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Des pistes pour limiter les départs contraints en Belgique de personnes handicapées

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Un rapport sénatorial formule 40 propositions pour, non seulement améliorer la prise en charge des personnes handicapées accueillies dans des établissements wallons, mais aussi et surtout améliorer l’offre médico-sociale en France et éviter les ruptures de parcours.

« Le problème du départ des personnes handicapées françaises en Belgique est indissociable des difficultés rencontrées en France par les acteurs du monde du handicap », estime une mission d’information du Sénat qui a rendu ses conclusions, le 14 décembre, sur la prise en charge des personnes handicapées françaises dans des établissements situés en dehors du territoire national(1). Selon le rapport rédigé par la sénatrice (PS) Claire-Lise Campion et le sénateur (LR) Philippe Mouiller, la question du départ des personnes handicapées à l’étranger, qui concerne essentiellement la Belgique, et plus particulièrement la Wallonie, constitue un « phénomène préoccupant », contre lequel les mesures déjà prises par le gouvernement ne sont que la « partie d’une réponse d’ensemble à apporter à un secteur qui connaît des difficultés ». Pour les deux élus, l’insuffisance de la politique française du handicap plonge en effet les familles « dans l’incompréhension » et les contraint « au repli ou au départ ». Les sénateurs estiment donc que de nouvelles mesures doivent être prises afin de réduire le nombre de départs contraints à l’étranger, en sus des dispositifs existants. Ils formulent 40 propositions en faveur, notamment, de l’amélioration de l’offre médico-sociale et d’une meilleure gestion de la demande des personnes handicapées. Focus sur quelques-unes des pistes avancées.

Renforcer les dispositifs existants

Le rapport préconise, dans un premier temps, de faire de l’accord-cadre franco-wallon, signé en décembre 2011 et mis en œuvre en mars 2014(2), « un enjeu diplomatique à part entière », ce qui suppose de « poursuivre l’effort entamé de régularité de réunion de la commission mixte » de suivi. Les sénateurs soulignent à ce titre que « l’une des conditions de succès de la mise en œuvre de l’accord tient à la réalité de son suivi » par les autorités. Pour rappel, cet accord a pour objectif d’établir une coopération transfrontalière afin d’améliorer la prise en charge des personnes handicapées françaises accueillies de longue date au sein des établissements médico-sociaux belges. Le rapport préconise d’étendre le champ d’intervention de l’accord-cadre à la question de la scolarisation, afin d’assurer l’accès des ressortissants français à l’enseignement wallon. Selon les sénateurs, la limitation actuelle de l’accord à la question de la prise en charge médico-sociale pourrait conduire « à la déscolarisation de certains enfants en âge d’obligation scolaire sans pouvoir de contrôle de la part des autorités françaises ».

Les parlementaires proposent par ailleurs « d’atténuer l’universalité du plan d’accompagnement global [PAG] » pour limiter son élaboration à des situations de handicap « critiques » et, ainsi, désengorger les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). Selon eux, la mise en œuvre du PAG, aujourd’hui effective dans 24 départements(3), comporte un « risque élevé de saturation » des MDPH et revêt un caractère général qui ne répond pas aux situations particulières. Pour rappel, les maisons départementales des personnes handicapées sont chargées, depuis la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, de mettre en place, en collaboration avec les personnes handicapées ou leur famille, un PAG répondant à leurs besoins et leurs attentes et impliquant les différents acteurs de la prise en charge afin d’éviter que les personnes concernées ne se trouvent sans solution adaptée ou en risque de rupture de parcours(4).

Les rapporteurs estiment enfin qu’il faut poursuivre l’effort financier dédié aux solutions d’urgence permettant d’empêcher les départs contraints en Belgique. D’une part, en augmentant le montant du financement et, d’autre part, en ouvrant ce dernier aux secteurs des soins de ville et de la psychiatrie. A travers ces propositions, les sénateurs dénoncent les difficultés que présente le fonds d’amorçage de 15 millions d’euros mis en place en 2015 et reconduit pour 2017(5). Ils jugent son montant insuffisant et soulignent qu’il ne correspond pas à l’ouverture de nouveaux crédits, mais à un redéploiement de crédits d’assurance maladie. En outre, le rapport rappelle que la prise en charge des adultes handicapés n’est que partiellement assurée par l’assurance maladie, qui la cofinance aux côtés des départements. « Réorienter sans les augmenter » les crédits d’assurance maladie « ne suffira donc pas si les départements poursuivent de leur côté le financement de la prise en charge en Belgique. Or, il est à craindre que ces derniers, ne bénéficiant d’aucun financement supplémentaire pour réévaluer la prestation de compensation du handicap [PCH], n’opèrent aucune inflexion en la matière. » Il faut donc que la PCH soit réévaluée, parallèlement à l’augmentation du montant du fond.

Améliorer l’offre médico-sociale

Afin d’éviter les « ruptures évitables », les sénateurs proposent d’améliorer la connaissance de l’offre disponible en temps réel. Face à un maillage territorial de l’offre médico-sociale inégal et à une « asymétrie d’informations » qui sépare la personne handicapée dont l’orientation a été prononcée et l’établissement médico-social, l’usager doit avoir accès au taux d’occupation effectif d’un établissement susceptible de le prendre en charge, en sus de son accès au portail Finess (Fichier national des établissements sanitaires et sociaux), qui fournit un catalogue exhaustif des structures. Le rapport d’information renvoie au projet « Serafin-PH », qui prévoit la création d’un répertoire opérationnel de ressources, à l’instar du dispositif déjà existant dans le secteur sanitaire(6). Ce répertoire centralisera les places disponibles dans les établissements, sur la base des nomenclatures « besoins » et « prestations » qu’ils auront élaborées(7). Il apportera ainsi « une connaissance plus fine et mobilisable de l’offre médico-sociale », souligne le rapport.

Autre proposition : rendre immédiate l’obligation de motivation des refus d’admission en établissement, prévue par la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé(8), mais dont l’application a été différée au 1er janvier 2018, date à laquelle le plan d’accompagnement global sera effectif sur l’ensemble du territoire. Or, les sénateurs soulignent que, jusqu’à cette date, « les établissements peuvent continuer à prononcer des refus non motivés, ce qui contredit l’esprit de la loi ». Il convient donc, selon eux, de désolidariser l’obligation de motivation du PAG, et de l’appliquer de façon immédiate.

Concernant la prise en charge des personnes handicapées proprement dite, les sénateurs préconisent d’étudier au cas par cas la possibilité d’atténuer les effets de la frontière d’âge entre enfants et adultes et de raisonner davantage en « périodes de vie ». Ils proposent ainsi de « dépasser le cloisonnement enfant-adulte » en repensant la prise en charge pour les personnes handicapées ayant dépassé l’âge de 18 ans mais pour qui l’entrée dans un établissement pour adulte n’est pas « synonyme de progrès ni de continuité » en raison de leur profil. Selon eux, la réadaptation du parc existant doit notamment s’effectuer en modifiant le niveau de qualification des professionnels (embauche d’éducateurs ou de spécialistes) et d’équipement des structures. Cette proposition a pour double objectif d’améliorer la fluidité des parcours au moment de l’entrée dans l’âge adulte et d’adapter l’offre à l’enjeu du vieillissement des personnes handicapées.

Il s’agit aussi, selon le rapport, de mieux accompagner les personnes atteintes d’autisme, particulièrement exposées aux ruptures de parcours. Pour créer un environnement adapté à leurs besoins, les élus suggèrent une mise en œuvre rapide du plan « autisme » 2013-2017, lequel prévoit, entre autres, l’élaboration de recommandations de bonnes pratiques et leur prise en compte obligatoire dans l’évaluation externe des établissements(9). Par ailleurs, si le modèle de scolarité inclusive avec intégration des enfants handicapés dans le milieu ordinaire prédomine en France depuis la loi « handicap » du 11 février 2005, les enfants atteints d’autisme sont, en pratique, insuffisamment accompagnés et préparés à une immersion de ce type, particulièrement en scolarité post-maternelle. Afin de pallier ce problème, les sénateurs s’inspirent du dispositif porteur des unités d’enseignement en maternelle(10) et préconisent la création d’établissements médico-sociaux à proximité des écoles primaires, comme les instituts médico-éducatifs. Dans l’optique de rendre complémentaires les interventions scolaires et médico-sociales, il encourage aussi le détachement de personnels de l’Education nationale au sein de ces structures.

Notes

(1) Rapport d’information n° 218 – Décembre 2016 – Disponible sur www.senat.fr.

(2) Voir ASH n° 2882 du 7-11-14, p. 6.

(3) Voir ASH n° 2982 du 4-11-16, p. 36.

(4) Voir notamment ASH n° 2960 du 13-05-16, p. 50.

(5) Voir notamment ASH n° 2960 du 13-05-16, p. 46 et n° 2969 du 15-07-16, p. 6.

(6) Voir ASH n° 2910 du 15-05-15, p. 46.

(7) Voir ASH n° 2945 du 29-01-16, p. 6.

(8) Voir ASH n° 2960 du 13-05-16, p. 49.

(9) Voir notamment ASH n° 2958 du 29-04-16, p. 5.

(10) Voir notamment ASH n° 2974 du 9-09-16, p. 26.

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