Dans leur rapport sur l’application de la loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite loi « ALUR », les deux députés Daniel Goldberg (PS) et Jean-Marie Tétart (LR) s’attachent à évaluer la mise en application des 95 articles de ses titres I et II qui, selon eux, constituent « les parties les plus débattues de ce texte particulièrement dense et ambitieux »(1). Ils en dressent au final un bilan partagé, en regrettant en particulier l’abandon de la garantie universelle des loyers (GUL) tout en reconnaissant que « la quasi-totalité des dispositions de la loi ALUR est aujourd’hui applicable ».
Rappelant que « l’objectif de la loi consistait à réguler des pratiques pour garantir l’accès de tous à un logement décent et abordable en sécurisant les relations entre les propriétaires et les locataires, en limitant les pratiques abusives, en renforçant le contrôle des professions de l’immobilier et en créant de nouveaux outils destinés à la lutte contre l’habitat indigne et les copropriétés dégradées », les auteurs relèvent que, dès sa promulgation, « de nombreux commentateurs annonçaient que cette loi était inapplicable car elle nécessitait un immense travail réglementaire ». Or, « presque trois ans après », pas moins de « 91 % des mesures nécessitant une déclinaison réglementaire ont fait l’objet d’un décret ou d’un arrêté », estiment-ils, soit 50 décrets d’application publiés au 1er janvier 2017 pour les volets de la loi examinés. Seules dix mesures sont toujours en attente d’un texte réglementaire.
Un tour de force qui ne saurait masquer les difficultés de démarrage de la loi ni les engagements abandonnés en cours de route, nuancent les élus, en évoquant le contexte politique qui a accompagné l’entrée en vigueur de la loi, marqué par un changement de gouvernement et de ministre du Logement – Sylvia Pinel en l’occurrence – et qui a « donné lieu à des tergiversations du gouvernement quant à l’application de certaines dispositions symboliques fortement contestées par certains groupes de pression ». Outre la GUL, le nouveau Premier ministre de l’époque, Manuel Valls, décidait ainsi « de n’appliquer l’encadrement durable des loyers que de manière expérimentale, ne respectant ainsi pas la volonté que le législateur avait exprimée quelques mois plus tôt », tacle le rapport. Pour mémoire, cette mesure est actuellement mise en œuvre à Paris(2) – avec « des résultats positifs, bien que difficilement mesurables » – et, depuis le 1er février, à Lille(3). Le rapport se satisfait toutefois que cette restriction géographique n’ait pas empêché le développement des observatoires des loyers dans « la quasi-totalité des agglomérations de zone tendue ».
Par ailleurs, les obstacles liés au renouvellement des équipes ayant participé à l’élaboration de la loi « ALUR » ont été surmontés grâce à une « forte mobilisation des services de l’Etat et des autres acteurs, publics ou privés, du secteur du logement », saluent les rapporteurs, qui se félicitent ainsi que, même « s’il est encore trop tôt pour mesurer précisément l’efficacité de beaucoup des dispositions » visées, « certaines mesures produisent déjà leurs effets ». Sont cités, entre autres, les décrets relatifs à la location qui permettent de limiter les abus (rédaction d’un nouveau contrat type, par exemple, ou fixation d’une liste limitative de pièces justificatives demandées aux candidats au logement).
En revanche, le premier bilan du « dispositif Visale »(4), « qui a remplacé la garantie universelle des loyers sans débat parlementaire » – ce qui constitue une critique en soi –, se révèle également « décevant ». D’abord ciblé sur des publics spécifiques (jeunes actifs et salariés précaires), il a certes été étendu à toutes les personnes de moins de 30 ans et aux ménages très modestes en intermédiation locative. Mais les députés « regrettent toutefois que ce dispositif ne soit toujours pas ouvert aux chômeurs, pour qui la difficulté d’accéder à un logement en l’absence de garantie constitue souvent un handicap supplémentaire dans leur recherche d’emploi ». Le coût de Visale est d’ailleurs estimé, en année pleine, à 130 millions d’euros, soit trois fois moins que la GUL. Quant à son démarrage, qualifié de « lent », il n’a pas permis d’atteindre l’objectif de 20 800 contrats cautionnés en 2016, fixé initialement par Action logement avant de le porter à 81 000 contrats à la suite de l’élargissement du dispositif à tous les jeunes : « au 30 novembre 2016, seulement 7 681 contrats ont été cautionnés ». Un regret là aussi nuancé par le rapport en raison d’un « regain d’intérêt » constaté en 2016, qui laisse « entrevoir une montée en puissance du dispositif au cours de l’année 2017, à condition qu’un effort de communication accru soit réalisé par Action logement et par l’Etat ».
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