Malgré une offre « en nette progression », les dispositifs d’hébergement d’urgence sont « au bord de l’asphyxie », déplore le sénateur (LR) de Seine-Saint-Denis, Philippe Dallier, dans un « rapport de contrôle budgétaire » présenté le 14 décembre à la presse au nom de la commission des finances(1).
L’élu s’est penché sur le sujet notamment parce qu’il voulait mesurer les conséquences concrètes de la sous-budgétisation chronique des crédits consacrés à l’hébergement d’urgence sur la mise en œuvre de cette politique publique par ailleurs soumise à de fortes tensions. « Les ministres me disaient que ça ne posait pas de problèmes, ce dont je doutais. On a voulu voir sur le terrain ce qu’il en était », a-t-il déclaré.
Le sénateur dépeint, au final, un sombre tableau. La sous-budgétisation, explique-t-il, « complexifie le travail des services déconcentrés de l’Etat et l’activité des structures gestionnaires, lesquelles sont même parfois amenées à couvrir temporairement les besoins de financement ». Certes, « d’indéniables efforts ont été réalisés au cours des dernières années, pour améliorer la prise en charge des personnes sans abri ou mal logées, en particulier avec l’augmentation des capacités du parc généraliste de l’hébergement d’urgence » (30 000 places créées entre 2012 et 2015), mais cela reste insuffisant. D’autant que le recours aux nuitées d’hôtels constitue une grande part de cette augmentation puisqu’elles ont, elles-mêmes, doublé depuis 2012, pour représenter 41 000 places en 2016. Or ce type d’hébergement n’est pas satisfaisant pour un ensemble de raisons : les prestations proposées sont inégales, l’accompagnement social est défaillant et le coût de la nuitée est important au regard de la prestation assurée, avec une moyenne de 17,50 € sur l’Ile-de-France et d’un peu plus de 23 € à Paris. Face à cette envolée du recours à l’hôtel comme mode d’hébergement, le gouvernement a mis en place un plan triennal de réduction des nuitées hôtelières, sur la période 2015-2017 (2). Un « échec absolu », aux yeux de Philippe Dallier. « On ne peut constater, à ce stade, ni une résorption, ni même une réduction des nuitées d’hôtels. Les mesures prises contribuent uniquement à contenir la tendance à la hausse du recours à ce mode d’hébergement », avec une progression limitée à 17,5 % en 2015, contre 28 % en 2012, 23 % en 2013 et 27 % en 2014. Evolution confirmée plus récemment avec, entre janvier et juin 2016, un nombre de nuitées qui a continué d’augmenter mais cette fois de 8 %.
Malgré le développement de l’offre disponible, poursuit le sénateur, le secteur de l’hébergement d’urgence est saturé avec une demande sans cesse en progression sous l’effet à la fois de la crise économique et de la hausse des demandeurs d’asile. « Lors des déplacements et des auditions, l’ensemble des acteurs de l’hébergement d’urgence ont fait part de cette “course en avant” décrivant un système totalement “embolisé”, et pas uniquement en Ile-de-France », écrit Philippe Dallier. Ainsi une « importante part de la demande reste insatisfaite ».
La hausse de la demande n’explique pas à elle seule cette embolie. La saturation est due également à la faiblesse du taux de rotation sur les places existantes et à l’absence de solutions durables susceptibles d’être proposées en termes de logement aux personnes hébergées. « Il peut arriver que certaines personnes restent plusieurs années hébergées dans des centres et cette proportion tendrait même à augmenter. »
Pour Philippe Dallier, la solution ne passe pas nécessairement par la création de places mais plutôt par une plus grande rationalisation des coûts, en rééquilibrant la répartition des crédits vers les territoires qui en ont le plus besoin et en adoptant une politique de convergence tarifaire pour l’ensemble des structures.
Parallèlement aux efforts pour contenir le recours aux nuitées hôtelières et à défaut de pouvoir le supprimer à court ou moyen terme, il suggère de développer les modalités de contrôle de ces structures pour garantir l’accueil de familles dans un hébergement décent (respect des règles de la commande publique, généralisation des chartes de qualité, contrôle effectif des hôtels et éventuelles sanctions) et offrir un accompagnement social plus actif dans ces établissements.
Le rapport recommande aussi de soutenir les opérations de rachat d’hôtels, « afin de rationaliser les coûts tout en offrant de meilleures modalités d’accueil des publics hébergés ».
Enfin, pour agir sur la fluidité des parcours au sein de l’hébergement d’urgence et améliorer ainsi le taux de rotation sur les places existantes, Philippe Dallier suggère de « concentrer les efforts sur la “sortie” des dispositifs ». Il plaide en particulier pour un soutien au développement de l’intermédiation locative(3), « dispositif particulièrement efficace, à la fois en tant qu’alternative à la nuitée d’hôtel qu’en tant qu’évolution possible vers l’accès à un logement pérenne », estime le sénateur.
(1) Rapport disponible sur
(3) L’intermédiation locative permet aux ménages sans domicile de louer à moindre coût des logements vides du parc privé par l’entremise d’une association qui garantit au propriétaire le loyer et la remise en état de l’appartement.