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Alerte réclame un plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté traduit dans une loi-cadre

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Le collectif Alerte appelle les candidats à l’élection présidentielle à s’engager sur un plan interministériel de lutte contre la pauvreté, inscrit dans une loi de programmation financière sur cinq ans.

Le plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale adopté en 2013 a « sans doute permis une stabilisation du taux de pauvreté, une amélioration des minima sociaux, ou des avancées significatives dans le domaine de la santé », mais n’a pas profondément modifié la condition des personnes en situation de précarité, estime le collectif Alerte. Raison pour laquelle les 38 fédérations et associations nationales réunies au sein du collectif entendent « changer d’échelle dans la lutte contre la pauvreté ». Elles ont, dans cette optique, présenté le 7 février leur plateforme de propositions à l’attention des candidats à l’élection présidentielle à travers laquelle elles veulent promouvoir « une société bienveillante, fraternelle et solidaire ». Pour cela, « nous demandons fermement aux candidats de mettre en place, au travers d’une loi-cadre, un plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté, qui serait d’abord discuté au Parlement et qui, comme en 1998 [année de promulgation de la loi d’orientation relative à la lutte contre les exclusions], ouvrirait sur un plan avec des engagements financiers » sur le quinquennat, a indiqué François Soulage, président d’Alerte. Pour le collectif, la lutte contre la pauvreté ne peut se satisfaire uniquement de « mesures sectorielles » ettrès ciblées, de type revalorisation du montant du RSA (revenu de solidarité active). « C’est important mais la vraie question à poser est plutôt de déterminer avec quel niveau de revenu on peut vivre décemment,a illustré François Soulage. On ne peut pas se contenter de sparadrap ». Il est par ailleurs essentiel « de partir de la situation des personnes, des réalités qu’elles vivent ». C’est pourquoi, « contrairement à d’habitude, avant de développer des propositions, nous avons au préalable fait l’analyse de la situation selon les catégories sociales, a expliqué François Soulage. Pour lutter contre les causes de la pauvreté, les conditions ne sont pas les mêmes si vous êtes dans la petite enfance, à l’âge de la recherche du premier emploi, une personne âgée… »

Triptyque vertueux

Partant de ce principe, Alerte formule ses propositions autour de cinq grands axes, à commencer par une réforme en profondeur de la politique des minima sociaux. « Aujourd’hui, les droits sont complexes, opaques et illisibles et entretiennent beaucoup la suspicion, a relevé Véronique Fayet, présidente du Secours catholique. Nous proposons un triptyque vertueux reposant sur un revenu minimum garanti sous condition de ressources, adossé à un accompagnement renforcé et à une politique de travail décent pour tous. » D’un montant de 850 € mensuels, sans compter les allocations familiales et les aides personnalisées au logement (APL), ce revenu minimum serait attribué dès 18 ans et serait automatique, pour remédier aux situations de non-recours, conformément au modèle défendu par la Fédération des acteurs de solidarité(1). Selon Véronique Fayet, le surcoût de sa mise en œuvre serait de 30 milliards d’euros, soit plus du double du coût représenté par les dix minima sociaux existants aujourd’hui (24 milliards d’euros) mais seulement un dixième de la somme nécessaire pour la mise en œuvre d’un revenu universel de 500 € mensuels. Surtout, a souligné la présidente du Secours catholique, cet argent serait immédiatement réinvesti dans l’économie. Quant aux marges de manœuvre financières, elles existent, a-t-elle rappelé, se référant au montant de la fraude fiscale, estimé à 70 milliards d’euros.

Alerte plaide ensuite pour une « politique ambitieuse de formation professionnelle et d’alternance appuyée sur le compte personnel d’activité qui doit être élargi à un droit à l’éducation-formation tout au long de la vie ». Parmi les publics prioritaires, ceux touchés par le chômage de longue durée, « antichambre de l’exclusion », selon les mots de Louis Gallois, président de la Fédération des acteurs de la solidarité, qui a relayé les attentes du collectif dans le domaine de l’emploi : la formation de 750 000 chômeurs de longue durée, le renforcement des contrats aidés de 300 000 à 500 000 en mettant la priorité sur l’insertion par l’activité économique (IAE) et la création de 5 000 postes supplémentaires pour les personnes handicapées dans les entreprises adaptées. Alerte veut aussi développer l’offre d’accompagnement au moyen du nouveau dispositif d’emploi accompagné en portant le dispositif de 1 500 parcours à 5 000 sur la durée du quinquennat. « Il faut aussi des mesures ciblées sur les territoires les plus en difficulté », a ajouté Louis Gallois. Pour soutenir l’emploi, le collectif propose également de mettre en place une stratégie pluriannuelle de développement de l’économie sociale et solidaire (ESS) et de créer un crédit d’impôt « innovation sociale » ouvert à ce secteur, s’inspirant du crédit impôt « recherche ». Il faut enfin développer les « expérimentations territoriales favorisant l’accès direct à l’emploi des chômeurs de longue durée, notamment “territoires zéro chômeurs de longue durée” ».

Troisième axe de propositions : prévoir des investissements sociaux massifs dans la lutte contre l’isolement, pour la petite enfance et dans le soutien à la parentalité. Alerte souhaite en particulier une loi-cadre pour la petite enfance qui permettrait de « garantir la protection et l’éducation de tous les enfants, notamment ceux issus des familles les plus vulnérables, et ce depuis leur plus jeune âge ». Le collectif préconise ainsi de continuer l’effort de création de places d’accueil des jeunes enfants et notamment d’« atteindre 10 % de places en crèche pour les enfants de familles en situation de précarité », tout en poursuivant le développement de places d’accueil pour ceux dont les parents sont en parcours d’insertion ou de réinsertion sociale et professionnelle. Les associations appellent aussi à consolider la protection maternelle et infantile (PMI) « en assurant une relation de proximité avec les familles, un maillage serré du territoire, un accueil inconditionnel et gratuit et une polyvalence des professionnels ».

Prévenir les ruptures

Autre objectif majeur : « une politique du logement qui permette enfin de sortir des logiques d’hébergement, de lutter contre la précarité énergétique, de mieux utiliser le parc privé et de garantir l’accès au logement, y compris privé, pour les personnes les plus modestes ». Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé-Pierre, est ainsi, au nom du collectif, revenu sur « la situation extrêmement tendue sur le front du logement », comme l’a encore montré le dernier rapport de la fondation(2). Les propositions d’Alerte s’organisent autour de « deux axes majeurs », a-t-il poursuivi : « prévenir les ruptures et favoriser le maintien dans le logement ». Cela passe par la revalorisation des APL, un moratoire sur les expulsions locatives sans relogement, la résorption de toutes les situations de logement indigne et l’adaptation des logements au handicap. Par ailleurs, afin de « garantir un chez-soi digne et respecteux pour tout le monde », Christophe Robert a insisté sur la nécessité de sanctuariser les moyens dédiés à l’accompagnement social et de favoriser l’accès direct au logement. « Il faut 150 000 logements sociaux par an, dont 60 000 très sociaux, mobiliser le parc privé à vocation sociale, développer le logement accompagné sous toutes ses formes, notamment les pensions de famille ». Et si « tout cela a un coût », il faut en attendre aussi un « retour sur investissement ».

Une logique qui s’applique au champ de la santé : c’est en effet l’un des premiers postes de dépenses sacrifiés par les personnes en grande précarité, a rappelé François Soulage, pointant que le coût engendré par la prise en charge de pathologies chroniques avancées pourrait être évité par une politique de prévention plus efficace. Cette question fait l’objet du cinquième pilier de propositions d’Alerte, qui réclame « une politique de santé accessible à toute personne, quels que soient ses revenus et à tous ceux présents sur le territoire, en application [du principe] de l’accueil inconditionnel ». Le collectif réitère une série de revendications, comme élever le seuil de la CMU-C au niveau du seuil de pauvreté, faciliter l’accès à la domiciliation ou encore fusionner l’aide médicale de l’Etat (AME) dans la protection universelle maladie (PUMa). Il propose en outre de « promouvoir la création des maisons de santé de proximité (MSP), en zones urbaines mais aussi rurales, d’évaluer les permanences d’accès aux soins de santé (PASS) de ville, d’affirmer les PASS hospitalières » et de développer le rôle des médiateurs médico-sociaux.

Pour réaliser les objectifs définis dans leur plateforme présidentielle, les 38 organisations membres d’Alerte insistent sur la nécessité de renforcer les moyens du travail social, mais aussi de modifier les pratiques. « Il faut partir de la reconnaissance des atouts et compétences de chacun(e) en agissant avec les personnes et non pour elles ou sans elles, plaident-elles. Le développement du travail collectif et communautaire est essentiel. Il faut éviter de couper les personnes de leurs liens d’appartenance et de leur solidarité naturelle ». Alerte demande ainsi « l’organisation d’une conférence de consensus sur la notion d’“accompagnement global” qui est une donnée essentielle dans l’avancée du travail social ».

En conclusion de la présentation de cette plateforme, François Soulage a signalé qu’Alerte et le Collectif des associations unies pour une nouvelle politique publique du logement des personnes sans abri et mal logées allaient demander systématiquement à rencontrer tous les candidats à l’élection présidentielle, à l’exception de Marine Le Pen, et qu’un travail était déjà engagé avec les équipes de François Fillon (LR) et du fondateur du mouvement En marche !, Emmanuel Macron.

Notes

(1) Voir ASH n° 2992 du 13-01-16, p. 8.

(2) Voir ASH n° 2996 du 3-02-17, p. 12.

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