Alors qu’à Paris, associations, services de la ville et de l’Etat s’organisent pour trouver des solutions d’accueil pour les migrants, la prise en charge des mineurs non accompagnés reste encore une affaire sensible. C’est ce que montre un communiqué, daté du 23 janvier, du collectif ADJIE (Accompagnement et défense des jeunes isolés étrangers), dont sont notamment membres l’ADDE (Avocats pour la défense des droits des étrangers), la Cimade Ile-de-France, la Voix de l’enfant, RESF ou encore le Secours catholique. Les signataires mettent en cause le fonctionnement du dispositif d’évaluation des mineurs isolés étrangers (DEMIE) géré par la Croix-Rouge française, chargée d’évaluer la minorité et l’isolement des jeunes en vue de leur admission à l’aide sociale à l’enfance. « Depuis septembre 2016, l’ADJIE a reçu un nombre croissant de mineurs isolés ayant été éconduits le jour de leur présentation au DEMIE (le collectif a recensé 52 cas). Ils étaient – pour la plupart –, en possession de documents d’état-civil prouvant leur minorité et dont l’authenticité n’a pas été contestée (c’était le cas de 31 d’entre eux). Parmi eux, certains provenaient du centre humanitaire de La Chapelle où ils ne peuvent être hébergés en raison de leur minorité. »
Le collectif souligne que « la loi impose à chaque département de mettre en place l’accueil provisoire d’urgence de toute personne se déclarant mineure et privée temporairement ou définitivement de la protection de sa famille ». Or il témoigne que nombre de jeunes sont reçus en « pré-entretien d’accueil » avant de « se voir refuser la prise en charge sans qu’aucune décision administrative ne leur soit notifiée ». Selon l’ADJIE, d’autres ont « la chance d’obtenir un rendez-vous (programmé un mois plus tard environ) pour que leur situation soit évaluée. En attendant, ils ne sont pas mis à l’abri. » Le collectif rappelle une décision du 21 juillet 2016 du Défenseur des droits, selon laquelle « tous les jeunes qui se présentent comme mineurs non accompagnés doivent impérativement faire l’objet d’une évaluation socio-éducative ». D’ordinaire, « nous saisissons le juge des enfants après un refus d’admission à l’aide sociale à l’enfance », précise Corentin Bailleul, bénévole à l’ADJIE, indiquant que dans ce cas, « 50 % des jeunes finissent par avoir une ordonnance de placement provisoire ». Mais dans les situations relevées par le collectif, « il s’agit de refus « au guichet », ni motivés ni notifiés ». Si les pièces manquent alors pour aller devant le juge, « la minorité du jeune n’a dans ce cas pas encore été contestée par une décision administrative ».
De son côté, Thierry Couvert Leroy, délégué national Enfants et Familles à la Croix-Rouge française, reconnaît « quelques situations de litiges, mais pas dans les proportions » relatées par l’ADJIE. Et juge « impossibles » les cas de non-mise à l’abri pour les jeunes en attente d’évaluation, ces derniers étant accueillis au sein du dispositif géré par France terre d’asile, comportant 240 places. « Il y a forcément un accueil et un premier temps d’échange », et, « si les éléments apportés au cours de cet entretien de « pré-accueil » – parcours, pièces d’identité –, ne permettent pas de déterminer la majorité, ou en cas de doute sur la minorité du jeune, un rendez-vous lui est donné pour un entretien psycho-social. » Quant à l’absence de notification après le premier entretien, « cela était vrai jusqu’à début janvier », assure-t-il.
« Tout le monde sait qu’il y a un flux important de jeunes se présentant comme mineurs », souligne Thierry Couvert Leroy, pointant que le rôle du DEMIE est de venir en aide à la décision du département de Paris sur la reconnaissance ou non de la minorité des jeunes. En 2016, « un peu plus de 3 700 personnes se sont présentées au DEMIE et ont été accueillies, un peu moins de 1 900 jeunes ont été reçus en entretiens psycho-sociaux pour la production d’un rapport d’évaluation de leur minorité et de leur isolement. Sur le second semestre, c’est un flux d’environ 400 personnes qui se sont présentées dans notre service ». Depuis l’ouverture du dispositif il y a un an, poursuit-il, des aménagements se sont révélés nécessaires et se mettent progressivement en place. « Nous avons en janvier obtenu de la Ville de Paris des moyens supplémentaires – avant tout d’évaluateurs, et aussi des temps complémentaires de psychologue et infirmier – et nous sommes en train de réorganiser notre service afin de réduire les délais d’attente pour l’évaluation et de mieux structurer la gestion de l’accueil pour que cette période soit plus lisible pour les jeunes et nos partenaires ».
Depuis le 9 janvier, précise Thierry Couvert Leroy, la Croix-Rouge assure une permanence dans la « bulle » du centre d’accueil des migrants primo-arrivants, porte de la Chapelle, pour y effectuer les premiers entretiens et ainsi pouvoir « orienter directement les majeurs vers la structure d’accueil pour adultes ». Mais là encore, la crainte des associations de voir s’opérer « un tri » montre les difficultés, malgré les textes découlant de la loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant, à s’accorder sur les pratiques d’évaluation des jeunes qui espèrent une protection. Contactés à plusieurs reprises, les services de la Ville de Paris n’ont pas répondu.