« Quand on évoque le télétravail, il y a des réactions assez tranchées du type “comment peut-on envisager le télétravail alors que nous sommes dans l’accompagnement de personnes vulnérables ?”, témoigne Ozlem Kaya, conseillère en ressources humaines chez Nexem. A part pour des fonctions support des sièges, c’est un dispositif qui ne parle pas encore dans le secteur. » Et pourtant le télétravail se développe, dans le public comme dans le privé. En France, 7 à 10 % des salariés le pratiquent. Défini en 2002 par un accord-cadre européen, il fait l’objet depuis 2012 d’un encadrement législatif en France(1). Rien n’empêche qu’il s’étende dans le secteur social ou médico-social, si l’on dépasse les idées reçues et les freins liés à une culture qui privilégie encore le management présentiel à celui par objectifs. Au conseil départemental du Finistère, tout est parti d’un « agenda 21 » (programme d’actions orientées vers le développement durable), avec des axes visant à réduire les déplacements domicile-travail, à améliorer la conciliation des temps de vie et à faire évoluer les modes de management. Le projet de télétravail est arrivé comme une des solutions pour atteindre ces objectifs, dans un contexte de transformation numérique favorable.
« En regardant de près le travail réel, on s’aperçoit qu’il y a plus d’activités télétravaillables qu’on ne pense », fait valoir Karine Babule, chargée de mission à l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (ANACT). C’est le choix qu’a fait le Finistère, qui souhaitait ouvrir cette possibilité à tous les agents dont le métier ne nécessite pas une présence sur site tous les jours. « Pour les travailleurs sociaux, la question s’est posée car leur métier de base est d’être en contact avec l’usager, raconte Anne Buquen, chef du projet « télétravail » au conseil départemental. Mais nous avons réalisé que, hormis pour les éducateurs dans les foyers qui doivent être là 24 heures sur 24, une partie de la fonction est administrative (rédaction de rapports, appels téléphoniques, consultation de documents), donc compatible avec le travail à domicile. »
La collectivité a démarré son expérimentation en 2009 avec 30 agents volontaires de toutes les directions, dont une assistante sociale, ainsi qu’un suivi des binômes agent-manager. Pendant un an, l’équipe « projet » a élaboré des outils avec les équipes de terrain, rédigé une charte du télétravail et un contrat d’engagement.
Le double volontariat est un élément essentiel pour s’engager dans cette procédure. L’agent et son encadrant échangent d’abord sur ses modalités, les tâches qui pourront être effectuées et les indicateurs de mesure du travail accompli. « Nous proposons un cadre général repris dans la charte (règles de confidentialité, fourniture du matériel…), mais nous donnons une certaine souplesse pour la mise en œuvre, en fonction des missions, du service et de son organisation », souligne Anne Buquen. Mener des discussions au sein des équipes comprenant des télétravailleurs peut être utile. Au conseil départemental du Finistère, 15 directions se sont portées volontaires pour une seconde année d’expérimentation. « Nous voulions mesurer ce qui se passe dans un service si l’on augmente le nombre de télétravailleurs, ce que cela produit en termes de missions, d’organisation et de management », poursuit la chef de mission. Petit à petit, le télétravail est entré dans les mœurs. Sur 300 agents environ, 27 assistant(e)s de service social le pratiquent aujourd’hui, dont 78 % à raison d’un jour par semaine.
Outre les gains pour les agents en temps de transport et en conciliation entre vie professionnelle et personnelle, il permet d’améliorer la qualité du travail lui-même. Les travailleurs sociaux affirment avancer plus vite sur les dossiers à traiter.
Après avoir pratiqué le télétravail pour son précédent poste de consultante interne au conseil départemental du Maine-et-Loire, Isabelle Delaune a souhaité l’introduire à son arrivée il y a deux ans à la direction de l’EHPAD Séquoia de Parcé-sur-Sarthe (Sarthe). Depuis septembre dernier, des jours de télétravail sont dégagés pour des tâches exigeant de la concentration, dans un quotidien fait d’interpellations fréquentes et urgentes. L’infirmière coordinatrice l’utilise un jour par mois pour réaliser les plannings, tandis que la directrice reste chez elle pour rédiger ses rapports budgétaires et d’activité. « Un gain en matière d’efficacité et de réduction du stress », affirme Isabelle Delaune.
(1) Le télétravail est défini comme « une forme d’organisation et/ou de réalisation du travail, utilisant les technologies de l’information, dans laquelle un travail, qui aurait également pu être réalisé dans les locaux de l’employeur, est effectué hors de ces locaux de façon régulière » - Voir ASH n° 2783 du 16-11-12, p. 44.