Recevoir la newsletter

Evaluer pour convaincre

Article réservé aux abonnés

Une équipe de recherche de l’université de Nantes a étudié l’impact du placement extérieur sur les personnes suivies par quinze associations du réseau Citoyens et justice.

« Valoriser la mesure de placement extérieur, rassurer les magistrats sur sa pertinence, lever les obstacles qui la freinent, faire œuvre de pédagogie… » Stéphanie Lassalle, conseillère technique « post-sententiel » de Citoyens et justice, résume ainsi les objectifs de l’évaluation menée en collaboration avec une équipe de l’université de Nantes, sous la houlette de Reynald Brizais, enseignant-chercheur en psychologie sociale.

C’est en 2009 que la fédération a décidé de lancer une recherche-action avec les associations Espérer 95 à Pontoise (Val-d’Oise) et Aprés (devenue Aprémis) à Amiens. « L’idée de travailler sur des indicateurs d’évaluation, autrement dit de modéliser un rapport d’activité sur la base d’indicateurs partagés », a émergé ensuite, explique François Catel, directeur d’Horizon, à Meaux (Seine-et-Marne). Après la publication d’un premier rapport, quatre associations ont rejoint la démarche : Emergence-s Brest et Rouen, Le Mars à Reims et Horizon. Les indicateurs ont été améliorés et c’est sur leur base que « le rapport d’activité 2015 de 15 associations, soit la moitié des adhérents – 70 % des potentialités d’accueil –, a été réalisé », précise François Catel, qui espère voir l’approche se généraliser dans le réseau. Les indicateurs permettent en effet de dresser un profil des publics suivis, de mieux connaître le déroulement des mesures, leur impact sur les condamnés et leur vision.

Selon la recherche, 40 % de l’effectif a entre 26 et 35 ans et moins de 5 % sont des femmes. Seul un quart des placements extérieurs concerne des justiciables libres. Dans les trois quarts des cas, les infractions commises sont des délits (vol, escroquerie, abus de confiance ou recel, puis trafic de stupéfiants…) ; le viol représente le tiers des condamnations pour crime. « Toutefois, des variations existent en fonction de la localisation des sites et de la proximité d’un centre de détention ou d’une maison d’arrêt », prévient Reynald Brizais. Un placement extérieur sur cinq dure moins de trois mois et les trois quarts entre trois et douze mois. Pour 74 % des personnes, la sortie correspond à la fin de leur peine ; pour 18,6 %, à une révocation ; 7,5 % enchaînent avec un autre aménagement. Environ 58 % des mesures se déroulent sans incident déclaré. « Quelque 80 % des placements extérieurs se passent sans menace ou réalité de réintégration en prison », souligne Reynald Brizais.

« Réinscrire le sujet dans son identité »

A leur arrivée, neuf personnes sur dix sont en difficulté au plan de l’identité administrative. Le placement extérieur permet de nettes avancées en la matière. « La première condition de l’identité, c’est l’appartenance, ce qui a à voir avec la qualité de présence au monde, précise le chercheur. Souvent, les sujets rencontrés ne savent plus à quoi ils appartiennent, il faut les réancrer. Le travail de réinscription du sujet dans son identité, ses droits, lui donne donc une possibilité d’exister. » A l’entrée, 254 personnes sur 387 étaient sans ressources ; à la sortie, elles ne sont plus que 23. « Même si ce qui conditionne l’autonomie du sujet dans la société n’est plus aujourd’hui l’emploi mais les revenus, il est à noter que 296 personnes étaient sans emploi à leur arrivée et qu’elles ne sont plus que 186 à la sortie », commente-t-il, insistant sur la dimension d’utilité sociale de l’emploi. Par ailleurs, 34 individus bénéficiaient d’un RSA ; ils sont 121 en fin de placement.

Au plan du logement, près de 16 % des personnes sortent avec une situation stabilisée (location en HLM ou dans le parc privé, logement de fonction…) ; plus du quart se retrouvent, selon l’enquête, dans « une inscription temporaire (chez des proches, sous-location, logement partagé, hôtel meublé…) et tout autant dans une inscription assistée » (CHRS, FJT, résidence sociale…) ; enfin, plus du quart de l’effectif ressort sans véritable solution (hébergement d’urgence, squat, hôpital, incarcération…). Globalement, résume le chercheur, « la situation des personnes au plan administratif et de l’accès aux droits sociaux a nettement été améliorée pour 82 % des justiciables ». 70 % d’entre eux ont vu leurs revenus largement s’accroître ; 61 % leur situation au plan de l’emploi et de l’insertion professionnelle s’améliorer et 50 % au regard du logement.

En matière d’accès aux soins, des progrès sont aussi observés. En particulier, une réponse a été apportée à un tiers des condamnés en difficulté psychologique (troubles, addictions…). Outre une santé précaire, maints justiciables arrivent avec un réseau relationnel très restreint. Les liens ont souvent été coupés, ce qui génère de l’angoisse. Les intervenants s’efforcent donc d’accompagner les personnes dans leur situation familiale et/ou conjugale.

L’impact de la mesure sur la dynamique psychique des condamnés a également été étudié. 55 % d’entre eux ont retrouvé une capacité à exprimer des demandes et 50 % à se projeter dans l’avenir. On observe, dans près de 43 % des situations, une prise de conscience du sens des actes posés et le rétablissement d’une capacité à (re)nouer des liens affectifs. Enfin, quel est l’avis des personnes à l’issue de la mesure ? 93 % de celles qui déclaraient avoir un problème administratif ou d’accès aux droits et 75 % de celles qui évoquaient une difficulté de logement jugent le dispositif utile. Pour 73 % des personnes, la mesure a été une aide (27 % l’ont cependant vécu comme une contrainte), au plan social et psychologique.

Décryptage

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur