Nous voulions disposer d’un état des lieux de ce que vivaient les personnes et les familles. Il en ressort différents points : tout d’abord, nous avons nous-mêmes été étonnés que seul un tiers des familles connaissent les instances de défense des intérêts des usagers, que ce soit la commission des usagers ou la commission départementale des soins psychiatriques. Pourtant, l’Unafam fait de la formation et diffuse de l’information sur ce sujet. C’est un élément qui montre qu’il y a des progrès à faire en matière d’information et que l’on est encore loin d’un état de démocratie sanitaire. Le deuxième point qui nous a alertés, c’est le délai toujours très long dans la prise en charge des patients : 50 % des familles l’estiment à plus de un an. Pendant ce temps, elles sont déstabilisées et ne savent ni quoi ni comment faire pour soulager la souffrance psychique de leur proche. Pour certains, il faut attendre que la personne aille si mal qu’elle se retrouve aux urgences. Ce qui n’est pas la meilleure entrée en matière pour qu’ensuite elle adhère aux soins.
C’est notamment parce qu’il y a très peu d’endroits pour une prise en charge précoce d’une crise qui débute : les centres médico-psychologiques (CMP) ont un délai important d’attente et sont rarement la porte d’entrée, même s’ils étaient prévus pour cela initialement. Or, plus les prises en charge sont retardées, plus la situation se dégrade pour les personnes en souffrance psychique.
L’enquête est venue conforter un certain nombre de remontées de terrain : les droits des patients ne sont pas toujours respectés et il y a un vrai travail à faire pour permettre une prise en charge globale. Cela nécessite d’introduire de la cohérence dans les parcours et que l’on n’oublie pas les familles qui sont en première ligne de l’accompagnement. Il en ressort également que la psychiatrie n’a pas encore pris le virage du rétablissement et des soins de réhabilitation. Les chiffres sont, à cet égard, impressionnants : une personne sur deux ne se voit proposer que des soins de type médicamenteux, alors que l’on sait que la prise en charge ne peut pas se résumer à cela. Le manque d’accès aux soins dans certains territoires est l’un des autres points importants soulevés dans cette enquête. Enfin, celle-ci souligne vraiment le manque d’accompagnement pour que les malades psychiques puissent vivre dans la cité. Ce besoin de mieux prendre en compte le handicap psychique a d’ailleurs été pointé lors du dernier comité interministériel sur le handicap (voir ce numéro, page 5). Le handicap psychique est reconnu par la loi depuis plus de 11 ans, mais dans les faits il y a encore beaucoup de chemin à faire. Il est, par exemple, extrêmement difficile pour les personnes concernées de se maintenir dans l’emploi. Aujourd’hui, 22 % des familles répondent que leur proche a une activité professionnelle et 36 % une activité sociale. Cela veut dire qu’une majorité n’en a aucune, ce qui est source de mal-être. Il faut qu’il y ait un regard autre sur la maladie et le handicap psychiques et sur les limitations d’activités que cette maladie entraîne.
Il faut que les familles puissent travailler en partenariat avec les acteurs du social, du médico-social et du sanitaire. Il faut aller vers un parcours qui soit coordonné et global pour les personnes en situation de handicap psychique. Cela nécessite plus de structures et plus d’accompagnement pour favoriser une vie citoyenne. Il est important aussi qu’il y ait des délais plus brefs pour les notifications d’allocations, d’orientation et enfin que les personnes ayant besoin d’aides humaines aient accès aux prestations de compensation de leur handicap. Mais actuellement, la loi s’applique extrêmement mal au handicap psychique. Il faut faire un travail de fond sur la prestation de compensation du handicap (PCH), notamment auprès des personnes qui s’occupent de l’évaluation, et modifier le code de l’action sociale et des familles(2).
(1) Réalisée en ligne auprès de 12 000 familles adhérentes (2 807 répondants) entre le 17 juin et le 31 août 2016 – Résultats sur
(2) Le référentiel pour l’accès à la PCH ne prend pas en compte l’activité « surveillance et participation à la vie sociale » pour le handicap psychique.