Juge des enfants, un métier à deux faces

« Encore elle… », peut-on entendre dans les couloirs du tribunal pour enfants de Lille. A 17 ans, Kenza a déjà été condamnée dix-sept fois. Gisèle Delcambre, juge des enfants, la connaît bien. Celle qui l’entend aujourd’hui pour faits de vols et de violence suit l’adolescente en assistance éducative depuis plusieurs années. Elle sait tout de cette « enfant sauvage » abandonnée très jeune par des parents déficients, puis confiée à une cousine. Le documentaire Des juges et des enfants montre le quotidien de la magistrate, mais aussi de quatre autres juges des enfants qui ont accepté de dévoiler une profession dont le huis clos est d’ordinaire un principe sacré. Ce film – suivi d’un débat avec Pavo(1), Gisèle Delcambre et Pierre Joxe, avocat spécialisé dans la défense des mineurs – montre de l’intérieur ce métier sous ses deux faces : si l’on entend le plus souvent parler du pénal, 80 % du temps de ces hommes et femmes de loi est en réalité consacré à la protection, en partenariat avec l’aide sociale à l’enfance, pour mettre en place des mesures d’accompagnement éducatif et de suivi des familles. Des juges et des enfants est également une photographie de l’enfance en déshérence, dans une juridiction du Nord, où le volume de dossiers traités est de 30 % supérieur à celui des autres régions.

« A une époque où certains veulent déconstruire cette justice des mineurs, taxée de laxiste, j’ai voulu rappeler à quel point la double compétence de ces juges est importante, car les enfants qui sont en danger et ceux qui tombent dans la délinquance sont les mêmes, pointe le réalisateur Cyril Denvers. Tous les délinquants lourds que j’ai rencontrés pour le film étaient suivis en assistance éducative. D’où l’importance de ces magistrats, car ils sont confrontés aux réalités familiales et humaines qui fabriquent des gamins en difficulté. »

Pour compléter ce documentaire diffusé sur France 5, le réalisateur est également parti à la rencontre de mineurs isolés étrangers qui campent dans un parc lillois, puis a filmé la visite d’une jeune juge, Judith Aziza, dans un établissement pénitentiaire pour mineurs (EPM). A son arrivée, les jeunes la reconnaissent tous et crient son nom…