Par une ordonnance du 15 février, le Conseil d’Etat a jugé que les mineurs étrangers âgés de 16 à 18 ans confiés à l’aide sociale à l’enfance (ASE) qui sollicitent, pour la conclusion d’un contrat d’apprentissage ou de professionnalisation à durée déterminée, une autorisation de travail, doivent l’obtenir de plein droit. Contrairement à une pratique – assez répandue selon le GISTI (Groupe d’information et de soutien des immigrés) –, la délivrance d’une telle autorisation n’est pas subordonnée à un examen préalable de leur droit au séjour par les préfectures.
A l’origine de cette affaire, un jeune Malien de 17 ans confié aux services de l’ASE souhaitait réaliser une formation de cuisinier dans le cadre d’un certificat d’aptitude professionnelle (CAP) d’une durée de deux ans. Il avait signé dans ce but un contrat d’apprentissage avec un employeur, contrat qui lui avait permis de faire valider son inscription auprès d’un centre de formation des apprentis (CFA). Cette validation n’était toutefois que temporaire, l’administration du CFA attendant que les services de la direction régionale des entreprises de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte) délivrent l’autorisation provisoire de travail de l’intéressé, autorisation indispensable pour qu’il puisse occuper effectivement son poste. Le mineur avait donc déposé auprès de la Direccte une demande de délivrance en urgence de ce document… mais il lui avait été répondu que la délivrance d’une telle autorisation était subordonnée à l’octroi d’un titre de séjour et qu’il devait en conséquence s’adresser d’abord à la préfecture afin qu’il soit procédé à l’examen de sa situation au regard des conditions posées par l’article L. 313-15 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda) relatives à la délivrance d’une carte de séjour temporaire, dans l’année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l’étranger qui a été confié à l’ASE entre l’âge de 16 ans et l’âge de 18 ans.
Saisi par le mineur, le juge des référés du tribunal administratif a estimé que le refus de la Direccte de délivrer l’autorisation provisoire de travail demandé avait porté une atteinte grave et manifestement illégale à l’intérêt supérieur de l’enfant et à l’exigence constitutionnelle d’égal accès à l’instruction. Le ministère de l’Intérieur a alors fait appel de cette décision devant le Conseil d’Etat et fait valoir la nécessité d’un contrôle préalable de la demande par les préfectures, incluant notamment un nouvel examen de minorité et d’authenticité des documents d’état civil.
Mais les hauts magistrats administratifs n’ont pas suivi son argumentation. Pour eux, les mineurs étrangers âgés de 16 à 18 ans confiés à l’ASE doivent être regardés comme autorisés à séjourner en France lorsqu’ils sollicitent, pour la conclusion d’un contrat d’apprentissage ou de professionnalisation à durée déterminée, une autorisation de travail. Autrement dit, cette autorisation doit leur être délivrée de plein droit. Ainsi, pour le Conseil d’Etat, contrairement à ce que soutenait le ministère de l’Intérieur, la Direccte ne pouvait légalement refuser l’autorisation de travail sollicitée pour la conclusion d’un contrat d’apprentissage.
Aux yeux des sages, en contraignant le mineur – âgé de 17 ans au moment de sa demande – à reporter d’une année le début de sa formation en alternance dans le cadre d’un CAP de cuisinier, alors que le suivi par l’intéressé d’une formation avant sa majorité est, au surplus, l’une des conditions de la délivrance ultérieure d’un titre de séjour sur le fondement de l’article L. 313-15 du Ceseda, le refus opposé par la Direccte a bel et bien porté une atteinte grave et manifestement illégale à l’intérêt supérieur de l’enfant et à l’exigence constitutionnelle d’égal accès à l’instruction.