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Mineurs isolés de Calais : plaidoyers pour l’application du droit commun

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Quid de l’entrée dans le dispositif de protection de l’enfance des mineurs placés dans les CAOMI ? Plusieurs associations interpellent l’Etat et les départements.

Les inquiétudes des associations sur l’avenir des mineurs pris en charge dans les centres d’accueil et d’orientation des mineurs non accompagnés (CAOMI), après le démantèlement du campement de Calais, « n’ont fait que croître avec l’annonce récente des décisions du Home Office britannique » d’appliquer des critères restrictifspour leur admission outre-Manche(1). C’est ce que soulignent dans un communiqué une quinzaine d’organisations – dont Agir ensemble pour les droits des enfants, la Cimade, DEI (Défense des enfants International)-France, Hors la rue, Unicef France ou encore le Secours catholique –, signataires d’un courrier remis le 19 novembre à François Hollande, à la veille de la journée internationale des droits de l’enfant. A la suite de cette missive, elles ont pu relayer leurs préoccupations lors d’une « une réunion organisée le 14 décembre à l’Elysée en présence des ministères concernés », dont ceux de l’Intérieur, de la Justice, de l’Enfance et de l’Education, rapportent-elles. Rejoignant les conclusions du défenseur des droits sur le sujet(2), elles appellent à la fin du « système dérogatoire des CAOMI, prévu pour trois mois » – ces structures ont ouvert dans l’urgence à partir de la fin du mois d’octobre(3) – et à l’entrée des mineurs dans le dispositif de droit commun de la protection de l’enfance.

« Nous avons été frappés par le décalage évident » entre la présentation faite du dispositif des CAOMI et « ce que nous avions comme remontées de terrain », explique Sophie Graillat, présidente de DEI-France. Une note de la plateforme de ressources Infomie, qui a mis en place, depuis le démantèlement du campement de Calais, une permanence téléphonique à destination des mineurs et des équipes éducatives de ces structures, fait en effet état de plusieurs dysfonctionnements : « aucun CAOMI ayant appelé la permanence n’a mentionné avoir recruté un psychologue », souligne le document. De même, les appels des jeunes et des équipes ont permis de relever le manque d’interprètes, la confusion entourant les décisions du Home Office britannique, un accès inégal à la santé, des défaillances dans l’information, voire la formation, des équipes. Beaucoup d’appelants ont dit ne pas avoir connaissance de la circulaire du 1er novembre, selon laquelle les mineurs non admis au Royaume-Uni doivent être orientés vers le dispositif de l’aide sociale à l’enfance après évaluation de leur minorité et de leur isolement(4).

Les organisations craignent que le manque d’anticipation de la situation, conjuguée à la réticence de certains départements, n’entraîne des ruptures d’accueil ou l’émergence de nouveaux dispositifs ad ho c à bas coût. Certes, une note d’« informations concernant la suite de la procédure » a été élaborée par les autorités françaises pour les mineurs informés du refus du Royaume-Uni de les accueillir. Celle-ci les renseigne sur la possibilité de contester cette décision, ainsi que sur l’évaluation de leur minorité et de leur situation à laquelle doivent procéder les services du département, si le rejet n’est pas contesté ou pendant le réexamen de leur demande de transfert. Elle les informe de leur future prise en charge par l’aide sociale à l’enfance s’ils sont reconnus mineurs et rappelle la possibilité de demander l’asile en France. Mais cette note comporte « des oublis dans les voies de recours », telle la saisine du juge des enfants, relève Sophie Graillat. Les associations ont donc fait part à leurs interlocuteurs de leurs demandes de compléments. Par ailleurs, « nous nous sommes inquiétés de la façon dont les départements pourraient “absorber” ce flux supplémentaire : certains départements où se trouvent des CAOMI n’ont pas l’expérience de l’accueil des mineurs isolés étrangers, et de façon plus générale même ceux qui ont cette expérience n’ont pas encore mis en place les dispositifs d’application de la loi de mars 2016, concernant l’évaluation sociale notamment, ajoute la présidente de DEI-France. Nous avons aussi fait part de notre inquiétude quant à l’interprétation par certains juges de l’article 388 [du code civil] modifié par la loi de mars 2016 [faisant référence à des « documents d’identité valables »], qui conduit à réfuter la minorité de jeunes pourtant porteurs de documents d’Etat civil reconnus authentiques par les services de la fraude documentaire de la police. » Rendez-vous a été pris avec le ministère de la Justice, au début du mois de janvier, pour « évoquer ces points qui concernent plus largement tous les mineurs isolés étrangers », poursuit-elle. La prise en charge de ces publics vulnérables reste d’ailleurs défaillante dans plusieurs départements.

Plus globalement, le collectif de signataires demande « au gouvernement et aux départements d’apporter des garanties quant à l’effectivité, dans ce contexte exceptionnel, de l’accès au droit commun de la protection de l’enfance pour ces enfants et adolescents ». Il souhaite notamment « que soient mobilisés dans les départements concernés les moyens pluridisciplinaires nécessaires ». Il recommande que chaque décision du Home Office, mais aussi du conseil départemental ou de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, soit « motivée et notifiée au jeune de manière individuelle, écrite, dans une langue et un langage qu’il comprend ». Outre la nécessité de faire connaître aux jeunes toutes les possibilités de recours, les associations insistent sur la nécessité de rendre effectif leur accès à la représentation juridique. Dans les cas de disparition des CAOMI, les mineurs concernés « doivent faire l’objet d’un signalement comme pour tout autre enfant relevant de la protection de l’enfance », soulignent-elles. Unicef France indique s’inquiéter « du fait que certains mineurs ont depuis quitté les CAOMI et sont à présent perdus de vue ».

De son côté, France terre d’asile rappelle que seulement 800 jeunes ont au total été admis à rejoindre le Royaume-Uni, le ministère de l’Intérieur précisant que plus de 500 l’ont été depuis le démantèlement du campement de Calais, sur plus de 1 900 mis à l’abri dans les CAOMI. « Les réactions de ceux qui se sentent exclus ne se sont pas fait attendre : grève de la faim là, tensions ailleurs, sans parler des comportements de fugue de ceux qui reprennent tout simplement leur route migratoire parfois à l’instigation de passeurs qui les pressent de rejoindre la destination primitivement convenue. » L’association explique vouloir inciter les jeunes concernés à s’orienter vers le dispositif de protection de l’enfance et être prête à travailler en lien « avec tous les départements, qu’ils soient disposés à remplir à l’égard de ces jeunes étrangers leurs missions légales de protection de l’enfance ou qu’ils soient réticents ou opposés à le faire ».

Notes

(1) Outre ceux dont les attaches familiales ont été vérifiées, ceux dont l’intérêt supérieur serait de rejoindre le Royaume-Uni ont été définis comme étant les mineurs de 12 ans, ceux exposés à un risque élevé d’exploitation sexuelle, ceux de moins de 15 ans de nationalité syrienne ou soudanaise, ou encore ceux de moins de 18 ans accompagnant les précédents.

(2) Voir ASH n° 2989 du 23-12-16, p. 6.

(3) Voir notre reportage dans le n° 2989 du 23-12-16, p. 22.

(4) Voir ASH n° 2983 du 11-11-16, p. 41.

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