Oswaldo Jacques

« Il est arrivé que des partenaires extérieurs me voyant en fauteuil roulant mettent quelques instants à comprendre que c’est moi qui dirige la structure », s’amuse Oswaldo Jacques, directeur du SAJ (service d’accueil de jour) et du SAVS (service d’accompagnement à la vie sociale) de l’APF (Association des paralysés de France) à Allonne, dans l’Oise. Outre quelques quiproquos cocasses, son handicap moteur nécessite un léger aménagement de son poste : un chauffeur-accompagnateur à mi-temps est à ses côtés pour le conduire dans ses nombreux déplacements, l’aider à mettre son manteau…(1). « Travailler au sein de l’APF facilite. Quand je mange avec mes collègues du SAVS, le fait qu’ils m’aident pour le repas ne pose pas de problème », apprécie-t-il. Directrice de quatre services « enfants » de l’APF dans l’Oise, Brigitte Becq collabore avec lui depuis l’époque où il dirigeait la délégation APF du département. « Quand il a pris son poste au SAJ et au SAVS, nous nous sommes retrouvés plus fréquemment dans des réunions, j’avais tendance à me proposer pour des petits gestes comme sortir son ordinateur, sans vouloir le vexer. Nous en avons parlé et avons conclu que quand il a besoin, il me demande », raconte-t-elle.

Cela fait deux ans et demi qu’Oswaldo Jacques, 35 ans, a pris la direction de ce service(2) créé en 2012. « Je suis un jeune manager à la tête d’une jeune structure. Et puisqu’il s’agit du premier service à destination d’adultes au sein de l’APF de l’Oise, il y a tout à construire », explique-t-il. Ensemble, ces deux unités comptent à peine une dizaine de salariés et le manager est seul aux manettes. « Je n’ai pas d’équipe de direction, pas de chef de service, pas d’adjoint », pointe-t-il. S’appuyer au maximum sur ses équipes de terrain est dès lors indispensable. « Ce sont elles qui ont la compétence de l’accompagnement des usagers », insiste le jeune père de famille. « Oswaldo est quelqu’un de très à l’écoute, il est adepte d’un management participatif, ce n’est pas un donneur d’ordres », souligne Brigitte Becq. L’ancien éducateur spécialisé – qui est en train de suivre un master 2 Gestion des entreprises sanitaires et sociales – considère que son travail est essentiellement de permettre à ses équipes de se concentrer sur cet accompagnement. Ce, dans un contexte de fortes contraintes budgétaires. « Mon rôle de manager est de faire rempart face à cette grosse machine qui nous demande de toujours plus rationaliser. Je dois fixer des garde-fous pour continuer à privilégier la qualité à la quantité. »

Pas question pour lui, néanmoins, de se contenter de subir cette tension budgétaire. « Le manque de moyens oblige à réinventer les modalités d’accompagnement. Nous devons privilégier le droit commun. Si nous ne pouvons pas financer un atelier théâtre pour nos usagers, nous pouvons les accompagner vers celui qui existe dans notre localité », propose-t-il. S’il voit dans cette évolution la poursuite de la politique d’inclusion de l’APF, il est toutefois lucide sur les difficultés qu’elle pose au quotidien : « Pour nos usagers – qui ont parfois passé toute leur vie en institution – comme pour mes collaborateurs, les murs rassurent. S’ouvrir à l’extérieur est une démarche qui s’apprend. » Toujours dans cette même logique d’inclusion, Oswaldo Jacques souhaiterait déménager ses locaux. « Nous sommes relégués dans une zone d’activité commerciale, au milieu de rien », déplore-t-il. Dernier chantier pour cet homme qui, comme le souligne un de ses anciens collègues à la délégation APF de l’Oise, « a 100 idées à la minute », la création d’une plateforme pour travailler l’insertion professionnelle des jeunes usagers.