En décembre 2015, le Lotus bus de Médecins du monde, les Amis du bus des femmes et le Strass (Syndicat du travail sexuel) lançaient un projet visant à lutter contre les violences dont sont victimes les personnes prostituées, à la fois surexposées à ces actes et en situation de vulnérabilité, en favorisant leur accès aux droits et à la santé(1). Les trois partenaires viennent de dresser un bilan de la première année du programme, qui comprend des actions de prévention, d’information, de sensibilisation et d’accompagnement.
Outre plusieurs initiatives telles que l’édition d’une « brochure d’information à destination des travailleuses du sexe », une offre de consultation psychologique, des ateliers d’information sur les droits, les techniques d’autodéfense ou encore des formations à destination des associations, « 199 travailleuses du sexe victimes de violences ont été accompagnées en 2016 », indique le bilan diffusé par Médecins du monde, dont la majorité à travers les interventions en Ile-de-France du Lotus bus et des Amis du bus des femmes. Sur les 142 victimes accompagnées par le Lotus bus, « 51 ont été victimes de violences et ont déposé plainte en 2016. Les autres personnes sont accompagnées pour des faits de violences survenus avant 2016 », précise Médecins du monde. « Plus de la moitié des victimes accompagnées par le Lotus bus ont été victimes de viol, une victime sur cinq a subi une violence physique et une sur cinq également, une violence policière. » Autre constat : parmi les personnes suivies par le Lotus bus, 105 ont été victimes d’agresseurs en série (22 auteurs ou groupes d’auteurs différents). Parmi les 47 personnes soutenues par les Amis du bus des femmes, 24 ont connu cette situation. Ces chiffres inquiétants montrent « à la fois la grande vulnérabilité des travailleuses du sexe vis-à-vis des violences et l’impunité dont jouissent les agresseurs », relève le document.
La « répression policière du travail sexuel », y compris la pénalisation des clients, à laquelle les trois organisations se sont opposées, « une méfiance envers les institutions en général et la police en particulier », le sentiment « que la plainte ne sert à rien », ou encore la crainte de voir son activité révélée font partie des obstacles à l’accès aux droits, décrit le bilan provisoire du programme. Les trois organisations, qui ont en 2016 associé plusieurs autres partenaires institutionnels et associatifs à leur projet, soulignent par ailleurs que la loi du 13 avril 2016 « visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées » prévoit que le fait de commettre certaines infractions contre une « personne qui se livre à la prostitution », dans le cadre de son activité, est une circonstance aggravante. « Cela a notamment pour conséquence que toute violence physique exercée à l’encontre d’une travailleuse du sexe, même si cela n’entraîne pas plus de huit jours d’interruption totale de travail, est un délit », pointe le bilan, selon lequel il est toutefois « délicat à ce stade d’évaluer l’impact de cette nouvelle disposition ».
Au-delà de la diffusion des bonnes pratiques pour promouvoir l’accès aux droits et aux soins des victimes, les organisations ont été confortées dans l’idée de mettre en place « des stratégies de prévention innovantes ». En se fondant notamment sur « les expériences existant à l’étranger », elles prévoient de mettre en place, courant 2017, « un système d’alerte » qui permettra de signaler les agresseurs « afin que l’information circule au mieux et que cela leur permette de garantir de la manière la plus efficace leur propre sécurité ».