Affichant la double ambition de « mettre en lumière la situation réelle des orphelins, en leur donnant la parole, mais aussi de dégager des axes de travail pour mieux les soutenir », la Fondation d’entreprise OCIRP (Organisme commun des institutions de rente et de prévoyance) vient de rendre publics les résultats de son enquête « Ecole et orphelins ». Présentés lors d’un colloque organisé au Conseil économique, social et environnemental (CESE) le 12 janvier, ils « apportent des données précieuses quant au vécu des orphelins dans notre pays, à leurs besoins et leurs souhaits, plus particulièrement à l’école. L’enquête s’attache également à identifier les attentes spécifiques et les interrogations des enseignants face aux situations de deuil qu’ils rencontrent chez certains élèves au sein de leur établissement ».
Pour cela, la Fondation OCIRP, dont la mission principale est de « faire connaître et reconnaître socialement la situation des jeunes orphelins en France », a travaillé en partenariat avec l’IFOP, qui a, du 15 février au 4 juillet dernier, interrogé 1 083 orphelins ayant perdu un parent ou les deux au cours de leur scolarité et 940 professionnels de l’éducation, dont 802 enseignants des premier et second degrés. Avant de délivrer les principaux enseignements de cette enquête, les auteurs rappellent que, selon une étude de l’Institut national des études démographiques (INED) de 2003, la France comptait alors 800 000 orphelins de moins de 25 ans. Mais « malgré ce chiffre conséquent, force est de constater que les orphelins constituent une population invisible de la société et des enquêtes statistiques, écrivent-ils. Absents des études sociologiques sur la famille, ils sont catégorisés dans les familles monoparentales, sans différence avec les enfants de parents divorcés. » En outre, « aucune politique publique en matière de protection ne leur est concrètement destinée ». Les objectifs étaient donc ici de mieux comprendre « l’impact du décès sur leur scolarité mais aussi sur leur vie à l’école et les conséquences plus générales ». En interrogeant également des enseignants et des personnels de l’éducation, il s’agissait aussi de mieux cerner les difficultés de ces professionnels confrontés aux situations de deuil.
Pour chaque thématique abordée, les résultats de l’enquête sont analysés et commentés par un professionnel (psychologue, psychiatre…). S’agissant par exemple du retour à l’école, que 73 % des élèves déclarent avoir effectué rapidement après le décès (31 % n’ont même pas manqué la classe), Magali Molinié, psychologue-clinicienne, explique qu’il est « impossible de fixer le temps nécessaire à un enfant venant de perdre son père ou sa mère, ou les deux », pour faire son retour en classe. Avant de souligner que, en tout état de cause, il ressort de l’enquête que celui-ci est vécu comme trop rapide par un grand nombre d’orphelins.
Sur les effets du deuil, 77 % des élèves orphelins indiquent au moins une conséquence négative sur leur scolarité (problèmes de concentration, difficultés pour apprendre de nouvelles leçons, pour faire leurs devoirs…) et 49 % estiment que le décès a influé sur leur santé, cette question ayant été posée aux 15 ans et plus. Dans la même tranche d’âge, ils sont en outre 46 % à juger que cela a eu une répercussion sur leur orientation. « Décrochage scolaire ou, a contrario, surinvestissement : les réactions des enfants et adolescents devenus orphelins varient beaucoup entre ces deux extrêmes », peut-on lire dans l’enquête.
Alors que l’on compte un enfant orphelin en moyenne par classe en France et que 72 % des enseignants interrogés ont eu un ou plusieurs orphelins dans leur classe au cours de leur carrière, les professionnels de l’Education nationale ne disposent pas toujours de l’information ni de la formation nécessaires et « semblent démunis lorsqu’ils sont confrontés à la situation ». Or, pointe l’étude, « l’école, au même titre que la famille et que d’autres institutions, a aussi un rôle à jouer dans le soutien bénéfique dont ont besoin les enfants et les jeunes orphelins ». Autre chiffre marquant : seuls 56 % des enseignants savent en début d’année scolaire s’ils ont ou non des élèves orphelins dans leur classe et 44 % sont susceptibles de l’apprendre ultérieurement. Ils sont 85 % à plébisciter l’idée d’un guide des « bonnes pratiques » donnant des conseils et des recommandations pour appréhender une situation d’orphelinage en classe selon l’âge, les causes du décès…, et 80 % souhaiteraient que des sessions ponctuelles de formation ou de sensibilisation sur la prise en charge de ces élèves.