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Les stages toujours sous tension

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Sept ans après l’instauration de l’obligation de gratification des stages, le sujet demeure épineux dans le travail social. Lignes budgétaires fragiles, tuteurs débordés par leurs missions, demande supérieure à l’offre… Les obstacles sont nombreux sur le chemin de l’alternance intégrative, poussant le secteur à envisager une rénovation de son modèle.

Diffusé sur Internet, le communiqué a rencontré un certain écho. Signé par « Les étudiants assistants sociaux 2e année » de l’Arifts (Association régionale pour l’institut de formation en travail social)-Nantes, il dénonce la mise en place par l’école d’une attestation sur l’honneur dans laquelle les étudiants précisent que leur statut les exclut du champ de la gratification des stages. « Ces étudiants acceptent de renoncer à la gratification, s’insurge le texte. Comme si la difficulté à trouver des stages, à s’épuiser plusieurs semaines durant, n’était pas suffisante ! » Une attaque injustifiée et regrettable, déplore Christophe Verron, le directeur pédagogique adjoint de l’école : « Il faut replacer les choses dans leur contexte, recadre-t-il. L’an dernier, quelques terrains nous ont informés qu’à l’occasion d’un contrôle, l’Urssaf leur demandait de justifier du caractère gratifiable ou non des stagiaires accueillis. Pour se prémunir contre un éventuel redressement (voir encadré), certains exigent donc désormais une attestation. » S’agissant du conseil départemental, explicitement visé par le communiqué, le procès d’intention apparaît « particulièrement injuste », soupire le formateur : « La Loire-Atlantique accueille environ 80 stagiaires par an et attribue aux structures de protection de l’enfance une enveloppe pour le financement de la gratification… »

La stagnation de l’offre

Anecdotique en apparence, l’incident illustre les fortes tensions qui demeurent lorsqu’il s’agit d’envoyer les futurs professionnels sur le terrain. « Coordinateurs de filières, formateurs, chacun fait jouer ses réseaux. Mais le recueil d’offres stagne », constate Annie Vollé, responsable d’activités transversales et régionales à l’Arifts-Angers. Pour limiter la concurrence, certaines filières ont noué des accords avec d’autres centres de formation bretons ou tourangeaux, visant la répartition des territoires de recherche. « Pourtant, cette année, des étudiants ont dû différer leur départ en stage, faute d’avoir trouvé à temps un établissement d’accueil », raconte Annie Vollé, dont les collègues « se décarcassent » pour échafauder « les hypothèses de construction de stages les moins délirantes ». Parmi les modalités envisagées (mais pas toutes mises en œuvre) : le cumul de deux stages à mi-temps, le changement de terrain au-delà des huit semaines, le détachement du temps de travail personnel pour réduire le temps de présence effectif…

Une fébrilité perceptible jusque dans les établissements, objet de sollicitations ininterrompues. « Chaque journée apporte son lot de candidatures », résume Christophe Pouliquen, directeur des ressources humaines de l’association Kan Ar Mor, dans le Finistère. Avec 25 établissements et services dans le champ du handicap, 900 personnes accompagnées et 500 salariés, l’organisation accueille une petite centaine de stagiaires par an, hors contrat de professionnalisation, et constitue donc une cible de choix. Depuis le 1er janvier, Kan Ar Mor fonctionne sous CPOM (contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens) et peut donc « puiser librement dans le budget des remplacements » pour financer la gratification. Seule limite : un plafond fixé en interne à 5 % des effectifs salariés, pour préserver un accompagnement de qualité des usagers. L’association accorde également une attention toute particulière aux tuteurs. Chacun est ainsi autorisé à dégager deux heures tous les quinze jours pour se consacrer à son stagiaire. Mais, surtout, tous ont bénéficié d’une semaine de formation à la fonction. « Cela fait partie de notre accord de GPEC (gestion prévisionnelle des emplois et des compétences), souligne le DRH, et permet de reconnaître la valeur de l’expérience acquise par les professionnels en fin de carrière. »

Pour Marie-Laure Manuel, directrice du Vieux Logis, une MECS constituée de six services répartis dans l’Essonne, tout est une question de « volonté associative ». Après avoir bénéficié du fond de transition mis en place en 2014 et 2015 pour soutenir les employeurs soumis à l’obligation de gratification(1), la structure obtenait chaque année un financement du département pour accueillir deux stagiaires et deux salariés en contrat de professionnalisation. A l’occasion de l’examen du budget prévisionnel, l’institution a fait savoir pour 2017 qu’elle ne paierait plus « les mesures nouvelles ». En clair : plus de financement pour l’alternance. « Comme je sais que le conseil d’administration de l’AVVEJ [Association vers la vie pour l’éducation des jeunes] me suit, j’ai bataillé pour que la ligne budgétaire soit maintenue sur la durée des contrats déjà signés, rapporte la directrice. Pour la suite, on verra… Mais il faut savoir être têtue, quand on est convaincue. »

Un modèle à « moderniser »

Au mois d’octobre dernier, la commission professionnelle consultative du travail social et de l’intervention sociale (CPC) pointait « l’essoufflement, voire l’épuisement » de l’alternance intégrative, appelant à « moderniser » le modèle(2). Le secteur s’acheminerait-il vers la fin des stages ? « Pas du tout, tranche Chantal Cornier, directrice régionale de l’Institut de formation en travail social d’Echirolles (Isère) et référente du groupe “professionnalisation” de l’Unaforis (Union nationale des associations de formation et de recherche en intervention sociale). Cela signifie simplement qu’il faut innover. On résume le stage à l’apprentissage de la relation, mais il peut aussi s’agir d’apprendre à diagnostiquer un territoire, à monter un projet… Les établissements et services sont soumis à des contraintes importantes, et l’accueil des stagiaires ne constitue pas nécessairement la priorité des employeurs. A nous d’expérimenter d’autres formes d’approches de la pratique, quitte à investir des univers professionnels connexes. A nous d’inventer et de nous ouvrir des horizons, pour promouvoir de nouvelles modalités de professionnalisation. »

Cadre légal

La gratification est obligatoire lorsque la durée du stage est supérieure à deux mois au cours de l’année d’enseignement scolaire ou universitaire, soit plus de 308 heures de présence, même discontinue. Le montant de la gratification doit être fixé dans la convention de stage. En 2017, le montant maximal s’établit à 3,60 € de l’heure. Jusqu’à ce plafond, la gratification est exonérée de cotisations et de contributions sociales. Au-delà, toutes les cotisations et contributions sont dues (à l’exception des cotisations d’assurance chômage et de la contribution patronale au dialogue social). Les organismes publics ne peuvent pas verser de gratification supérieure au montant minimal légal sous peine de requalification de la convention de stage en contrat de travail.

Notes

(1) Voir ASH n° 2908 du 01-05-15, p. 38.

(2) Voir ASH n° 2979 du 14-10-16, p. 16.

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