Répondant à une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) posée par la Cour de cassation, le Conseil constitutionnel a, dans une décision rendue le 24 janvier, partiellement censuré l’article 434-35 du code pénal qui punit de un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende le fait, en quelque lieu qu’il se produise, de remettre ou de faire parvenir à un détenu, ou de recevoir de lui et de transmettre des sommes d’argent, correspondances, objets ou substances quelconques ainsi que de communiquer par tout moyen avec une personne détenue, en dehors des cas autorisés par les règlements.
Dans cette affaire, une détenue soulève l’absence de conformité avec la Constitution des mots « ainsi que de communiquer par tout moyen avec une personne détenue, en dehors des cas autorisés par les règlements ». Plus précisément, elle estime que ces dispositions portent une atteinte disproportionnée à la liberté de communication et au droit au respect de la vie privée « dès lors qu’elles érigent en principe l’interdiction de communiquer avec une personne détenue et ne permettent la communication qu’à titre d’exception ». En outre, la requérante soutient que, « en renvoyant au pouvoir réglementaire le soin de fixer les cas dans lesquels la communication avec une personne détenue est autorisée, les dispositions contestées définissent insuffisamment les éléments constitutifs de l’infraction et méconnaissent, dès lors, le principe de légalité des délits et des peines ».
Une argumentation que le Conseil constitutionnel a retenue. En effet, sur la base de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789, qui pose le principe de légalité des délits et des peines, et de l’article 34 de la Constitution, qui dispose que la loi fixe les règles concernant la détermination des crimes et des délits ainsi que les peines qui leur sont applicables, l’instance rappelle que le législateur a l’« obligation de fixer lui-même le champ d’application de la loi pénale et de définir les crimes et délits en termes suffisamment clairs et précis pour exclure l’arbitraire ». Or, souligne-t-elle, l’article 434-35 du code pénal réprime la communication par tout moyen avec une personne détenue et ne l’autorise qu’à titre exceptionnel dans les cas prévus par des dispositions de nature réglementaire, « sans préciser les motifs pouvant justifier ces autorisations ni en définir le cadre ». La prérogative ainsi conférée au pouvoir réglementaire est donc susceptible d’être exercée « indépendamment des dispositions législatives qui autorisent et organisent la communication avec une personne détenue ». Au final, le Conseil constitutionnel estime que, en l’espèce, le législateur s’en est remis au pouvoir réglementaire pour déterminer la portée du délit de communication irrégulière avec une personne détenue. « Il en résulte que le législateur, qui n’a pas fixé lui-même le champ d’application de la loi pénale, a méconnu les exigences découlant du principe de légalité des délits et des peines. » C’est à ce titre que sont déclarés contraires à la Constitution les mots « ainsi que de communiquer par tout moyen avec une personne détenue » figurant à l’article 434-35 du code pénal.
En pratique, le Conseil constitutionnel estime qu’« aucun motif ne justifie de reporter les effets de la déclaration d’inconstitutionnalité », qui s’applique donc depuis le 27 janvier(1). Toutefois, a-t-il précisé dans un communiqué du 24 janvier, « les personnes détenues demeurent soumises aux règles en vigueur encadrant les conditions de leur communication avec l’extérieur, en particulier celles figurant [dans] la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 »(2).
(1) C’est-à-dire à compter de la date de publication de la décision au Journal officiel.