« Notre plateforme et le congrès ont un logiciel simple : la solidarité n’est pas un coût mais un investissement pour le pays tout entier et pour tout le monde », a défendu Louis Gallois, président de la Fédération des acteurs de la solidarité (nouveau nom de la FNARS), à l’occasion de la présentation à la presse, le 10 janvier, de la cinquantaine de propositions de la fédération, dont 25 « prioritaires », pour le prochain quinquennat. Lesquelles devaient être soumises aux candidats à l’élection présidentielle, ou à leurs représentants, invités à son congrès, le 13 janvier à Dijon. La solidarité est « un projet politique, une manière d’organiser l’action publique, ce n’est pas quelque chose qui se situe en annexe », a également plaidé le président de la fédération.
Un certain nombre de ces préconisations sont – preuve de la ténacité des associations comme des blocages qu’elles rencontrent – portées de longue date. Parmi elles : la fusion de l’aide médicale de l’Etat avec l’ancienne couverture maladie universelle (devenue PUMA), l’ouverture d’un droit effectif à la domiciliation, le doublement du nombre de centres d’accueil pour demandeurs d’asile (environ 40 000 aujourd’hui), la production d’un logement sur trois très social dans les agglomérations les plus tendues… La fédération rappelle aussi son souhait de voir doubler le nombre de postes dans l’insertion par l’activité économique (pour atteindre environ 280 000) sur le quinquennat et augmenter de 350 000 à 500 000 par an le nombre de bénéficiaires de contrats aidés. Autre proposition : « nourrir » le compte personnel d’activité à partir de 18 ans pour garantir, dès cet âge, un droit à l’« éducation-formation » tout au long de la vie. Alors que chaque année, selon la fédération, 20 000 personnes se retrouvent « ni régularisables ni expulsables » en raison de leur situation personnelle ou du refus de leur pays d’origine de les accueillir, elle préconise d’accorder un titre de séjour permettant l’accès au travail et au logement à celles qui n’ont pas été éloignées deux ans après leur entrée sur le territoire. Ce qui aurait aussi pour effet de désengorger le dispositif d’hébergement.
Mais c’est sur la réforme des minima sociaux, sujet qui s’est invité dans la campagne pour les primaires de la gauche, que les positions de la fédération pourraient particulièrement retenir l’attention. S’inspirant largement du rapport de l’ex-député (PS) Christophe Sirugue, sur lequel s’appuie également la proposition en la matière du candidat Manuel Valls, ainsi que des propositions du think tank Terra Nova, elle propose de fusionner les minima sociaux pour créer un « revenu minimum décent » de 850 € par mois, hors prestations familiales et aides au logement, ouvert aux personnes sans emploi dès l’âge de 18 ans et attribué automatiquement pour éviter le non-recours. « Nous estimons que personne ne doit vivre avec moins de 850 €, cela ne veut pas dire que cette somme serait versée à tout le monde », a commenté Louis Gallois, soulignant l’opposition de la fédération au « revenu universel » préconisé par Benoît Hamon, candidat à la primaire socialiste. « Tout d’abord pour des raisons de coût », a-t-il précisé – 30 milliards pour l’option soutenue par l’organisation, dix fois plus dans le cas du « revenu universel ». Mais aussi « parce qu’il serait incompréhensible que des personnes ayant un revenu décent reçoivent en plus » un complément, tranche Louis Gallois. Dans le scénario retenu par la fédération – celui d’une allocation différentielle dont le montant est supérieur aux hypothèses jusqu’ici avancées, mais toujours inférieur au seuil de pauvreté –, « il n’y aura pas de perdants, que des gagnants », appuie Louis Gallois, soulignant que cette prestation serait supérieure au minimum vieillesse. En contrepartie de la création de cette allocation financée par l’Etat, les départements devraient, conformément là encore aux suggestions du rapport « Sirugue », renforcer leurs efforts en matière de politiques d’insertion.
Pour le président de la Fédération des acteurs de la solidarité et ancien commissaire général à l’investissement, « il n’y a pas de fatalité à ce qu’il y ait en France 14 % de pauvres ». Mais « personne ne chiffre jamais ce que coûte la pauvreté et ce que rapporte la solidarité », déplore-t-il, citant un rapport diffusé en mai 2016 par l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques), selon lequel « les inégalités, si elles dépassent un certain seuil, nuisent à la productivité ». L’ONPES (Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale) devrait, à ses yeux, voir ses missions élargies pour étudier précisément la question. Le bénéfice économique de l’inclusion est néanmoins déjà démontré sur certains secteurs, comme celui du logement, rappelle Florent Gueguen, directeur général de la fédération. C’est aussi ce qui a présidé à l’expérimentation « Territoires zéro chômage de longue durée ».