Un colloque organisé le 8 février par le président du groupe écologique du Sénat, Jean Desessard, un projet d’avis du Conseil économique, social et environnemental attendu le 15, une expérimentation prochaine en Gironde(1)… Alors que le sujet du revenu universel, proposition phare du candidat à la présidentielle pour le PS, Benoît Hamon, déborde des seuls débats électoraux, l’Uniopss (Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux) veut, à l’appui d’une note de son conseil de recherche et de prospective, réaffirmer ses priorités pour lutter contre la pauvreté. Parmi elles : la revalorisation des minima sociaux, leur fusion (tout en tenant compte des situations des personnes âgées et handicapées), la simplification des règles administratives et l’ouverture du revenu de solidarité active (RSA) aux jeunes. « Le débat sur le revenu universel a le mérite de mettre en évidence et de souligner les lacunes et insuffisances de l’actuel système des minima sociaux, et particulièrement du RSA », souligne l’organisation dans un communiqué du 1er février. « Notre système social apparaît inadapté face aux transformations du marché du travail où se multiplient les formes et les contrats atypiques par rapport au CDI [contrat à durée indéterminée], minoritaire dans les nouveaux contrats, mais qui demeure largement majoritaire pour les salariés en exercice. » Pour l’Uniopss, « le développement de la précarité dans l’emploi et le travail n’est pas une fatalité ». En revanche, « la protection sociale doit élargir son champ d’application pour couvrir ceux qui en sont exclus ». Alors que « le revenu universel, au-delà des questions de son financement qui n’est pas assuré, soulève de nombreuses inconnues », elle réclame « garanties et précisions » sur les différentes propositions ou réflexions avancées en la matière.
La note de son conseil de recherche et de prospective passe en effet en revue les différents enjeux liés au revenu universel. Permettrait-il d’éradiquer la pauvreté ? « Le système national de protection sociale français, bien qu’il génère des transferts financiers dépassant le quart du PIB [produit intérieur brut], s’accompagne de la situation de pauvreté de 14 % de la population », rappelle le document. « Pour améliorer nettement la situation, il faudrait des réformes qui, sans aller jusqu’à une réforme radicale, seraient accessibles à court terme, comme le relèvement du montant des minima sociaux afin qu’ils atteignent le seuil de pauvreté, soit 60 % du niveau de vie médian (1 008 €/mois) », considèrent ses auteurs. « Or, aucun des projets actuels de revenu de base ou allocation universelle n’est en mesure d’atteindre de tels niveaux. » La question de la lutte contre le non-recours est en revanche plus tranchée, chacun s’accordant à dire qu’une allocation universelle automatique permettrait plus facilement aux personnes de bénéficier de leurs droits sociaux. Par ailleurs, poursuit la note, « les économies réalisées sur les coûts bureaucratiques de la distribution des allocations en termes de réduction d’emplois publics sont aussi avancées en faveur du dispositif, qui supprimerait la nécessité du contrôle social, tout en respectant la dignité des personnes ».
Quelles seraient les conséquences d’un revenu universel sur le système actuel de la protection sociale ? Sur ce point, le document interroge les effets des scénarios envisageant la suppression de certaines prestations, comme les allocations familiales et, plus globalement, attire l’attention sur le nombre de gagnants et de perdants selon les modalités de financement envisagées. Dans le cas d’« une généralisation des minima sociaux unifiés », la dépense supplémentaire serait de « un peu moins de 400 milliards d’euros par mois pour 540 € par mois (RSA actuel) et d’un peu moins de 600 milliards pour 800 € par mois (allocation de solidarité aux personnes âgées actuelle). Dans le premier cas, 18 % du PIB, dans le second, 28 %, seraient prélevés puis redistribués sous forme d’allocation universelle. » Et les auteurs de s’interroger sur la faisabilité d’une telle réforme. Autre crainte : voir l’allocation universelle constituer « un versement pour solde de tout compte », supprimant toutes les autres formes de solidarité. « Un tel renoncement pourrait, notamment, justifier un transfert massif de la sécurité sociale vers les assureurs privés dans une logique de concurrence et une extension générale de la privatisation qui est déjà dans certains programmes politiques. La protection des travailleurs par la loi (salaire minimal, médecine du travail, instances représentatives du personnel, protection complémentaire…) apparaîtrait aussi superflue puisque chacun travaillerait désormais à sa guise grâce à l’allocation. » Au final, celle-ci représenterait « “un cheval de Troie” ouvrant la voie à une véritable implosion du système national de protection sociale et donc comme un levier de promotion d’une société de marché ».
La note conclut à la nécessité de se concentrer sur l’amélioration du système existant « pour le rendre plus égalitaire et inclusif ». Par exemple, « outre l’engagement d’une réforme fiscale de toute façon désormais inévitable », seraient nécessaires « la revalorisation des minima sociaux existants pour atteindre à terme le seuil de pauvreté, la mise en place d’une allocation familiale pour enfant à charge, l’abandon dans les discours politiques des représentations idéologiques stigmatisant des populations pauvres et visant à les diviser, la persévérance des efforts d’accompagnement des personnes vers l’émancipation », ou encore « l’extension des droits sociaux à l’ensemble des actifs salariés comme indépendants, le partage équitable des contributions »