Rhétorique de la PJJ

Notes, comptes rendus, rapports… Ecrire au magistrat constitue une part importante du travail des éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). Une douzaine de chercheurs réunis autour de Pierre Delcambre et de Céline Matuszak, spécialistes en sciences de l’information et de la communication, invitent à aller au plus près de cette activité d’écriture. Ils l’ont étudiée sur la période 2009-2011 où la PJJ a été réorganisée autour de la prise en charge des mineurs délinquants. Maillon de la procédure pénale, l’écrit des éducateurs de la PJJ apparaît bien comme un outil fondamental d’aide à la décision judiciaire. Lorsqu’un jeune faisant l’objet d’une mesure de suivi, à titre préventif ou pénal, pénètre dans une unité éducative de milieu ouvert, « il entre dans une machine à texte autant que dans un dispositif éducatif », tant ses actes et son évolution seront mis en mots qui, une fois transmis au juge, deviendront une part de la sentence, soulignent Fabien Deshayes, sociologue, et David Douyère, chercheur en sciences de l’information et de la communication. Décortiquant la fabrique de ces écrits socio-judiciaires, les deux chercheurs mettent notamment au jour une « rhétorique disséminée » – voire « dissimulée ». Il s’agit d’une stratégie de quasi-persuasion clandestine, consistant à émailler son texte de faits considérés comme probants au regard de la conviction à emporter, mais qui sont énoncés sans être reliés entre eux dans un discours argumentatif. C’est le destinataire qui fera le lien et déduira de sa lecture la position à prendre – laquelle « lui paraîtra tout à fait personnelle et autonome ».