Recevoir la newsletter

Il faut « en finir avec le délit de solidarité », réclame un collectif

Article réservé aux abonnés

Le 6 janvier, le tribunal correctionnel de Nice a relaxé un enseignant-chercheur interpellé en octobre alors qu’il emmenait dans sa voiture trois migrantes pour les héberger. Le jugement d’un agriculteur de Breil-sur-Roya (Alpes-Maritimes), poursuivi pour avoir installé une cinquantaine d’Erythréens dans un centre de vacances désaffecté, a, lui, été mis en délibéré au 10 février, tandis que le procès de quatre autres militants du collectif Roya citoyenne, poursuivis pour aide à l’entrée, au séjour et à la circulation d’étrangers en situation irrégulière, aura lieu en mai prochain. Les procédures engagées contre des habitants qui viennent en aide aux migrants en provenance d’Italie ont redonné un coup de projecteur sur le « délit de solidarité », que la loi du 31 décembre 2012 relative à la retenue pour vérification du droit au séjour et modifiant le délit d’aide au séjour irrégulier pour en exclure les actions humanitaires et désintéressées est censée avoir abrogé. Dans un manifeste intitulé « La solidarité, plus que jamais un délit ? », une centaine d’organisations, dont Romeurope, le Comede, Emmaüs France, la Fédération des acteurs de la solidarité (ex-FNARS), la Fondation Abbé-Pierre, le Groupe d’information et de soutien des immigrés (GISTI), la Cimade, le Secours catholique, SUD, le SNPES-PJJ-FSU, le Syndicat de la magistrature…, défendent « le droit d’agir en toute humanité ».

« Avec l’instauration de l’état d’urgence, et dans le contexte baptisé “crise migratoire”, on assiste à une recrudescence de poursuites visant à empêcher l’expression de la solidarité envers migrants, réfugiés, Roms, sans-papiers… », écrivent les membres du collectif « Délinquants solidaires »(1), évoquant également des cas de poursuites à Paris, Calais, Norrent-Fontes (Pas-de-Calais) ou encore Loos (Nord) et Perpignan. Ils rappellent que la mobilisation associative contre le « délit d’aide à l’entrée, à la circulation et au séjour des étrangers en situation irrégulière » (article L. 622-1 du Ceseda), à l’origine dirigé contre les passeurs et l’exploitation des étrangers, a abouti à plusieurs retouches successives, dont la réforme du 31 décembre 2012(2). Bien que présenté comme entraînant « la “suppression” du délit de solidarité », le texte « se contente de préciser et augmenter les cas d’exemption de poursuites », souligne le manifeste. En 2011, la législation avait évolué dans l’objectif de protéger les personnes et associations apportant une aide humanitaire aux étrangers en situation irrégulière. Mais elle ne prévoyait cette immunité que lorsque cette aide était, face à un danger actuel ou imminent, nécessaire à la « sauvegarde de la vie ou de l’intégrité physique de l’étranger ». La loi du 31 décembre 2012 a étendu les cas visés, outre l’aide apportée à des parents, « à toute personne physique ou morale lorsque l’acte reproché n’a donné lieu à aucune contrepartie directe ou indirecte et consistait à fournir des conseils juridiques ou des prestations de restauration, d’hébergement ou de soins médicaux destinés à assurer des conditions de vie dignes et décentes à l’étranger, ou bien toute autre aide visant à préserver la dignité ou l’intégrité physique de celui-ci ». Dans son analyse publiée sur la réforme, le GISTI déplorait alors des changements « mineurs » et soulignait qu’en énumérant de manière limitative le type de prestations exclues des poursuites, la loi pouvait donner lieu à diverses interprétations. En l’occurrence, le procureur de la République de Nice a notamment reproché à l’enseignant relaxé d’avoir aidé à la circulation de personnes en situation irrégulière.

Dans leur manifeste, les organisations associatives et syndicales témoignent que, malgré la réforme, « des personnes ayant manifesté leur solidarité avec des étrangers sans titre de séjour continuent d’être inquiétées ». Et que, « dans le même temps, des poursuites ont commencé à être menées sur la base de textes sans rapport avec l’immigration » : délit d’outrage, réglementations relatives à l’urbanisme, à l’hygiène ou à la sécurité… « Ces procédés d’intimidation doivent cesser », enjoignent les signataires, qui veulent que « soient encouragé.e.s celles et ceux qui se montrent solidaires des personnes en situation de précarité sans se soucier de savoir si elles sont ou non en situation régulière quant au séjour ». C’est « l’avenir du principe même de solidarité qui est en jeu », estiment-ils.Le collectif « Délinquants solidaires » prévoit des actions collectives, dont une mobilisation, le 9 février à Paris.

Notes

(1) Contact : contact-delit-de-solidarite@gisti.org.

(2) Voir ASH n° 2808 du 3-05-13, p. 39.

Côté terrain

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur