Dans une instruction aux préfets de région et de département récemment rendue publique, la ministre du Logement et de l’Habitat durable demande fermement aux représentants de l’Etat d’« utiliser tous les outils possibles autorisés par la loi pour améliorer l’accès au logement » des publics reconnus prioritaires au titre du droit au logement opposable (DALO) et des personnes sortant de structures d’hébergement.
Cette instruction fait suite au rapport de la présidente du Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées (HCLPD) et du comité de suivi de la loi « DALO », Marie-Arlette Carlotti, qui a mené l’an dernier une évaluation sur l’effectivité du DALO dans 14 départements, relevant de nombreux dysfonctionnements en particulier dans les départements de Provence-Alpes-Côte d’Azur(1). L’ancienne ministre avait notamment observé que l’ensemble de l’offre de logement prévu par la loi pour l’accès au logement des publics mal logés n’est que partiellement mobilisé. Principales raisons relevées : des contingents préfectoraux (autrement dit, des logements sociaux réservés par l’Etat) « partiellement identifiés » et ne bénéficiant pas totalement aux publics prioritaires mal logés, ou bien encore délégués en gestion à certaines communes entraînant de faibles résultats en matière d’accès au logement des publics prioritaires. Marie-Arlette Carlotti avait également pointé du doigt l’absence d’utilisation des pouvoirs coercitifs du préfet en cas de refus d’un bailleur de respecter le cadre légal.
Dans son instruction aux préfets, Emmanuelle Cosse commence par leur rappeler que, conséquence de la loi du 27 janvier dernier relative à l’égalité et à la citoyenneté, il ne leur est plus possible de procéder à une délégation des contingents de l’Etat aux communes, que ces communes soient ou non carencées au titre de la loi « SRU » (solidarité et renouvellement urbains). Ainsi, « il convient de résilier de plein droit les conventions de délégation du contingent [préfectoral] qui auraient été accordées à des communes carencées au titre de la loi “SRU” », un mois après la publication de la loi « égalité et citoyenneté »(2). La ministre exhorte par ailleurs les représentants de l’Etat à « demander, sans délai, l’inscription à l’ordre du jour du premier comité régional de l’habitat et de l’hébergement de la région de la résiliation de l’ensemble des conventions de délégation du contingent de l’Etat à des communes non carencées » de leur territoire ainsi que la reprise du contingent de l’Etat dans les communes où il a été délégué « de fait » sans conclusion d’une convention.
Plus globalement, Emmanuelle Cosse demande aux préfets de « mettre un terme à la méconnaissance des contingents dont relèvent les logements attribués dans le département », rappelant que « non seulement l’Etat doit avoir identifié son contingent […] mais, en outre, les conventions de réservation de tous les réservataires sur tous les programmes doivent être communiquées au préfet ».
Il leur faut également s’assurer de l’efficacité de la mobilisation du contingent de l’Etat. Les préfets doivent ainsi « faire en sorte que la totalité des logements disponibles soit effectivement attribuée ou que le pourcentage de 25 % des attributions en flux soit atteint »(3). Il leur est également demandé de « s’assurer que le contingent de l’Etat soit exclusivement dédié aux ménages éligible s qui constituent sa raison d’être », en distinguant le contingent « prioritaires » du contingent « fonctionnaires », « lequel doit être mobilisé pour les prioritaires à défaut de candidats fonctionnaires ».
Enfin, la ministre appelle les représentants de l’Etat à utiliser pleinement leurs pouvoirs coercitifs en cas de défaillance ou de mauvaise volonté de certains bailleurs sociaux, en leur rappelant notamment qu’ils peuvent prendre des arrêtés d’attribution en substitution de la commission d’attribution des logements d’un bailleur. Et en précisant, au passage, que cette possibilité – qui existait déjà pour les demandeurs bénéficiant du DALO – a été étendue par la loi « égalité et citoyenneté » à l’ensemble des demandeurs prioritaires éligibles au contingent de l’Etat.
(2) Cette loi a été publiée au Journal officiel le 28 janvier 2017.
(3) En vertu de la loi « égalité et citoyenneté », 25 % des attributions réalisées hors des quartiers prioritaires doivent bénéficier à des ménages appartenant aux 25 % des ménages les plus pauvres.