Saisi par la Cour de cassation de deux questions prioritaires de constitutionnalité visant les dispositions entourant certaines pratiques de contrôle d’identité, le Conseil constitutionnel n’a rien trouvé d’illégal, mais a toutefois apporté des précisions et formulé des réserves d’interprétation.
Les dispositions contestées étaient, d’une part, les articles 78-2 et 78-2-2 du code de procédure pénale et, d’autre part, les articles L. 611-1 et L. 611-1-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda).
Les premiers prévoient la possibilité pour le procureur de la République d’autoriser par réquisitions des contrôles d’identité en vue de la recherche et de la poursuite d’infractions qu’il précise, dans un périmètre et pendant une période déterminés.
Les deux articles du Ceseda permettent, pour leur part, aux autorités de police de procéder au contrôle du droit au séjour d’un étranger et à son placement en retenue pour vérification du droit au séjour à l’issue d’un contrôle d’identité sur réquisitions réalisé sur le fondement des articles du code de procédure pénale précités.
Soutenus notamment par le Syndicat des avocats de France et plusieurs associations de défense des droits des étrangers, les requérants à l’origine de l’affaire demandaient à la justice d’en finir avec des « pratiques de discriminations raciales » d’autant plus inacceptables « qu’elles sont commises par les forces de police, dépositaires de l’ordre public ».
Pour les sages, les dispositions contestées du code de procédure pénale sont conformes à la Constitution. L’objectif – de valeur constitutionnelle – de recherche des auteurs d’infraction peut justifier que soient engagées des procédures de contrôle d’identité, expliquent-ils. Seule pourrait poser problème – car incompatible avec le respect de la liberté personnelle – la pratique de contrôles d’identité généralisés et discrétionnaires. Mais ce n’est pas ce type de contrôles que prévoient les articles attaqués. Certes, ils autorisent les services de police judiciaire à contrôler l’identité des personnes quel que soit leur comportement, en tout lieu visé par les réquisitions écrites du procureur de la République. Mais le Conseil constitutionnel insiste sur deux points. D’une part, le législateur a précisément confié au procureur de la République le pouvoir d’autoriser de tels contrôles. Ces derniers ne peuvent donc être ordonnés qu’aux fins de recherche et de poursuite d’infractions. D’autre part, les réquisitions de ce magistrat ne peuvent viser que des lieux et des périodes de temps déterminés. Ainsi, mettent en garde les sages, les dispositions contestées n’autorisent pas le procureur de la République à retenir des lieux et périodes sans lien avec la recherche d’infractions visées dans ces réquisitions. Elles n’autorisent pas davantage, « en particulier par un cumul de réquisitions portant sur des lieux ou des périodes différents, la pratique de contrôles généralisés dans le temps ou dans l’espace ».
Interrogé sur la légalité de ces dispositions par rapport au principe d’égalité devant la procédure pénale, le Conseil constitutionnel n’a pas non plus sur ce point répondu aux espérances des requérants. « Les dispositions contestées n’instituent par elles-mêmes aucune différence de traitement dès lors que toute personne se trouvant sur les lieux et pendant la période déterminée […] peut être soumise à un contrôle d’identité », indiquent les sages. En outre, avertissent-ils encore, la mise en œuvre des contrôles d’identité confiés par la loi à des autorités de police judiciaire doit s’opérer en se fondant exclusivement sur des critères excluant toute discrimination de quelque nature que ce soit entre les personnes.
Le Conseil constitutionnel a également jugé conformes à la Constitution les dispositions contestées du Ceseda, soulignant notamment qu’elles prévoient bien que les contrôles d’identité réalisés sur leur fondement doivent s’opérer en se fondant exclusivement sur des critères excluant toute discrimination et que le respect de cette règle est assuré, en particulier en cas de procédure de rétention administrative faisant suite à ce contrôle, par le juge judiciaire.
Autre remarque : il ressort bien de l’article L. 611-1 contesté que le contrôle des documents relatifs à la régularité du séjour « ne peut être effectué que si des éléments objectifs déduits de circonstances extérieures à la personne même de l’intéressé sont de nature à faire apparaître sa qualité d’étranger ».
Ainsi, pour les sages, il résulte bien de tout cela que les dispositions contestées n’autorisent pas le recours à ces contrôles d’identité aux seules fins de contrôler la régularité du séjour des personnes contrôlées. Elles sont, par conséquent, conformes à la Constitution.