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De graves reculs dénoncés dans la loi « égalité et citoyenneté »

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Le DAL, la Fondation Abbé-Pierre et le Syndicat de la magistrature réclament le retrait de dispositions concernant les expulsions locatives, le droit au logement opposable et les gens du voyage, introduites par les députés en nouvelle lecture.

La fédération Droit au logement (DAL), la Fondation Abbé-Pierre et le Syndicat de la magistrature ont ensemble dénoncé, le 14 décembre, des « régressions inacceptables » dans le projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté, en fin de parcours parlementaire. Si les trois organisations saluent les avancées du texte, elles sont réservées sur plusieurs de ses dispositions et s’inquiètent particulièrement d’amendements adoptés par l’Assemblée nationale le 23 novembre en nouvelle lecture. Or la commission spéciale ayant le 6 décembre adopté une motion pouvant entraîner le rejet du texte au Sénat, la version des députés pourrait être définitivement entérinée au début du mois de janvier.

Première mesure décriée : celle, votée contre l’avis du gouvernement, qui prévoit la résiliation du contrat de location à la demande du bailleur, lorsque le locataire ou l’un des occupants du logement a fait l’objet d’une condamnation passée liée au trafic ou à l’emploi de stupéfiants. Même si les troubles causés par les trafiquants dans la vie de certains quartiers appellent une réponse, celle-ci n’est pas la bonne, déplorent les organisations. Cet amendement socialiste « porte atteinte au principe de protection du domicile reconnu par la Convention européenne des droits de l’Homme et au droit constitutionnel au logement », explique Mathilde Zylberberg, secrétaire nationale du Syndicat de la magistrature. Des atteintes dans les faits envisageables lorsqu’elles sont « nécessaires et proportionnées », ajoute-t-elle, ce qui n’est, aux yeux de la magistrate, pas le cas. Le caractère automatique de la résiliation, qui peut déjà être demandée dans le cadre de la loi de 1989 sur les rapports locatifs, ôterait au juge sa capacité d’appréciation. Sans compter que la rédaction du texte pourrait donner lieu à diverses interprétations. Quels liens entre condamnation et troubles causés pour le voisinage ? Quelle antériorité prise en compte ? Quelle définition de l’occupant ? Quel périmètre pour le groupe d’immeuble ?…

« La résiliation du bail ne doit pas être une sanction »

Manuel Domergue, directeur des études de la Fondation Abbé-Pierre, s’insurge également contre un recul sur la philosophie du texte, dont d’autres dispositions tendent au contraire à lutter contre la sélection des locataires. C’est une solution « de facilité injuste pour toutes les personnes du ménage, qui vont avoir du mal à se reloger par la suite », explique-t-il. Par ailleurs, c’est une logique inverse « à celle de l’expérimentation « Un chez soi d’abord », qui considère que les personnes en errance et avec des addictions ont dans un premier temps droit à un logement pour entrer dans un parcours de soins et d’insertion ». Alors que le logement est une condition de l’insertion, « il ne doit pas se mériter et la résiliation du bail ne doit pas être une sanction ». Georges Lachaze, de l’association ASUD (Autosupport des usagers de drogues), y voit une mesure « d’exception de plus qui disqualifie et stigmatise tout un pan de la population », sachant qu’elle pourrait viser en premier lieu les consommateurs de cannabis, qui plus est inégalitaire « car beaucoup de dealers sont extérieurs aux quartiers ». Cette disposition – qui inquiète aussi Médecins du monde – pose en outre, relève-t-il, les questions de l’accès au droit commun pour les usagers de drogues, de leur insertion dans un programme de soins ou de la mise en œuvre des alternatives à l’incarcération, qui nécessitent un logement, en cas de condamnation pour stupéfiants.

Les trois organisations demandent également la suppression de l’inscription dans la loi de la régionalisation, en Ile-de-France, des attributions de logements sociaux pour les personnes reconnues prioritaires au titre du droit au logement opposable (DALO). La tendance est « d’appliquer le DALO non pas en fonction de la situation des personnes, mais de la capacité de relogement mise en place par les pouvoirs publics, comme d’ailleurs le montre le dernier rapport du Haut Comité au logement des personnes défavorisées » (voir ce numéro, page 5), pointe Jean-Baptiste Eyraud, porte-parole du DAL. Cet amendement, « défendu par le gouvernement », met en œuvre « la centrifugeuse sociale, qui éloigne les plus fragiles vers les territoires les plus excentrés ». Avec le danger, « en cas de refus des ménages, qu’il leur soit interdit de présenter une nouvelle demande », précise-t-il.

Si le projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté a intégré la « loi « Raimbourg » sur les gens du voyage, il a introduit par amendements des dispositions qui facilitent l’expulsion en cas de stationnement illicite, poursuit en outre Manuel Domergue. Il va dans le sens d’une répression accrue en échange de quelques droits enfin octroyés en fin de quinquennat. » Les mises en demeure seraient ainsi applicables sur le territoire de la commune, mais aussi de l’intercommunalité. « Alors que le tribunal a aujourd’hui 72 heures pour statuer, ce délai serait réduit à 48 heures, ce qui rendrait les recours plus difficiles. » Les associations espèrent, si elles n’obtenaient pas le retrait des trois « reculs » dénoncés, pouvoir s’en remettre au Conseil constitutionnel. « La loi « égalité et citoyenneté » devait être l’un des derniers textes laissant un bon souvenir du quinquennat, mais elle risque d’en laisser un mauvais », pronostique Jean-Baptiste Eyraud.

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