Donner voix aux demandeurs d’asile et contribuer ainsi à la fois à les aider à se réapproprier leur identité et à faire connaître la précarité juridique, économique et sociale qui est la leur, tel est le propos d’Alexandra Felder, sociologue suisse. « Les parcours de vie précaires des personnes en déplacement ne sont pas racontés, et donc pas entendus » – ce qui contribue à la « réification » des intéressés, fait-elle observer. D’où l’intérêt de la démarche compréhensive mise en œuvre ici. Par le biais d’entretiens avec 35 demandeurs d’asile du canton de Genève, dont la moitié ont été rencontrés à plusieurs reprises pendant une période allant de deux à cinq ans, la chercheuse braque moins le projecteur sur l’état d’insécurité psychique de ces réfugiés que sur la façon dont ils résistent à leur assignation à un statut de demandeur pour s’affirmer de façon plus positive. Cette redéfinition et cette valorisation de soi se font au travers d’activités partagées avec autrui, lesquelles ne se limitent pas au domaine professionnel. Il peut également s’agir d’actions de formation, d’engagement associatif ou politique, ou encore d’activités de développement personnel. Souvent, aussi, d’inscription dans plusieurs de ces champs. C’est le cas pour Martine, persécutée comme albinos en Afrique centrale, qui vit depuis plusieurs années en Suisse. Après un refus en première instance, elle est toujours dans l’attente d’une carte de séjour. Martine a investi cet interminable temps suspendu dans des pratiques intellectuelles et culturelles (formation, écriture, chant) qui scandent son présent et l’aident à se projeter dans l’avenir.
L’activité des demandeurs d’asile. Se reconstruire en exil
Alexandra Felder – Ed. érès – 15 €