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La Fédération des acteurs de la solidarité ouvre le débat électoral à la lutte contre la pauvreté

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Le 13 janvier, à Dijon, à l’occasion du congrès national de l’ancienne FNARS, sept candidats à la primaire de la gauche ou déjà dans la course à la présidentielle se sont exprimés, directement ou par la voix de représentants, sur certaines propositions de la fédération.

« Ces réponses vous engagent devant 800 personnes qui représentent une partie importante du secteur associatif. » C’est ainsi que Louis Gallois, président de la Fédération des acteurs de la solidarité (ex-FNARS), a, à l’issue d’une table ronde organisée lors de son congrès le 13 janvier à Dijon, pris acte des positions de sept candidats à la présidentielle – déjà en lice pour l’élection ou pour la primaire de la gauche –, exprimées en personne ou par la voix d’un soutien, sur plusieurs propositions de la fédération en matière de lutte contre l’exclusion. Entre les deux débats précédant la primaire des 22 et 29 janvier, ont accepté l’invitation Manuel Valls et Vincent Peillon (PS), tandis que l’ancienne présidente de l’ADIE Catherine Barbaroux, le conseiller départemental Jérôme Guedj, l’ancien conseiller de Paris Alexis Corbière, l’adjointe à la mairie de Paris Antoinette Guhl et le député de l’Essonne Michel Pouzol ont respectivement représenté Emmanuel Macron (En marche !), Arnaud Montebourg (PS), Jean-Luc Mélenchon (La France insoumise), Yannick Jadot (EELV) et Benoît Hamon (PS). Une occasion rare de voir autant de personnalités politiques échanger sur la lutte contre l’exclusion, et plus précisément sur l’emploi, les minima sociaux, le logement et l’accueil des migrants, au-delà de la seule question du revenu universel qui, dans la campagne, monopolise encore le débat sur les sujets sociaux. Louis Gallois a toutefois regretté l’absence du candidat LR François Fillon, qui n’a pas donné suite à l’invitation. Le président de la fédération n’a pas convié Marine Le Pen, assumant clairement le refus de discuter des positions de la candidate FN sur les migrants.

Des principes, peu de chiffres

Certes, le débat, organisé dans un temps contraint sur un nombre limité de sujets, n’a pas épuisé l’ensemble des positions ayant trait aux politiques de lutte contre la pauvreté, sur la fiscalité ou la santé par exemple. Sans tomber dans le piège d’un débat convenu, ce panel de candidats de gauche et de leurs soutiens a, avec des nuances, des divergences, des degrés de précision différents ou, pour l’ancien Premier ministre, un bilan à défendre, globalement apporté son adhésion à la nécessité de renforcer les politiques d’insertion, notamment par le développement de l’insertion par l’activité économique (IAE) et la construction de logements sociaux, avec un objectif de mixité sociale(1). Ces deux sujets sur lesquels les personnalités politiques ont été interrogées sont en effet apparus comme les moins clivants. Ne les ayant pas encore forcément travaillés dans leurs programmes, les participants à la table ronde ne se sont cependant pas toujours engagés sur les propositions chiffrées de la fédération. Même si la représentante de Yannick Jadot, spécialiste de l’économie sociale et solidaire, a clairement défendu la nécessité de doubler le nombre de postes dans l’insertion par l’activité économique, Manuel Valls ayant approuvé pour sa part l’idée d’augmenter de 350 000 à 500 000 le nombre de contrats aidés, non sans critiquer leur remise en cause dans le projet du candidat LR. D’autres déclarations avaient une vocation clairement plus offensive, le porte-parole de Jean-Luc Mélenchon, partisan d’un « droit opposable à l’emploi », préférant se déclarer « à 200 % pour les propositions » de la fédération, tandis que, au nom d’Arnaud Montebourg, Jérôme Guedj a promis « un comité de liaison » avec cette dernière. Michel Pouzol a quant à lui évoqué la proposition du candidat Hamon d’organiser « une grande conférence sur le logement », orientée sur la lutte contre l’exclusion.

Mais sur l’encadrement des loyers notamment, les participants à la table ronde ont montré des divergences : tout en plaidant pour une action accrue pour le logement des jeunes et des familles monoparentales, Manuel Valls a pris ses distances avec la proposition de la fédération de généraliser l’encadrement des loyers à l’ensemble des agglomérations « tendues ». « Je ne veux pas prendre de mesures qui ne permettraient pas à l’activité économique qu’est le logement de se développer », a-t-il défendu, rappelant que près de 450 000 constructions de logements ont été autorisées en 2016. Certains n’ont pas manqué de tacler les renoncements du quinquennat, qui se sont traduits par une mesure restreinte sur l’encadrement des loyers et un recul sur la garantie universelle. La volonté d’engager des actions pour la rénovation énergétique des logements, à la fois enjeu social et environnemental, semble en revanche être partagée par l’ensemble des candidats représentés au congrès.

La prime d’activité en débat

Sans surprise, la réforme des minima sociaux, thème déjà largement débattu par les prétendants à la présidentielle, est le sujet sur lequel les invités étaient le mieux rodés. C’est aussi celui qui, pendant la campagne, amène les candidats à se dévoiler sur leur conception de la protection sociale, en fonction de la place de la « valeur travail », des revenus de la solidarité, de leur rôle distributif et des équilibres à trouver pour leur financement. Michel Pouzol, porte-parole de Benoît Hamon, a de nouveau expliqué la proposition du candidat, consistant dans un premier temps à revaloriser le RSA (revenu de solidarité active) à hauteur de 600 €, à rendre son versement automatique et à l’accorder sans condition de ressources aux 18-25 ans dès 2018. Cette « phase permettra d’expérimenter ce que peut être le revenu universel » que le candidat socialiste appelle de ses vœux dans une phase ultérieure (son programme évoque une conférence « citoyenne » pour en déterminer le contour), et auquel le candidat EELV est également favorable. « La pauvreté n’est pas seulement liée à la perte d’emploi », a insisté le porte-parole de celui qui plaide pour « un nouveau rapport au travail ». « Il faut un peu plus de radicalité, ce que vous proposez doit être une première étape mais pas la dernière », a-t-il répondu à la Fédération des acteurs de la solidarité. Celle-ci propose, en effet, dans la lignée du rapport de l’ancien député PS Christophe Sirugue, de fusionner les minima sociaux pour créer un revenu minimum décent dont elle suggère de fixer le montant à 850 € par mois, ouvert sous conditions de ressources dès l’âge de 18 ans et attribué automatiquement. Une idée qui emporte l’adhésion de Manuel Valls, dont la proposition similaire vise « à gagner en efficacité et en taux de recours », a-t-il plaidé.

Les autres participants au débat ont opposé à Benoît Hamon le coût de la mesure phare de son programme – de 300 à 400 milliards à terme –, mais aussi le diagnostic sur lequel elle repose. Pour le candidat de « En marche ! », « les minima sociaux doivent être un filet de sécurité et une aide au retour au travail », a précisé Catherine Barbaroux, allant dans le sens des réflexions portées par la fédération sur le sujet et estimant, tout comme l’ancien Premier ministre, que « la prime d’activité doit être plus incitative ». Vincent Peillon veut, quant à lui, « mettre tous les moyens sur l’accompagnement », insistant sur l’importance de « la dignité dans le travail ». C’est aussi au nom du maintien de la « valeur travail » et d’un risque de pression sur les salaires que le porte-parole d’Arnaud Montebourg s’insurge contre l’idée du revenu universel. « Ouvert aux 18-25 ans, il coûterait 42 milliards, je préférerais que cette somme vienne financer tout le programme de la FNARS ! », a-t-il rétorqué, arguant de la nécessité de consolider « le système de protection sociale, qui a encore des trous dans la raquette ». Pour Alexis Corbière, parler d’un revenu minimum décent à 850 € ne « participe pas à la prise de conscience qu’on ne peut pas vivre décemment en dessous du seuil de pauvreté ». Le problème, a-t-il ajouté, « c’est le salaire minimum, trop proche du seuil de pauvreté ».

Parmi les sujets les moins consensuels également : l’accueil des migrants. Tandis que Vincent Peillon s’emportait contre l’influence de « la fachosphère » contre la solidarité en France et invitait à « se saisir collectivement de la question des migrants », Manuel Valls s’est clairement exprimé contre la proposition de la fédération d’accorder un titre de séjour permettant l’accès au travail et au logement aux étrangers non régularisés et non éloignés deux ans après leur arrivée en France. « Je comprends la logique, mais je ne crois pas à l’automaticité », a indiqué l’ancien Premier ministre, réaffirmant son opposition à l’idée d’un « accueil illimité », tout en se prononçant pour un « plan national d’intégration des réfugiés ».

« Une visibilite donnee a la lutte contre l’exclusion »

« Nous avons atteint l’objectif que nous nous étions donné : au-delà du revenu universel, que les politiques de solidarité entrent dans le débat électoral », se réjouit Florent Gueguen, directeur général de la Fédération des acteurs de la solidarité, à la suite de son congrès des 12 et 13 janvier. « Nous sommes satisfaits de l’exercice, nouveau pour la fédération, et de la visibilité qu’il a permis de donner aux politiques de lutte contre l’exclusion. » Par ailleurs, la présence de près de 900 congressistes a montré « un besoin de mobilisation politique » sur ces questions, ajoute-t-il.

Le débat avec les sept candidats a, selon Florent Gueguen, permis de dégager deux consensus parmi les représentants de la gauche : « la nécessité de développer l’insertion par l’activité économique, notamment dans les territoires en difficulté », l’IAE représentant un « outil de retour dans l’emploi et de développement local », et de réformer les minima sociaux, bien que les scénarios divergent. Tous les candidats présents « se sont ralliés à l’objectif de production de logements sociaux », ajoute Florent Gueguen, tandis que la fédération réaffirme sa volonté de voir généraliser l’encadrement des loyers dans les zones tendues et de mettre en place une garantie universelle des loyers. De même, il est important que le sujet de l’accueil des migrants ait été abordé, « compte tenu de l’impact de la présence des personnes aux droits incomplets dans le dispositif d’urgence », poursuit le directeur général de la fédération.

Alors que certains candidats se sont engagés à affiner leurs positions, la fédération va continuer à diffuser sa plateforme, y compris aux « institutions au sens large » et ressaisir les équipes de François Fillon, qui n’a pas donné suite à l’invitation et n’a pu par conséquent ni faire valoir ses propositions sur la pauvreté, ni défendre les mesures les plus controversées de son projet. « Nous allons faire vivre notre plateforme tout au long de la campagne, et elle va nous servir de feuille de route politique pour les cinq ans à venir », précise Florent Gueguen.

Notes

(1) La Fondation Abbé-Pierre a invité des candidats à la présidentielle à débattre de la politique du logement, le 31 janvier, lors de la présentation publique de son rapport annuel. Par ailleurs, l’USH a lancé une pétition en faveur du logement social (voir ce numéro, p. 12).

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