Recevoir la newsletter

Crédit d’impôt sur la taxe sur les salaires : quels enjeux pour le secteur ?

Article réservé aux abonnés

Une journée d’information organisée par sept fédérations du secteur sanitaire, social et médico-social à but non lucratif a mis en lumière la nécessité, pour les structures, d’une appropriation tant technique que stratégique.

Obtenu de haute lutte par le secteur associatif et instauré dans le cadre de la loi de finances pour 2017, le crédit d’impôt sur la taxe sur les salaires (CITS) va-t-il bouleverser la stratégie budgétaire des établissements et services du secteur sanitaire, social et médico-social privé à but non lucratif ? La question, mais également la mise en œuvre pratique de cette mesure technique, qui se veut aussi emblématique d’une politique de soutien aux associations, ont amené sept organisations mobilisées depuis deux ans sur le sujet – la CNAPE, la Fédération des APAJH, la FEHAP, l’Unapei, Unicancer, l’Uniopss (1) et la Fédération des acteurs de la solidarité – à organiser, le 24 janvier à Paris, une journée d’information. Le CITS « ne résume et ne compense pas l’intégralité des handicaps fiscaux et de cotisations sociales du privé non lucratif, tant vis-à-vis du secteur public que du secteur privé commercial œuvrant dans les mêmes champs, a souligné en ouverture Antoine Dubout, président de la FEHAP, qui a coordonné la journée. Mais ce crédit d’impôt constitue incontestablement une grande avancée. Et ce pour au moins deux raisons : d’abord comme reconnaissance du secteur privé non lucratif, et puis pour ce que – techniquement – il a su ouvrir une fenêtre pour compenser ce différentiel de charges. » Néanmoins, beaucoup reste à faire, comme l’a fait valoir Louis Gallois, président de la Fédération des acteurs de la solidarité, qui a plaidé pour un « crédit d’impôt pour l’innovation sociale », sur le modèle du « crédit impôt recherche » ouvert aux entreprises.

« Ballon d’oxygène »

Présentée comme un « ballon d’oxygène » pour les finances associatives, la mesure a été réclamée par le secteur associatif, sanitaire, social et médico-social, et défendue par l’Union des employeurs de l’économie sociale et solidaire, pour compenser la distorsion de concurrence induite par le CICE (crédit d’impôt compétitivité emploi) créé en 2012 pour les entreprises à but lucratif. Ce crédit d’impôt sur la taxe sur les salaires s’élève à un taux de 4 % des rémunérations n’excédant pas 2,5 SMIC, diminué du montant de l’abattement sur la taxe sur les salaires dont bénéficient les employeurs du secteur privé non lucratif (relevé à 20 283 € en 2016). Reste que le taux du CITS est inférieur à celui du CICE, de 7 % désormais.

Alors que la mesure doit encore faire l’objet d’une instruction fiscale en cours d’écriture, les représentants de la direction générale des finances publiques invités à la journée d’information interfédérale ont apporté quelques réponses aux attentes de l’auditoire. Première précision : cette mesure fiscale en vigueur depuis le 1er janvier, applicable sur les salaires de 2017, n’aura d’effet, tant sur le plan des déclarations que sur celui de la trésorerie, qu’en janvier 2018. Le secrétaire d’Etat chargé du budget et des comptes publics, Christian Eckert, a confirmé, lors de son intervention en clôture de journée, qu’en dépit de la référence législative aux associations loi 1901, celles relevant du droit local (Bas-Rhin, Haut-Rhin et Moselle) étaient bien concernées. La question du « préfinancement », qui permettrait aux organismes de mobiliser la mesure dès cette année, est en revanche en cours d’expertise avec le ministère des Finances. Egalement en discussion : l’application du CITS aux groupements de coopération sociale et médico-sociale. Avec la question du préfinancement, « c’est le chantier actuel de la FEHAP avec Bercy », précise David Causse, coordonnateur du pôle « santé-social » de la fédération.

Comment les gestionnaires vont-ils s’emparer de cette mesure fiscale ? Invité en ouverture de la journée interfédérale, Patrick Kanner, ministre de la Ville, de la Jeunesse et des Sports, y voit le moyen de générer un « cercle vertueux », créateur d’activité, d’emplois et de citoyenneté par la revitalisation du secteur associatif. Mais toutes les structures ne ressentiront pas de la même manière la « manne » de 600 millions d’euros que représente le CITS. En premier lieu, le crédit d’impôt ne changera pas grand-chose pour les petites structures, qui bénéficient de l’abattement sur la taxe sur les salaires et pour lesquelles les 4 % de la masse salariale en dessous de 2,5 SMIC sont inférieurs à cet allégement. Par ailleurs, comme l’a souligné Yves-Jean Dupuis, directeur général de la FEHAP, l’effet du crédit d’impôt variera en fonction des structures d’emplois, « selon la proportion plus ou moins forte de salaires inférieurs à 2,5 SMIC ». En clair, il sera moins important dans une structure très médicalisée, par exemple.

Tandis que certaines organisations envisagent cet allégement de charges comme un moyen de préserver des emplois menacés, d’autres entrevoient une opportunité pour la création d’emplois, la formation sur des métiers en tension, le développement d’activités, la pérennisation ou le développement de réponses innovantes… Même si, comme l’a relevé Luc Gateau, président de l’Unapei, « un taux directeur proche de zéro » amène chaque année les associations à puiser dans leurs fonds propres. « Il y a des secteurs où la question ne se posera pas, le CITS permettra de sauver ou de limiter la chute d’activité, comme dans l’aide à domicile », a souligné Patrick Doutreligne, président de l’Uniopss. Alain Bouchon, vice-président de la CNAPE, s’est déjà livré à une comparaison : si, dans son association de sauvegarde, le montant dégagé par le crédit d’impôt représente 4,5 équivalents temps plein de travailleurs sociaux, le conseil départemental a envisagé d’amputer d’un tiers le budget de la prévention spécialisée, ce qui correspondrait à un nombre bien plus important de postes supprimés. La « mesure intervient à un moment où les conseils départementaux recherchent des zones sombres non obligatoires en termes de financement », a-t-il pointé.

De son côté, Christian Eckert a confirmé que la mesure « ne fera pas l’objet de reprise sur les tarifs lors de la prochaine campagne budgétaire », engagement déjà pris par la ministre de la Santé et des Affaires sociales. En d’autres termes, l’Etat n’est pas censé reprendre d’une main ce qu’il a donné de l’autre. Mais quelle sera la position des conseils départementaux ? Pour beaucoup d’associations, le CITS sera d’abord l’occasion de « reconquérir de la trésorerie », a reconnu Mathieu Klein, président (PS) du conseil départemental de Meurthe-et-Moselle. Mais, si marge de manœuvre il y a, la mesure représente aussi « une belle occasion de repenser les partenariats », de « renforcer les objectifs de travail en commun », a-t-il poursuivi, contestant une orientation qui reviendrait à « rechercher des sauf-conduits par rapport à des enjeux financiers bien réels ». René-Paul Savary, président (LR) du conseil départemental de la Marne, non sans faire le constat que le CITS – dont il estime l’effet à entre 1,5 et 2 millions d’euros dans son département – représente une somme qui pourrait « être récupérée dans le cadre de la tarification », a appelé à une stratégie de dialogue, « secteur par secteur, selon les opérateurs ». Pour les secteurs des personnes handicapées et de l’aide sociale à l’enfance, « les enjeux [financiers] sont plus importants, sauf qu’ils sont confrontés à de plus en plus de besoins », a-t-il précisé, invitant plutôt à discuter des objectifs d’affectation dans le cadre des dialogues de gestion. « Le cadre pour travailler ensemble est celui des CPOM [contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens] », a appuyé Jean-Michel Rapinat, directeur délégué aux politiques sociales de l’Assemblée des départements de France, préconisant « d’utiliser l’avantage que représente le CITS pour retrouver des marges de manœuvre communes ». Le crédit d’impôt représente « un magnifique carburant à CPOM », commente de son côté David Causse, soulignant que la FEHAP encourage « le démarrage au plus vite du dialogue de gestion » entre les associations et les autorités.

Notes

(1) Respectivement Convention nationale des associations de protection de l’enfant, Association pour adultes et jeunes handicapés, Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne privés non lucratifs, Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis et Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux.

Côté terrain

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur