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« L’alternance intégrative implique une coopération renforcée »

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Comment faciliter la mise en œuvre de l’alternance intégrative et permettre au stagiaire de devenir acteur de sa formation ? Irène Albert, sociologue à l’IRTS et au Prefas de La Réunion, a conduit une recherche-action ciblée sur les formations de niveaux IV et V. Et favorisé une dynamique de coconstruction entre les acteurs.
Comment définir la notion d’« alternance intégrative » ?

Cette notion est apparue avec la réforme des diplômes, qui s’est échelonnée à partir de 2004 et a donné lieu à un référentiel professionnel décliné, notamment, en référentiel de compétences – ce qui supposait une validation en situation professionnelle. Pour appréhender cette approche, je me suis référée à deux spécialistes, André Geay et Gérard Malglaive, dont les recherches sur l’alternance intégrative ont été reprises dans les dernières orientations nationales des formations sociales et dans la « Contribution pour un livre blanc » de l’alternance publiée en 2010(1) par l’Aforts [Association française des organismes de formation et de recherche en travail social] et le GNI [Groupement national des instituts régionaux du travail social](2). Selon ces auteurs, l’alternance intégrative renvoie à l’articulation des parcours de formation du stagiaire en centre de formation et sur le lieu de stage afin de permettre l’acquisition de savoirs théoriques et pratiques et l’évaluation des compétences en commun. Au-delà d’une collaboration accrue entre l’établissement de formation et le site qualifiant, il s’agit de faire une plus large place au stagiaire avec l’idée qu’il doit devenir acteur de sa formation.

Quel impact sur la formation ?

Auparavant, les temps de formation étaient beaucoup plus cloisonnés : les savoirs théoriques et méthodologiques étaient acquis dans les centres de formation, puis mis en pratique dans les terrains de stage. On parlait alors d’« alternance juxtaposée » ou « associative » parce qu’il n’y avait pas vraiment de coopération entre ces deux lieux d’apprentissage. Par exemple, le centre de formation réalisait seul l’évaluation finale sur la base d’un bilan effectué par les référents professionnels du stagiaire. Désormais, le site qualifiant – expression qui a remplacé « terrain de stage » – est beaucoup plus impliqué : il doit mettre en place un projet d’accueil des stagiaires et est censé évaluer lui-même les compétences acquises par ces derniers. On voit en outre se développer des épreuves de cocertification dans les sites qualifiants avec des jurys composés de formateurs et de professionnels – cette approche est d’ailleurs exigée dans le cadre du nouveau diplôme d’Etat d’accompagnant éducatif et social (DEAES), ce qui laisse penser qu’elle pourrait être généralisée à terme à tous les diplômes du travail social.

Quels étaient les objectifs de la recherche-action ?

Nous voulions construire des outils facilitant la mise en œuvre de l’alternance intégrative dans les formations de niveau IV (moniteur-éducateur et aide médico-psychologique) et de niveau V (auxiliaire de vie sociale) tout en observant les effets de cette démarche sur les acteurs des centres de formation et des sites qualifiants. Il s’agissait à la fois de coconstruire la démarche d’alternance intégrative et de mettre en place un dispositif d’observation réflexif pour mieux comprendre le va-et-vient entre les centres de formation et les sites qualifiants et l’articulation entre la théorie et la pratique. Nous faisions l’hypothèse que ce nouveau mode de professionnalisation impliquait une évolution des positionnements des acteurs qui allait se traduire de plusieurs façons : une coopération renforcée entre formateurs et professionnels de terrain, un projet pédagogique fondé sur l’interactivité entre les différents temps de formation à l’école et en stage, une approche plus inductive permettant au stagiaire de développer son autonomie et sa capacité d’adaptation en situation de travail, un processus d’évaluation impliquant tous les acteurs concernés.

La recherche-action a-t-elle fait évoluer les pratiques en ce sens ?

Une phase d’harmonisation a permis aux acteurs impliqués de se doter d’un socle de références commun. Sur cette base, nous avons coélaboré un outil destiné à servir d’interface entre le site qualifiant et le centre de formation : le « livret d’accompagnement du stagiaire », qui, servant aussi d’outil d’évaluation, a facilité le changement de posture des différents acteurs vers davantage de coopération. Désormais, les professionnels des sites qualifiants évaluent eux-mêmes les compétences acquises en stage. Par ailleurs, même si le centre de formation fixe toujours des objectifs pédagogiques pour chaque étape du stage, il le fait en collaboration avec le site qualifiant selon les situations professionnelles que ce dernier peut proposer à l’étudiant. Ce processus de coconstruction s’incarne aussi chez les stagiaires dans la mesure où la formation prend davantage en compte la singularité de leur parcours : ils sont invités à jouer un rôle plus actif dans l’élaboration des objectifs qu’ils doivent atteindre en fonction de leur trajectoire personnelle – avant, le centre de formation les fixait de façon unilatérale.

Quels sont les effets de ces nouvelles modalités de formation ?

Elles ont permis d’optimiser l’accompagnement du stagiaire. Un des effets ponctuels, qui s’est confirmé les années suivantes, a été un taux de réussite plus élevé des étudiants à l’obtention de leur diplôme – avec, par exemple, une augmentation de 16 % pour les moniteurs-éducateurs entre 2011 et 2013. Par ailleurs, la formation des tuteurs de stage – mise en place en parallèle de la recherche-action – a connu un regain d’intérêt, ce qui montre que la recherche-action a permis de les sensibiliser. En outre, alors que nous connaissions des difficultés récurrentes pour trouver des stages – renforcées par l’obligation de gratifier les stagiaires –, ce n’est plus le cas aujourd’hui. La recherche-action a d’ailleurs permis de développer les conventions entre centres de formation et sites qualifiants. C’est une avancée importante car ces derniers peuvent y préciser leurs attentes concernant les stagiaires – nombre, métiers à proposer, nature des situations professionnelles… Ces conventions sont aussi l’occasion pour les sites qualifiants de réfléchir à leurs besoins en termes de formation continue, de recherches… Elles permettent ainsi de recenser la façon dont les centres de formation, le Prefas [pôle régional de recherche et d’étude pour la formation et l’action sociale] et les établissements et services sociaux et médico-sociaux peuvent coopérer, ce qui est une manière d’anticiper la transformation des établissements de formation en hautes écoles professionnelles en action sociale (HEPAS).

La transformation des sites qualifiants en pilotes de l’accompagnement des stagiaires permet aussi aux formateurs d’être moins présents dans les lieux de stage, de se recentrer sur l’acquisition de compétences en centre de formation et de dégager du temps pour développer des démarches pédagogiques innovantes.

Quelles sont les rétombées de cette recherche ?

Les outils élaborés dans le cadre de la recherche-action – comme le livret d’accompagnement du stagiaire – et la dynamique de coconstruction et de coopération entre formateurs, professionnels de terrain et stagiaires continuent à être largement diffusés dans les centres de formation et les sites qualifiants de la région. Depuis 2014, nous organisons, chaque année, un séminaire sur l’alternance réunissant formateurs et professionnels. Nos réflexions, toujours en cours, nourrissent l’élaboration de nouvelles méthodes pédagogiques, en particulier pour approfondir l’interactivité entre les temps d’accompagnement des étudiants en centres de formation et dans les sites qualifiants. Par exemple, afin de répondre aux besoins formulés par des sites qualifiants qui réfléchissent à la notion de « projet personnalisé des usagers », nous avons proposé à des moniteurs-éducateurs en formation de réaliser un diagnostic pour mieux connaître le public accueilli par les établissements et services concernés. C’est une façon d’intégrer, au sein de nos projets pédagogiques, les attentes des sites qualifiants.

Points de repères

Réalisée pour le compte du pôle ressources régional de recherche et d’étude pour la formation et l’action sociale (Prefas) de La Réunion, la recherche-action(1) pilotée, entre 2010 et 2013, par Irène Albert a été menée en partenariat avec les deux centres de formation en travail social de l’île – l’Ecole des métiers de l’accompagnement des personnes (EMAP) et l’Institut régional de travail social (IRTS) – avec une équipe d’une quinzaine de personnes composée de formateurs, de référents professionnels et/ou de tuteurs de sites qualifiants et de stagiaires.

Elle s’est déroulée en trois étapes : la production d’un diagnostic partagé qui a permis d’identifier les outils à construire pour les formations concernées par la recherche (moniteur-éducateur, aide médico-psychologique et auxiliaire de vie sociale) ; l’élaboration d’un livret d’accompagnement des stagiaires à partir des remontées issues de plusieurs groupes de travail ; l’évaluation des effets de l’alternance intégrative dans l’acquisition des compétences à partir d’une enquête par questionnaire et de huit rencontres organisées par secteur géographique et par formation.

Notes

(1) « Projet pour l’alternance dans les formations sociales. Contribution pour un livre blanc » – Octobre 2010 – Voir ASH n° 2679 du 22-10-10, p. 28.

(2) Qui ont été dissous lors de la création de l’Unaforis.

(1) Intitulée « Recherche-action sur la mise en œuvre de l’alternance intégrative dans les formations de niveau IV et niveau V via les sites qualifiants » – Disponible sur www.irtsreunion.fr.

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