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Romeurope émet 20 propositions pour une politique de résorption des bidonvilles

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Le rapport 2017 du collectif invite les candidats à la présidentielle et les élus à ouvrir plusieurs chantiers fondés sur l’accès au droit commun, visant l’inclusion des personnes vivant dans les squats et bidonvilles, pour la plupart originaires d’Europe de l’Est.

Même si cela « fait maintenant plus de 25 ans que des hommes, des femmes et des enfants originaires d’Europe de l’Est, Roms pour la plupart, vivent aux marges de la société française dans des squats ou des bidonvilles », l’inclusion des quelque 15 600 personnes aujourd’hui concernées « n’apparaît pourtant pas comme une problématique insurmontable ». C’est le postulat du collectif national Droits de l’Homme Romeurope, dans un rapport rendu public le 16 février(1) et destiné aux candidats à la présidentielle, ainsi qu’aux élus et aux services de l’Etat.

Le collectif, qui regroupe plus de 40 associations et collectifs locaux, dont ATD quart monde, la Cimade, la Fnasat-Gens du voyage, Hors la rue, Médecins du monde ou le Secours catholique, réitère ses constats sur les conditions de vie toujours alarmantes dans les campements, ce malgré la parution, en 2012, d’une circulaire sur l’anticipation et l’accompagnement des évacuations. A partir de ses observations des expériences dans les territoires, il a identifié dix « chantiers prioritaires » et en a tiré 20 propositions d’actions, pour la plupart reliées à l’approche globale du droit au logement. « Réalisables à court et moyen terme, elles sont essentielles pour construire une véritable politique de résorption de ce type d’habitat informel et indigne que sont les squats et les bidonvilles et d’inclusion des personnes qui y vivent. »

Le rapport, qui rappelle l’« avancée jurisprudentielle » constituée par la décision du Conseil d’Etat de fin 2015 sur le bidonville de Calais, formule des propositions sur l’amélioration des conditions sanitaires et la sécurité des personnes sur leurs lieux de vie. Une étape préalable pour faciliter les démarches d’insertion de leurs habitants et les accompagner vers le logement, défend-il. Si la Cour de cassation intègre la notion de « proportionnalité » entre l’atteinte au droit de propriété et les atteintes aux droits fondamentaux des habitants, en pratique, « la politique d’expulsions répétées des bidonvilles se poursuit », souligne par ailleurs Romeurope. Selon le European Roma Rights Centre et la Ligue des droits de l’Homme, 61 sites ont été évacués durant les trois premiers trimestres de 2016 (plus de 7 300 personnes). Or la stabilisation des personnes sur des terrains sécurisés est indispensable pour donner aux acteurs locaux le temps nécessaire pour organiser des solutions pérennes, plaide le collectif. De plus, cette « instabilité territoriale » vient souvent justifier les refus de domiciliation des occupants, alors qu’en décembre 2016, seuls 35 schémas départementaux de la domiciliation prévus par la loi « ALUR » étaient publiés et 24 en passe de l’être. Le collectif demande donc la finalisation rapide de ces schémas et la levée des freins à la domiciliation.

Il préconise également d’inscrire la résorption des squats et des bidonvilles dans les politiques publiques du logement et de l’habitat. Cela nécessite que les diagnostics territoriaux à 360° tiennent compte de cette dimension et que les plans départementaux d’action pour le logement et l’hébergement des personnes défavorisées prévoient cet objectif, ainsi que les outils à mobiliser, à l’image de ce qu’a notamment engagé le département du Gard, illustre le rapport. Comme en témoignent les opérations de relogement menées dans certains territoires, l’intermédiation locative présente plusieurs avantages pour les publics concernés, dont leur accompagnement et un coût moindre pour l’Etat par rapport à l’hébergement hôtelier. Mais son développement implique un effort financier visant à rendre le dispositif plus attractif pour les bailleurs privés, ainsi qu’une campagne de communication permettant de le valoriser, fait valoir Romeurope : « En 2015, on comptabilisait environ 25 300 places en intermédiation locative dans le dispositif francilien “Solibail”, volume encore très insuffisant au regard des besoins. »

Application inégale des textes

Le collectif déplore en outre l’application partielle et inégale des dispositifs et les résultats « particulièrement décevants » de la mission nationale d’appui à la résorption des bidonvilles confiée en 2014 à Adoma : « 515 personnes ont été hébergées par Adoma depuis le début de la mission et 105 ont accédé à un logement. A la fin de la mission en décembre 2016, 180 personnes sont encore hébergées par Adoma mais en bonne voie pour accéder au logement. » Constatant un manque de dialogue, voire un désinvestissement du côté des pouvoirs publics, Romeurope propose de créer des « espaces de concertation associant l’ensemble des acteurs actifs dans le champ de la résorption des squats et bidonvilles et de l’accompagnement de leurs habitants », en misant sur la participation de ces derniers et en les ouvrant aux collectifs citoyens. Le rapport cite en exemple une conférence citoyenne menée à Rezé, commune de l’agglomération nantaise, en mars 2015, et dont les propositions ont débouché sur plusieurs engagements du conseil municipal, parmi lesquels un moratoire sur les expulsions, la sécurisation des terrains occupés et un accompagnement des personnes vers le logement.

Autre proposition : réorienter les fonds consacrés aux expulsions vers la politique de résorption des squats et bidonvilles. « Alors que les besoins augmentent, une baisse drastique du budget alloué » à ces actions dans le cadre des missions de la délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement « paraît totalement incompréhensible », déplore Romeurope, selon qui, « rapporté à l’échelle individuelle, ce budget correspond à 170 € par an et par personne ». Or, selon une étude de cas menée sur trois expulsions successives d’un même groupe d’une centaine de personnes sur trois ans, la puissance publique aura « dépensé environ 1 300 € par expulsion et par personne ».

Le collectif rappelle que des mesures s’imposent pour les enfants vivant en squats et bidonvilles, qui représenteraient près de 30 % de la population de ces lieux de vie. Il appelle à reconnaître et à développer la médiation scolaire, matière en laquelle l’académie de Montpellier fait à ses yeux « figure d’exception ». Par ailleurs, « la protection des mineurs en situation de danger, qui relève de la compétence des départements, peine à s’adapter à la situation et aux besoins particuliers de ces enfants », quand la protection de l’enfance n’est pas carrément « détournée de sa fonction première à des fins de régulation de la présence des familles à la rue dans l’espace public ». Pour Romeurope, « il y a urgence à rénover les pratiques » pour privilégier les liens avec les familles, et « le renforcement de la formation des services de la protection de l’enfance, prévu dans le cadre de la loi sur la protection de l’enfance, pourrait permettre de sensibiliser les équipes à l’intervention auprès des familles concernées ».

Le rapport invite également à prendre en compte les risques sanitaires dans les procédures d’expulsion, à pérenniser les actions de médiation en santé, ou encore à développer la connaissance, à travers une recherche-action, des problématiques de santé mentale en squats et bidonvilles. Sur le plan de l’emploi, la situation reste complexe pour les citoyens vivant en bidonvilles, et ce trois ans après la fin des mesures transitoires qui restreignaient l’accès au marché du travail des Roumains et des Bulgares, constate encore Romeurope. Les discriminations, la marginalisation, l’absence de maîtrise du français et l’analphabétisme sont des obstacles majeurs, tout comme l’inadaptation de l’offre de formation. Pour le collectif, le dispositif de la « garantie jeunes » « gagnerait à être développé au bénéfice des jeunes vivant en squats et bidonvilles, qui ne peuvent raisonnablement s’engager dans des dispositifs non rémunérateurs ».

Adapter les dispositifs d’insertion

Plus globalement, les conditions d’accès aux dispositifs d’insertion professionnelle dédiés aux jeunes devraient être assouplies. En outre, « la recherche de résultats rapides peut constituer un point d’achoppement majeur des dispositifs d’accompagnement vers l’emploi », souligne-t-il, conseillant de les adapter à la situation des plus éloignés de l’emploi. A Saint-Etienne, sept associations se sont regroupées en collectif pour développer un projet d’accompagnement vers l’insertion professionnelle, comportant également des actions sur l’accès aux droits, illustre le rapport.

Parmi ses autres propositions, Romeurope demande d’abroger la mesure d’interdiction administrative de circulation sur le territoire applicable aux citoyens européens, instaurée par la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers(2), et de mettre fin au placement en rétention et aux expulsions de ces derniers. Autre priorité : « impulser une politique pénale volontariste en matière d’infractions racistes, sans oublier les Roms ».

Notes

(1) « 20 propositions pour une politique d’inclusion des personnes vivant en bidonvilles et squats » – Rapport 2017 – Collectif national Droits de l’Homme Romeurope – Réalisé avec le soutien de la Fondation Abbé-Pierre et du Secours catholique-Caritas France.

(2) Voir ASH n° 2967 du 1-07-16, p. 45.

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