique que ce cadre serait centré sur les besoins fondamentaux de l’enfant. Il serait donc destiné à harmoniser et à assurer l’efficacité de l’intervention en protection de l’enfance, par une « compréhension partagée et multidimensionnelle de la famille entre les acteurs, quelle que soit leur discipline d’appartenance ». L’objectif étant, in fine, d’être en mesure de préserver les chances de l’enfant de pouvoir se développer normalement.
Le rapport estime que la diversité de l’offre de formations par les organismes de formation professionnelle ne permet pas de « réelle visibilité d’une véritable politique de formation » en matière de protection de l’enfance. Les professionnels du secteur doivent pouvoir « utiliser les mêmes outils pour évaluer les situations, quel que soit leur département ». Il propose donc de développer une formation transversale interinstitutionnelle axée sur la coopération pluridisciplinaire et un socle de connaissances commun aux acteurs intervenant en protection de l’enfance. Le comité d’experts recommande aussi de sensibiliser et former les élus départementaux en charge des missions de protection de l’enfance pour leur permettre de :
→ disposer de connaissances sur les besoins fondamentaux de l’enfant, sur ses droits et son intérêt ;
→ soutenir la politique enfance-famille menée sur le territoire, conformément aux besoins de la population et en cohérence avec les autres politiques publiques du territoire.