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Contesté, le centre de « déradicalisation » de Pontourny va accueillir une deuxième « cohorte »

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Sur le premier et unique centre de « déradicalisation », ouvert en septembre dernier à titre expérimental à Pontourny, dans la commune de Beaumont-en-Véron, en Indre-et-Loire, la dernière salve est venue des rapporteures de la mission d’information « Désendoctrinement, désembrigadement et réinsertion des djihadistes en Europe », les sénatrices Esther Benbassa (EELV) et Catherine Troendlé (LR). Dans un bilan d’étape, elles considèrent que la prise en charge de la déradicalisation en France est un « échec » et, indique l’AFP dans une dépêche du 22 février, qualifient de « fiasco » la structure de Pontourny. Celle-ci n’a plus de pensionnaire depuis le 8 février, après la condamnation de l’un d’entre eux pour des faits de violence, incompatible avec les critères de prise en charge. « La situation a mis une pression forte sur le centre, les cinq personnes qui restaient et en étaient parties pour le week-end n’ont plus voulu rentrer », explique Pierre Pibarot, directeur du groupement d’intérêt public (GIP) « Réinsertion et citoyenneté » (composé de l’Etat, représenté par le comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation, et de l’Etablissement pour l’insertion dans l’emploi) constitué en janvier dernier pour créer et gérer les centres de prévention de la radicalisation. Manuel Valls, alors Premier ministre, en avait annoncé 13 en deux ans sur le territoire.

Demande de moratoire

La structure a été ouverte sur fond d’hostilité des riverains et de certains élus. A la veille d’une manifestation réclamant sa fermeture, soutenue par un mouvement « identitaire » et qui a réuni 150 personnes le 11 février, les élus locaux ont demandé un moratoire d’un mois pour décider du maintien du centre. Le ministre de l’Intérieur, Bruno Le Roux, a pourtant exclu sa fermeture et a annoncé son évaluation pour la fin du premier semestre. « Le ministre a signé une nouvelle instruction le 14 février pour poursuivre les orientations vers le centre et accueillir une nouvelle cohorte à partir de la mi-mars », précise Pierre Pibarot.

Depuis cinq mois, neuf personnes ont été prises en charge, pour une capacité de 25 places, destinées à des majeurs de 18 à 30 ans repérés par les cellules préfectorales de suivi de la radicalisation, « ne présentant pas de risque de dangerosité, en voie de radicalisation, prises en charge sur la base du volontariat et pour lesquelles un programme de prise en charge globale est de nature à empêcher une radicalisation violente », explique Pierre Pibarot. « A l’issue d’une négociation avec les acteurs locaux, il a été convenu que ces personnes ne devaient pas faire l’objet d’une condamnation pour violences volontaires », ajoute-t-il, reconnaissant ce critère comme une « difficulté objective ». Aux yeux de cet ancien directeur à la protection judiciaire de la jeunesse, la condamnation récente de l’un des pensionnaires, « rattrapé par son passé », tout comme celle d’un autre dans le cas d’une opération antiterroriste, n’est pas le signe d’un dysfonctionnement, « mais celui du bon fonctionnement des institutions ». « Qu’il y ait à un moment une prise en charge éducative et à un autre une prise en charge judiciaire n’est pas un scandale : la police et la justice ont fait leur travail et on sait que les parcours ne sont pas linéaires », répond Pierre Pibarot.

Le directeur du groupement d’intérêt public « Réinsertion et citoyenneté » rappelle que la structure relève de la réglementation des établissements sociaux et médico-sociaux et est conçue pour employer une équipe d’une trentaine de personnes – dont des éducateurs spécialisés, des moniteurs éducateurs, des chargés d’insertion et des personnels de santé, sachant que les psychologues ont « la mission d’assurer la pluridisciplinarité de la prise en charge », en lien avec des ressources extérieures. Le programme mené en internat mais sans contrainte judiciaire ni administrative dure en théorie dix mois et est articulé autour de « quatre plateformes » : le travail sur la distanciation et le désengagement, l’engagement citoyen, l’accompagnement médico-social, notamment autour d’un programme thérapeutique avec l’équipe du professeur Fethi Benslama, et l’insertion sociale et professionnelle. Pierre Pibarot insiste sur l’inscription de l’ensemble du « fonctionnement dans les valeurs républicaines : neutralité et laïcité sont également de mise ». Par ailleurs, « la question religieuse est travaillée par l’intervention d’un aumônier musulman et va bénéficier d’un travail en cours avec le bureau central des cultes autour de l’approche sociologique du fait religieux, du développement du dialogue interreligieux au sein du centre et de la constitution d’un vivier d’aumôniers ressources des autres confessions ».

Troisième voie

Alors que des critiques visent les effets de la prise en charge, « au bout de cinq mois les premiers retours sont favorables, les effets sont intéressants sur la distanciation », commente-t-il, relevant néanmoins que l’accompagnement n’est pas encore allé assez loin pour « voir si tous les objectifs sont atteints, notamment en matière d’insertion professionnelle ». Selon lui, « les cellules de suivi comme les associations habilitées par les préfectures pour travailler sur la prévention de la radicalisation doivent considérer la structure, troisième voie entre le milieu ouvert et la judiciarisation, comme un outil supplémentaire. Nous avons besoin que les institutions soient présentes en amont pour favoriser l’adhésion de la personne, pendant la prise en charge et après, pour continuer l’accompagnement ».

Lors du colloque sur la prévention de la radicalisation organisé le 3 février par la direction générale de la cohésion sociale, Pierre Pibarot, non sans évoquer la « rapidité de la commande publique pour l’ouverture du centre », a souligné que « l’appréhension inégale du dispositif par les préfectures n’avait pas permis des orientations suffisantes en nombre ». En conséquence, « le travail de pédagogie en direction des préfectures et dispositifs partenaires se poursuit », a-t-il indiqué. Par ailleurs, le directeur du GIP signale travailler avec un comité d’experts pour adapter le projet à l’accueil des femmes avec enfants de retour de Syrie. Un programme qui devrait être mené en concertation avec l’autorité judiciaire (parquet, juge d’instruction, juge des enfants), que « nous mettrons en œuvre dès qu’un gouvernement nous le demandera », souligne le directeur du GIP, faisant allusion à l’échéance politique de l’élection présidentielle.

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