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Prévention spécialisée : un rapport parlementaire ouvre des pistes pour répondre à la crise

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Après six mois de travail, la mission d’information de l’Assemblée nationale sur l’avenir de la prévention spécialisée a rendu son rapport le 1er février(1). Un rapport « très attendu » par les acteurs de la prévention spécialisée, a souligné la rapporteure de la mission, Kheira Bouziane-Laroussi (PS), lors de l’examen du texte. Constituée en mai dernier, cette mission, présidée par Denis Jacquat (LR), était chargée d’étudier le rôle de la prévention spécialisée et d’analyser les moyens dont elle dispose, compte tenu des évolutions que le secteur a connues depuis plusieurs décennies(2). Dans son rapport, elle identifie les problématiques auxquelles le secteur, qu’elle juge aujourd’hui en « crise profonde », est confronté : s’il a une mission éducative et préventive « indispensable », celle-ci est « fragilisée » par de nouveaux défis (financements, pratiques évolutives, formation insuffisante des professionnels…). Constatant que la prévention spécialisée constitue désormais une « politique publique à part entière », les députés estiment qu’« il est [donc] absolument nécessaire qu’elle dispose des moyens juridiques, financiers et humains pour remplir correctement sa mission dans tous les territoires où elle est utile ». Ils formulent 13 pistes d’amélioration afin d’assurer à la prévention spécialisée des moyens adaptés à l’évolution des besoins, et ainsi conforter son avenir. Focus sur quelques-unes des principales propositions avancées.

Un secteur « fragilisé »

Le rapport de la mission d’information fait état du « triple malaise » du secteur de la prévention spécialisée. En premier lieu, son financement, assuré par les départements, connaît « une crise sans précédent ». Certains d’entre eux diminuent en effet les crédits dédiés au secteur (suppression de postes, coupes dans les sommes allouées aux associations…)(3), indépendamment des besoins des publics en difficulté, ce qui crée un problème d’égalité entre les territoires. La mission constate, par ailleurs, que plusieurs départements se désengagent totalement de la prévention spécialisée, « au mépris des réalités locales ».

Parallèlement à cette baisse – voire suppression – des moyens, les parlementaires observent que les professionnels de la prévention spécialisée sont confrontés à denouveaux enjeux concernant la jeunesse : augmentation des facteurs de marginalisation (concentration des problématiques sociales dans des quartiers dits « sensibles », aggravation du taux d’échec scolaire, du taux de chômage ou encore de l’état de l’habitat), problèmes de santé, notamment mentale, et montée du radicalisme.

Le rapport souligne enfin que la prévention spécialisée, qui « fait partie de l’aide sociale à l’enfance », connaît des « difficultés de positionnement » au regard de lapolitique de prévention de la délinquance et de la politique de la ville, dans lesquelles elle a tendance à être intégrée :

→ financièrement. Kheira Bouziane-Laroussi estime ainsi que les politiques de prévention de la délinquance et de la ville « sont en train de vampiriser les moyens » dévolus à la prévention spécialisée ;

→ idéologiquement. La mission rappelle que si la prévention spécialisée contribue à la prévention de la délinquance, elle s’inscrit dans une démarche éducative et non répressive. De même, estime-t-elle, ses territoires d’intervention ne peuvent pas être réduits aux quartiers prioritaires de la politique de la ville.

Des évolutions nécessaires

Pour remédier aux difficultés rencontrées actuellement par la prévention spécialisée, la mission d’information propose notamment de donner un cadrage national aux acteurs de la prévention spécialisée, cadrage qu’elle juge « indispensable pour répondre à la demande de clarification des missions et de la place » du secteur. L’élaboration d’une politique nationale serait notamment permise par la mise en place, au sein du Conseil national de la protection de l’enfance(4), d’une commission permanente consacrée à la prévention spécialisée, ainsi que par la « définition [juridique] d’orientations doctrinales fondamentales précisant le positionnement de la prévention spécialisée ». La convention de partenariat relative à la prévention spécialisée signée le 14 octobre dernier entre le gouvernement, les élus et les acteurs(5) en constitue une première étape.

Autre proposition avancée par la mission d’information : réaffirmer le rôle du département dans le financement de la prévention spécialisée. La mission rappelle que le département est tenu de financer l’équipe de prévention spécialisée dès lors qu’il l’habilite à l’aide sociale. Or cette obligation de financement n’est pas toujours respectée. Il s’agit donc, selon elle, de réécrire les dispositions du code de l’action sociale et des familles afin d’établir clairement le caractère obligatoire de la compétence du département en la matière et ainsi donner une base légale au juge pour constater une carence manifeste en matière d’habilitation. Les parlementaires recommandent également aux associations de privilégier une contractualisation pluriannuelle avec leur département financeur plutôt qu’un appel à projets. Le contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens leur permet en effet d’avoir une visibilité financière sur plusieurs années, et constitue un « moyen utile de pilotage » pour le département.

La mission d’information estime aussi que les formes d’intervention doivent évoluer pour faire face aux nouveaux enjeux auxquels le secteur est confronté. Elle propose ainsi que la prévention spécialisée soit mieux articulée à la politique de prévention de la délinquance et à la politique de la ville pour ne pas être confondue avec elles. Elle soutient, entre outre, que le rôle de la prévention spécialisée doit être conforté par une implication plus importante des familles dans la prise en charge des jeunes, ceci dès le plus jeune âge, ainsi que par un renforcement des partenariats avec l’Education nationale, « les établissements scolaires étant un lieu d’intervention incontournable des éducateurs ». De tels partenariats prendraient la forme d’une convention cadre nationale avec le ministère de l’Education nationale.

Le rapport préconise enfin d’adapter la formation initiale et continue des professionnels aux nouveaux enjeux du secteur et, notamment, au besoin de spécialisation. « Principal instrument de la transformation du métier d’éducateur », la formation dispensée aux travailleurs sociaux doit « mieux prendre en compte la spécificité » du secteur, en développant des contenus adéquats en lien avec la profession, notamment en fin de cursus. Elle permettrait ainsi de mieux préparer au métier d’éducateur de rue, estime la mission d’information. Le rapport propose, par ailleurs, la mise en place de plans de formation dès lors que de nouvelles missions sont confiées aux éducateurs. Leur financement et leur élaboration seraient assurés par les collectivités et l’Etat, en partenariat avec les associations gestionnaires.

Notes

(1) Rapport prochainement disp. sur www.assemblee-nationale.fr.

(2) Voir ASH n° 2960 du 13-05-16, p. 12 et n° 2968 du 8-07-16, p. 11.

(3) Voir notamment ASH n° 2972 du 26-08-16, p. 6.

(4) Voir notamment ASH n° 2988 du 16-12-16, p. 14 et ce numéro, p. 42.

(5) Voir ASH n° 2985 du 25-11-16, p. 6.

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