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Une médecin engagée au chevet des enfants à protéger

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Elle s’est consacrée, au fil de son parcours de médecin de PMI et de ses responsabilités publiques, à l’enfance en danger. Aujourd’hui, Marie-Paule Martin-Blachais peut s’appuyer sur cette expertise et son sens de la pluridisciplinarité pour diriger la démarche de consensus sur les besoins des enfants en protection de l’enfance, dont le débat public est prévu le 19 janvier.

Quels sont les besoins fondamentaux des enfants, de tout enfant, pour grandir et s’épanouir ? Et comment l’aide sociale à l’enfance (ASE) peut-elle remédier aux carences dont ont souffert les enfants pris en charge afin qu’ils recouvrent leurs potentialités de développement ? Une palette de spécialistes – en pédiatrie, psychiatrie, travail social, sciences de l’éducation, droit – et quelque 200 professionnels de la protection de l’enfance doivent se retrouver le 19 janvier, à Paris, pour en débattre. Un temps fort de la démarche de consensus que Marie-Paule Martin-Blachais est chargée d’orchestrer à la demande de la ministre des Familles et de l’Enfance(1). Le comité d’experts pluridisciplinaire qu’elle anime depuis quatre mois va en effet, lors de cette journée de débat public, affiner ses propositions en vue du rapport qu’il prépare pour la mi-février.

« Je me suis réjouie que la ministre s’adresse à quelqu’un d’aussi compétent pour mener cette réflexion », déclare Geneviève Avenard, défenseure des enfants, qui a eu un long compagnonnage professionnel avec l’intéressée. Cette compétence ne résulte pas seulement de l’expérience que Marie-Paule Martin-Blachais a acquise de 2009 à 2015 à la tête du groupement d’intérêt public Enfance en danger (GIPED), qui coiffe l’Observatoire national de la protection de l’enfance (ONPE) et le Service national d’accueil téléphonique de l’enfance en danger. C’est l’ensemble de son parcours de médecin et de thérapeute familiale qui entre en cohérence avec la mission qui lui a été confiée, où se croisent une question clinique – l’appréciation des besoins des enfants –, une question pratique – les réponses à leur apporter – et une question de politique publique – la protection de l’enfance.

« Pédiatrie sociale »

Médecin, Marie-Paule Martin-Blachais l’est devenue par la grâce d’une mesure d’exception : en juin 1968, quand elle obtient son bac philo, l’accès aux études de médecine est « pour la première et unique fois ouvert aux littéraires », explique-t-elle. A la faculté de la Pitié-Salpêtrière, à Paris, la jeune Franco-Irlandaise se forme auprès des plus grands de la pédopsychiatrie : Michel Soulé, René Diatkine et Serge Lebovici. Avec ces cliniciens, « à la fois très impliqués sur la prévention, par l’identification des situations à risque en périnatalité, et sur les dimensions de promotion et de soutien des familles vulnérables ou en difficulté, avec le souci du bien-être de l’enfant », l’étudiante découvre une approche psycho-sociale de la médecine, qui la fait hésiter sur sa spécialité. Pédopsychiatrie ou pédiatrie ? Finalement, « j’ai choisi de faire de la pédiatrie sociale, c’est-à-dire que je me suis d’abord intéressée à l’enfant dans son milieu de vie intrafamilial avec un diplôme en psychopathologie du bébé avec le Pr Lebovici, puis à la structure familiale par une formation systémique, et enfin à la famille dans son environnement ». Un itinéraire allant du micro au macro, « comme des poupées russes ».

Après avoir suivi son mari, praticien hospitalier, à Dreux (Eure-et-Loir), la jeune femme est recrutée en 1977 par le conseil général comme médecin de circonscription de protection maternelle et infantile (PMI). Un mode d’exercice découvert lors de son internat en pédiatrie, dans lequel elle s’était « assez bien retrouvée ». Six ans plus tard, Marie-Paule Martin-Blachais se voit confier la responsabilité du service départemental de PMI. Geneviève Avenard, qui débute alors sa carrière comme directrice de la prévention et de l’action sociale d’Eure-et-Loir, évoque avec chaleur l’appui que Marie-Paule Martin-Blachais lui a apporté. « Grâce à sa vision qui allait au-delà de la clinique, une vision large du travail en partenariat et en réseau, on a pu mettre en place une territorialisation de la protection de l’enfance, clarifier les circuits et les recours, améliorer le repérage des enfants en danger, ainsi que la prise en compte des familles », souligne Geneviève Avenard. Un travail avec les familles que la responsable de la PMI a aussi conduit au travers de la dizaine de lieux d’accueil parents-enfants qu’elle a créés dans le département, des espaces d’accompagnement bienveillant à la parentalité, soit aussi de prévention précoce des difficultés.

Dans ses fonctions de médecin de circonscription, Marie-Paule Martin-Blachais avait été rapidement confrontée à des faits graves sur mineurs. A la différence de l’écrasante majorité de la communauté médicale de la fin des années 1970, dans un complet déni de la maltraitance, elle s’était rendu compte que la question des enfants violentés était une réalité. « Il fallait donc essayer d’acquérir des connaissances et des compétences pour intervenir efficacement auprès d’eux », résume-t-elle avec simplicité. Cet apprentissage, elle le fait avec les pionniers de l’Association française d’information et de recherche sur l’enfance maltraitée (Afirem), créée en 1979, et dans le cadre de la délégation de cette association qu’elle monte en Eure-et-Loir. « Pour savoir comment les enfants maltraités étaient identifiés, comment ils étaient pris en charge et ce qu’ils devenaient, nous avons constitué, dans le département, un groupe de travail avec des représentants des différents secteurs concernés – pédopsychiatrique, policier, et judiciaire civil et pénal. Nous souhaitions échanger sur nos pratiques et apprendre à nous connaître afin de cerner ce que chacun pouvait faire dans sa sphère », précise-t-elle.

La pluridisciplinarité, tel est le maître-mot, parce qu’il n’y a pas de salut pour les enfants maltraités si chaque professionnel reste dans son pré carré. C’est bien pourquoi « Marie-Paule était très précieuse pour nous, car très pluridisciplinaire à elle toute seule, commente Dominique Girodet, pédiatre hospitalière, qui fait partie des fondateurs de l’Afirem. Clinicienne par sa formation, elle avait en plus une pratique de santé publique et une bonne connaissance de la législation de la protection de l’enfance, ainsi que de toutes les questions qui se posent au niveau d’un département en matière de choix organisationnels et budgétaires. »

Cet éclairage pluri-orienté a également bénéficié à Fabienne Quiriau lorsque, conseillère technique au ministère de la Famille, elle préparait la loi de 2007 réformant la protection de l’enfance. « J’avais besoin de recueillir l’avis de Marie-Paule Martin-Blachais, car sur ce sujet complexe, c’est une des personnes les plus fiables et les plus exhaustives », affirme la directrice générale de la Convention nationale des associations de protection de l’enfance (CNAPE).

Faire avancer la connaissance pour mieux protéger les enfants en danger est bien sûr ce qui a aussi mobilisé, ces dernières années, l’ancienne directrice générale du GIPED. Avec un succès mitigé en ce qui concerne la remontée d’informations sur les entrées et les parcours des enfants en protection de l’enfance. Dans le dernier rapport de l’ONPE, d’octobre 2016, « on voit que seulement 28 départements ont transmis ces données et encore, toutes ne sont pas exploitables », regrette-t-elle. Côté verre à demi-plein, Marie-Paule Martin-Blachais se félicite que l’observatoire ait identifié et initié de nombreuses recherches pouvant faire l’objet de déclinaisons pratiques, comme celle sur l’accompagnement vers l’âge adulte des jeunes issus de la protection de l’enfance. Avec la réflexion en cours sur les besoins des enfants pris en charge, l’ambition est la même : dégager, à partir de la définition de ces besoins, un cadre d’évaluation des situations et d’intervention, utilisable par tous les professionnels quelle que soit leur formation initiale. En ligne de mire, encore et toujours, l’intérêt de l’enfant.

Dates clés

• 1977-2009 Médecin de circonscription, puis cheffe du service de PMI d’Eure-et-Loir, enfin directrice « enfance-famille » du département

• 2003-2009 Présidente de l’Association française d’information et de recherche sur l’enfance maltraitée

• 2009-2015 Directrice générale du GIP Enfance en danger

• Depuis 2016 Présidente d’une mission ministérielle sur les besoins fondamentaux des enfants en protection de l’enfance et directrice de l’Ecole de protection de l’enfance, récemment ouverte à Bourg-la-Reine (Hauts-de-Seine) à l’intention des cadres du secteur

Notes

(1) Voir ASH n° 2974 du 9-09-16, p. 5.

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