Par qui et comment la mesure d’impact social est-elle réalisée, dans quel objectif et avec quels effets ? Pour éclairer un sujet qui préoccupe de plus en plus le secteur de l’économie sociale et solidaire (ESS), le cabinet d’audit et de conseil KPMG a mené une enquête dont les résultats, estime-t-il, posent le « socle d’un suivi annuel des pratiques, attentes, difficultés et réussites des acteurs de l’ESS » en la matière. Il a construit ce baromètre à partir de 366 réponses à une enquête en ligne menée auprès, principalement, d’acteurs de terrain (dont 67 % d’associations), mais aussi de bailleurs de fonds (fondations, acteurs publics, banques, fonds d’investissement…).
Selon l’état des lieux de KPMG, 41,3 % des acteurs de l’ESS et 35,9 % de leurs bailleurs de fonds déclarent mener des démarches de mesure d’impact social. Certaines des structures les ont intégrées dans leur gestion régulière (19,6 %), tandis que d’autres (21,7 %) n’y ont recours que ponctuellement. Une proportion significative (27,5 %) envisage d’engager une telle démarche à plus ou moins long terme. Si la pratique semble donc relativement répandue, elle n’est pas homogène : le type de la structure (les entreprises sociales paraissent en avance sur les autres catégories de répondants), son âge (les plus jeunes semblent en pointe) et son activité (le secteur caritatif et humanitaire, l’éducation, la formation et l’insertion se démarquent) ont été identifiés comme des facteurs de différenciation.
Pour les répondants, l’amélioration de l’activité est le motif prioritaire (71,1 %) de la mesure de l’impact social, avant la nécessité de rendre des comptes à des partenaires externes (63,7 %) et la communication (60 %). Pour 40,7 %, la démarche répond également à une contrainte réglementaire, la preuve des actions réalisées et des effets générés pour les bénéficiaires étant parfois un prérequis pour l’obtention de certificats, agréments ou labels. Seuls 34,8 % indiquent avoir mené une démarche de mesure d’impact social dans la perspective de rechercher des financements. L’étude relève que ces initiatives sont « sensiblement plus développées au sein des structures recourant au don ou au mécénat que dans les cas de financement par subventions, conventions, cotisations ou commandes publiques ». Une minorité d’acteurs déclarent réaliser des études d’impact prospectives. « La mesure d’impact social s’avère donc plus souvent être un outil de vérification qu’un outil d’anticipation », constate KPMG.
L’enquête montre que, dans la majorité des cas, les démarches de mesure se concentrent sur le suivi des actions réalisées et leurs effets, sans correspondre à une « analyse de type coûts-bénéfices » au regard des moyens engagés. En outre, « seule une très faible proportion de répondants collecte une information contrefactuelle : les changements sociaux sont décrits, mais la réflexion sur leur attribution (ou non) à l’action de l’opérateur est très rarement menée ». Néanmoins, les approches permettent de recourir à des indicateurs à la fois qualitatifs et quantitatifs. Et la majorité des structures (67,4 %) utilise jusqu’à dix indicateurs, 20,7 % entre 11 et 30, 11,9 % au-delà. Près de la moitié (surtout parmi les plus importantes) ont mobilisé un expert externe pour l’une des étapes de la démarche. Les réponses ont par ailleurs permis d’identifier deux difficultés dans les démarches de mesure d’impact social, l’une liée à leur coût, l’autre à la complexité des outils. Des situations de résistance en interne sont également citées (10,4 %).
Selon les retours d’expérience recueillis, les bénéfices attendus sont jugés « plutôt » ou « tout à fait atteints » dans 71,5 % des cas. Parmi ces derniers figurent en premier lieu la capacité accrue à rendre compte aux partenaires et une meilleure compréhension des effets de l’activité. La « réponse la plus mitigée apportée par les répondants porte sur les bénéfices de la mesure d’impact en matière de développement de nouvelles sources de financement », relève KPMG. Au regard de tous ces résultats, le cabinet de conseil propose trois pistes de réflexion qui lui paraissent « structurantes » pour améliorer les pratiques. La première : reconnaître la diversité des méthodes, les acteurs de terrain ayant intérêt à « développer des dispositifs de mesure adaptés aussi bien à leur situation spécifique (types d’activité, de gouvernance, ressources disponibles…) qu’à l’utilisation qu’ils souhaitent en faire ». De même, « la monétarisation de l’impact n’est ni toujours nécessaire, ni toujours pertinente ». Par ailleurs,l’accompagnement des structures est essentiel « aussi bien en matière de ressources qu’en matière de compétences et de données ». Enfin, KPMG invite à « changer de regard sur l’évaluation », qui est aussi « un moment privilégié de réflexion sur le projet et un facteur important de cohésion ».