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Sur la justice des mineurs, « on est resté en jachère »

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A l’occasion de la parution de son ouvrage L’enfant délinquant et la justice(1), Jean-Pierre Rosenczveig, ancien président du tribunal pour enfants de Bobigny(2), livre son bilan du quinquennat dans les champs de la protection de l’enfance et de la justice des mineurs.
La création du Conseil national de la protection de l’enfance, dont vous êtes membre, marque-t-elle un tournant ?

De longue date le Comité des droits de l’enfant de l’ONU dénonçait l’absence de visibilité de la politique de protection de l’enfance. Ce conseil doit générer une dynamique nationale par une approche critique des dispositifs et des préconisations opérationnelles respectant les compétences de l’Etat, des collectivités locales et des associations et une approche interdisciplinaire. La décentralisation de 1982-1984 arrive à maturité : on peut chercher à articuler les rôles de l’Etat et des collectivités – sans oublier les associations – clarifiés en 2007. Sur le fond, on se recentre sur l’enfant. A nous de nous saisir de ce lieu d’échanges, d’élaboration et de préconisations techniques et politiques. Ainsi, quand une partie de la jeunesse de France ne se reconnaît plus dans notre projet collectif, on doit appeler les pouvoirs publics à démultiplier la prévention spécialisée dans une démarche de consensus qui, dans une stratégie à vingt ans, dépasse les clivages entre droite et gauche et les compétences formelles entre l’Etat et les collectivités. Il faut encore clarifier les responsabilités sur l’enfant, notamment entre parents et beaux-parents, ce qui n’a pas été fait en raison des oppositions au « mariage pour tous ». Il faut aussi mettre du social à l’école dès le primaire. Le dispositif de protection de l’enfance est plutôt performant, mais on ne peut toujours pas s’en satisfaire. Il fallait se préoccuper du séjour des enfants dans ce dispositif et de leur sortie et s’interroger sur le sens de leur prise en charge.

La loi du 14 mars y concourt-elle ?

Oui, car derrière des dispositions techniques elle recentre le dispositif sur l’enfant, qui fait partie d’une famille. Affirmer qu’il faut un projet pour l’enfant mais surtout réunir les conditions pour y parvenir est une vraie révolution. On a enfin réussi à se poser la question du statut juridique de l’enfant accueilli, de la réévaluation régulière de sa situation, de son parcours… Il faudra veiller à ce que moins d’enfants y entrent. Cependant, il faudra revenir sur les sujets sur lesquels ce texte ne fait qu’esquisser des éléments de réponse. Faut-il, par exemple, maintenir l’adoption simple et l’adoption plénière, ou ne conserver qu’une seule formule, stable mais respectueuse de l’histoire de l’enfant ?

L’abandon de la réforme de l’ordonnance de 1945 est-il un échec ?

Pour moi, l’enjeu politique n’était pas tant un nouveau texte que de garantir la mise en œuvre rapide de toute intervention éducative et son efficacité, en l’inscrivant dans la durée. Une disposition de mars 2012 exige que toute mesure de milieu ouvert soit engagée dans les cinq jours. On en est loin. Appliquons la loi avant de la changer ! Reste que l’abandon de la réforme a maintenu l’insécurité juridique résultant de la décision de 2011 du Conseil constitutionnel qui taxait de partialité le juge des enfants, juge d’instruction et de jugement. Le projet « Taubira » coupait court au débat en supprimant sa compétence en matière d’instruction. Il aurait surtout fallu défendre l’idée que cette justice est d’une nature différente par son objet : éduquer. Sa partialité est son point fort ! Entre-temps, la loi du 15 août 2014 a supprimé les peines planchers et est revenue sur le texte de 1992 sur le retrait de l’excuse de minorité. Les tribunaux correctionnels pour mineurs ont enfin été supprimés par la loi « Justice du XXIe siècle ». Ce quinquennat aura donc arrêté la dégradation de la justice des mineurs, mais on attendait un nouveau souffle sur le plan des objectifs, des valeurs, et on est resté en jachère, faute de projet et de courage politique… au-delà de la Place Vendôme. Tout n’est pas question de moyens, mais de vision globale.

Reste la question des mineurs isolés…

La circulaire « Taubira » a proposé un sous-statut par rapport à l’article 375 du code civil sur l’assistance éducative, et l’accueil des mineurs venus de Calais instaure un sous-statut par rapport à cette circulaire. La majorité des mineurs étrangers isolés ne repartiront pas. Va-t-on les laisser dans l’illégalité ? On chipote pour 220 à 250 millions d’euros sur les 7,4 milliards d’euros de budget de la protection de l’enfance. A droite comme à gauche, on n’a pas su admettre qu’il s’agissait d’un problème original, à traiter comme tel entre Etat et conseils départementaux, avec là encore de l’intelligence politique.

Notes

(1) Editions ASH – 20 € + frais de port – A commander sur abonnements@info6tm.com. Du même auteur, aux éditions ASH en 2015 : L’enfant victime d’infractions et la justice et L’enfant en danger et la justice.

(2) Président de la commission « enfance, jeunesse, familles » de l’Uniopss.

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