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Ces hommes dans l’abîme

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Au cours de l’hiver 1992-1993, l’écrivain et grand reporter Hubert Prolongeau se plonge des mois durant dans le quotidien des personnes sans domicile fixe (SDF), partage avec elles les soupes populaires, la réalité de certains foyers, dort dans la rue ou des stations de métro et affronte la violence des regards des passants. Une immersion au milieu de ce « peuple de l’abîme », comme l’appelait Jack London au début du XXe siècle, qui a donné Sans domicile fixe, un récit minutieux et lucide de cette vie « dans une jungle sans roi et sans soleil ». C’est ce témoignage édifiant que les éditions Points ont eu la bonne idée de rééditer dans une version enrichie et mise à jour. En effet, si certaines évolutions sont apparues depuis la première édition, avec notamment la présence parmi les SDF de familles et de femmes seules de plus en plus nombreuses, l’essentiel du constat initial est toujours valable aujourd’hui. Celui d’une descente plus ou moins brutale dans un autre monde, d’un chemin « pavé de minuscules renonciations, d’obstacles », où l’on perd sa dignité. Celui d’une faillite qui est surtout celle d’une histoire personnelle, très souvent marquée par un abandon. Hubert Prolongeau nous entraîne avec lui dans cette rue où il faut très vite apprendre « à être aveugle au regard des autres » et à se méfier de la nuit, où l’on devient une proie facile. Il nous ouvre les portes de ces immenses foyers des grandes villes où règnent alors souvent le manque d’hygiène, les problèmes de sécurité, l’ennui, et qu’il faut quitter à l’aube pour retrouver la rue. Ces rues arpentées à longueur de journées, sans autre but que de chasser les idées noires. Les stratégies pour gagner un peu d’argent, pour trouver un endroit où poser quelques bouts de carton, les pathologies qui apparaissent et qui « n’existaient plus que dans les livres »… L’auteur raconte l’histoire d’un « gâchis énorme », celui d’hommes « cassés, brisés, marqués dès leur enfance pour ce destin qui n’en est pas un ». Amélioration des conditions d’hébergement, création du SAMU social, intégration de cette problématique dans les réflexions sur le logement… Les changements positifs intervenus en l’espace de deux décennies sont réels, reconnaît Hubert Prolongeau dans la postface. Les SDF peuvent-ils pour autant s’en sortir ? Si leurs chances de réinsertion sont minces, admet l’auteur, « ce n’est pas une raison pour les abandonner ».

Sans domicile fixe

Hubert Prolongeau – Ed. Points – 7,30 €

Culture

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