Abandons, abus, violences, emprises, maltraitances, précarité… Vous trouvez ça drôle ? Non ? C’est que vous n’avez pas encore lu Pavo ! A chacune des 64 pages de Projection de l’enfance, son premier album auto-édité, ses dessins dépeignent avec une ironie féroce le secteur social. « Explique-moi pourquoi tu vas mal ? », demande l’éducateur. « Pour continuer à te voir », répond l’enfant ! Actuellement éducateur spécialisé en AEMO (action éducative en milieu ouvert) en région parisienne, le dessinateur tient son pseudo de sa mère, d’origine espagnole. « “Ser pavo”, c’est faire l’andouille, ne raconter que des bêtises. Enfant, j’adorais faire des blagues. Au collège, je dessinais mes profs en cours et, quand je suis devenu travailleur social, j’ai continué à croquer mes collègues lors des réunions. » Ce fan de Reiser et Gotlib a eu la chance, au cours de sa formation d’éducateur spécialisé, d’effectuer un stage « hors champ » au sein de la rédaction de Charlie Hebdo. Un mois mémorable, au cours duquel il a pu recevoir des conseils de Cabu et Charb, qui l’ont encouragé à se nourrir de sa profession pour faire rire. « C’est vrai que je n’ai peut-être pas une bonne maîtrise technique du dessin, mais j’ai plein de choses à raconter », confie-t-il aux ASH. Dans son premier poste, en MECS (maison d’enfants à caractère social), Pavo monte un atelier dessin où les jeunes crayonnent leurs coups de colère, caricaturent les professionnels, se défoulent par la créativité. Il accumule quant à lui les anecdotes et stocke ses dessins d’humour… jusqu’au jour où il se décide à ouvrir une page Facebook. « J’ai été surpris par l’engouement pour mes dessins que je partageais sans ambition : en deux ans, j’ai atteint 18 000 abonnés et certaines planches ont fait jusqu’à 600 000 vues. » Il se décide alors à réunir dans ce premier tome un patchwork de ses œuvres, de la petite bulle en noir et blanc à la BD scénarisée sur plusieurs pages. « Mon métier me permet d’entrer dans l’intimité des gens, de la famille malienne polygame aux médecins de Saint-Cloud. Je fais partie de l’écologie familiale, en observe les dysfonctionnements et suis souvent pris par des sentiments contradictoires : tantôt ils me remplissent, tantôt ils me désespèrent. En tout cas, ils m’inspirent : beaucoup de mes planches sont des situations vécues. » Ce qui touche Pavo, c’est quand ses confrères se reconnaissent dans ses dessins : « Nous exerçons des métiers dont on parle mal, qui sont mal connus, mal expliqués et, dans Projection de l’enfance, je montre – avec tendresse, mais pas trop quand même – ce qu’est le quotidien en protection de l’enfance. Avec un objectif : que ça soit drôle ! »
Projection de l’enfance
Pavo – 13 € – Disp. en ligne sur