François Chérèque, grande figure du syndicalisme, depuis sa jeunesse jusqu’à la fin de sa carrière engagé sur le terrain de l’action sociale, qui fut secrétaire général de la CFDT pendant dix ans et chargé du suivi du plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale, s’est éteint le 2 janvier à la suite d’une longue maladie, à l’âge de 60 ans. La sphère politique comme la société civile ont unanimement salué la mémoire de cet homme de conviction et de dialogue, même s’il fut souvent étrillé pour son sens aigu du compromis.
A l’occasion d’un portrait paru après sa nomination à la tête de la CFDT(1), en 2002, François Chérèque, fils de Jacques Chérèque, ancien numéro deux de la confédération et ex-ministre de Michel Rocard, confiait aux ASH porter la marque d’une « famille portée sur le social ». Après le bac, il entre à l’école d’éducateurs de Neuilly-sur-Marne (Seine-Saint-Denis) et obtient son premier emploi dans un hôpital de jour, avant d’être recruté au service de pédopsychiatrie du centre hospitalier de Digne (Alpes-de-Haute-Provence), où il s’engage dans les réflexions visant à diversifier les modes de prise en charge. « J’ai le sentiment de ne pas avoir été au bout de mes passions au plan professionnel », avouait-il il y a quinze ans. Le syndicalisme l’a en effet progressivement attiré vers d’autres engagements. En 1996, il devient secrétaire général de la fédération CFDT Santé-sociaux. Celle-ci, qui fait notamment référence à sa détermination dans la négociation sur les 35 heures dans le secteur et sur la professionnalisation des métiers de l’aide à domicile, honore « un homme intègre, soucieux de l’intérêt général mais proche de chacun, à l’écoute de la vie au travail des professionnels ».
Trois ans après avoir apporté son soutien à la réforme des retraites, François Chérèque est réélu en 2006 à la tête de la confédération. Laurent Berger lui succède en novembre 2012. En janvier 2013, celui qui était également président du think tank Terra nova devient inspecteur général des affaires sociales et se voit chargé par Jean-Marc Ayrault, alors Premier ministre, de suivre le plan de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale. Il se démène alors pour l’appropriation territoriale du plan, l’un des points faibles des politiques de lutte contre l’exclusion, et ne manque pas, dans son rapport d’évaluation remis en janvier 2015 avec deux autres inspecteurs, d’alerter le gouvernement sur la nécessité de mieux aider les familles pauvres, de rendre automatique l’accès à la couverture maladie universelle complémentaire pour les titulaires des minima sociaux, de réformer l’hébergement d’urgence, et s’inquiète du retard pris pour les « états généraux du travail social ». « François Chérèque était un homme d’une très grande capacité d’écoute et d’une grande rigueur, qui avait une idée très ferme de ce qu’il fallait faire et ne se laissait pas impressionner par les lobbies et groupes de pression », se souvient François Soulage, président du collectif Alerte, selon qui les lourdeurs administratives et les lenteurs dans la concrétisation des mesures avaient fini par exaspérer celui qui se définissait lui-même comme « impatient »(2). Pour autant, « il défendait le plan dans sa finalité et nous a permis de ne pas avoir une attitude trop critique », ajoute François Soulage, qui considère l’ancien syndicaliste comme un « vrai politique », bien qu’il n’ait jamais voulu en assumer les fonctions. Patrick Doutreligne rend pour sa part hommage, sur Twitter, à un « ami du secteur associatif », tandis que la Fédération des acteurs de la solidarité (FNARS) salue ses « engagements humanistes, en faveur du progrès social et de la lutte contre la pauvreté ».
En juin dernier, François Chérèque avait, en raison de sa maladie, décidé de mettre fin à ses fonctions de président de l’Agence du service civique, qu’il occupait depuis le 1er janvier 2014, à la suite de Martin Hirsch, et de Haut Commissaire à l’engagement civique. « Il donna pour horizon au service civique de devenir une institution majeure de la République. Dans la tradition réformiste, il ne chercha pas à trouver les interstices dans lesquels faire rentrer cette nouvelle politique publique, mais nous incita à la penser comme l’une des principales innovations sociales de la décennie », écrivent ses collaborateurs. « Cette vision d’une politique globale de l’engagement de la jeunesse, fondée sur le volontariat et la reconnaissance de ce qu’apportent les jeunes à la société, François Chérèque la mettait en œuvre avec nous au moment où il dut renoncer à ses fonctions. »
(2) Réformiste et impatient ! – François Chérèque – Ed. du Seuil, 2005.