D’un montant équivalent à celui du seuil de pauvreté, « soit 1 000 € minimum », qui « pourraient être répartis en 800 € versés nationalement et 200 € en complément en monnaie locale à charge du département » : tels sont les contours, dessinés par un jury citoyen, du revenu de base que le département de la Gironde s’apprête à expérimenter(1). Composé de 120 résidents du département, ce jury a été chargé de formuler un avis sur l’opportunité et les conditions d’instauration de ce revenu. Rendu public le 15 février lors d’une matinée de restitution au conseil départemental, ce travail a été alimenté par les réflexions de groupes de travail composés d’acteurs de l’économie sociale et solidaire (ESS), d’entrepreneurs, d’associations de solidarité, de travailleurs sociaux et de jeunes en service civique, qui se sont réunis de décembre 2016 à février 2017 pour étudier la mise en œuvre d’un revenu de base en Gironde.
Ce projet s’inscrit « dans une vraie réforme sociétale qui entraînera des changements en cascade qu’il s’agit de bien appréhender », soulignent les rédacteurs de l’avis. Avant d’insister sur le fait que le revenu de base tel que l’envisage le jury citoyen « n’est pas une prestation, c’est un droit. Il est universel, inconditionnel et automatique. Il se cumule avec les revenus du travail. » Et si son attribution est adossée à une condition de résidence dans le département d’au moins deux ans, les membres du jury recommandent de veiller « à ne pas laisser de côté les personnes sans logement qui n’ont donc pas nécessairement de résidence fiscale et qui pourraient être oubliées ».
Autres caractéristiques de ce revenu de base girondin : accessible dès 18 ans, il inclurait un montant de 300 € supplémentaire pour chaque enfant de moins de 18 ans et maintiendrait les aides existantes (prestation de compensation du handicap, aides au logement, à l’alimentation…).
Par ailleurs, si les participants du jury citoyen déclarent avoir « bien du mal à [se] positionner sur le financement », ils estiment que « ce n’est pas un réel obstacle, car avec une vraie volonté politique nous devrions trouver de quoi financer l’abolition de la misère ». Ils ont notamment envisagé différentes modalités telles qu’une taxe sur le patrimoine, un « impôt sur le revenu déclaré dès le premier euro, mais avec des tranches plus progressives », une taxe « Tobin » (taxation des transactions monétaires internationales) ou encore une taxe « carbone », sur l’évasion fiscale, sur les logements vides… « L’idée d’une vaste réforme fiscale, qui permettrait de fiscaliser le revenu de base au premier euro nous paraît être une vraie bonne idée, pour conserver l’idée de l’universalité, tout en en faisant bénéficier en premier lieu les personnes qui en ont le plus besoin », argumentent-ils. Ce revenu de base ne touche pas à « d’importants acquis sociaux » (assurance maladie, retraites, droit du travail…) mais « nécessite des pare-feu, notamment sur l’encadrement des prix des biens de consommation courante et le plafonnement des loyers ». Il fait aussi « courir un risque d’isolement des personnes et demande donc de maintenir un accompagnement social fort, voire de repenser cet accompagnement, de travailler différemment, en renforçant notamment la prévention ».
Enfin, s’agissant du territoire d’expérimentation, « si nous voulons voir, mesurer, comprendre les changements sociétaux et non pas uniquement les grandes masses financières, l’échelle du département nous semble être la bonne », écrivent encore les membres du jury.
Outre la discussion de cet avis, la matinée du 15 février a été l’occasion de lancer un simulateur macroéconomique en ligne sur les modèles de financement du revenu de base, accessible sur le site Internet du département,
(1) Voir notre « Questions à » dans les ASH n° 2995 du 27-01-17, p. 13.