Une « opération politicienne » ne visant qu’à « valoriser l’action du gouvernement » : c’est ainsi que l’Association nationale pour l’intégration des personnes handicapées moteurs (Anpihm), le Comité pour le droit au travail des handicapés et pour l’égalité des droits, la Coordination handicap et autonomie, le Groupement français des personnes handicapées et Handi-Social qualifient le comité interministériel du handicap (CIH), organisé le 2 décembre à Nancy (voir ce numéro, page 5).
A la veille de cette manifestation, l’une des dernières que Manuel Valls a présidées en tant que Premier ministre, les cinq associations ont publié « le dossier du réel état des lieux en termes de situations de handicap vécues au quotidien par plusieurs millions de nos concitoyens ». Sur le plan de la scolarité d’abord, elles indiquent que la dernière rentrée a de nouveau constitué « un véritable parcours du combattant pour les enfants et leurs familles ». Plusieurs raisons à cela : une accessibilité encore insuffisante des locaux scolaires, la difficulté de se voir accorder par les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) un nombre d’heures suffisant d’auxiliaires de vie scolaire (AVS) ou encore celle de bénéficier d’outils pédagogiques adaptés. « Sans parler des activités périscolaires auxquelles les élèves dits “handicapés” ne participent qu’exceptionnellement », ajoutent les associations.
Deuxième thématique : l’emploi. Alors que le taux de chômage des travailleurs disposant de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH) est deux fois plus élevé que celui du reste de la population (21 % contre un peu plus de 10 %), avec une durée moyenne de chômage de 26 mois contre 16, les associations estiment que « ce ne sont pas les récentes dispositions permettant le cumul de la prime d’activité et de l’AAH [allocation aux adultes handicapés], ou bien la création du compte personnel d’activité ou du compte personnel de formation qui, pour positives qu’elles soient, contribueront à changer cet état de fait ». Et si un « effort louable » a été fourni dans le secteur public (taux de 5,17 % de travailleurs handicapés par rapport au taux légal de 6 %), cette proportion « masque cependant d’importantes disparités entre les trois fonctions publiques ». Le document pointe en outre que certaines entités publiques « profitent de la diminution de [leurs] effectifs pour afficher un taux d’emploi des fonctionnaires handicapés mécaniquement orienté à la hausse ». Les signataires sont également préoccupés par la gestion du recrutement dans un contexte de forte contrainte budgétaire : « Celui-ci ne doit pas aboutir à adapter les recrutements en fonction de la nature des handicaps ni même à les conditionner aux marges de manœuvre financières dégagées pour l’insertion professionnelle des fonctionnaires dits “handicapés”. »
En matière de retraites, les conditions à remplir pour bénéficier de la retraite anticipée à taux plein dès 55 ans sont, elles, « draconiennes ». Par ailleurs, si la loi du 20 janvier 2014 a abaissé de 80 à 50 % le taux d’incapacité permanente requis, « elle a surtout supprimé à partir du 1er janvier 2016 la prise en compte du critère RQTH conquise auparavant en 2010 », déplorent les associations. Selon elles, cette disposition va contraindre la plupart des travailleurs handicapés à travailler sept années de plus pour avoir une retraite décente.
Le bilan dans le champ de l’accessibilité suscite également de très vives déceptions : les associations rappellent que les parlementaires de gauche avaient majoritairement voté contre la loi « handicap » de 2005, « au motif que celle-ci ne répondrait pas aux situations particulièrement difficiles vécues par plusieurs millions de nos concitoyens », notamment en matière d’accessibilité. « Il était donc permis de s’attendre à ce qu’à partir de 2012, une politique volontariste de mise en accessibilité du cadre bâti et des transports soit engagée : c’est à tout son contraire que nous avons assisté et que nous assistons encore aujourd’hui. » Les signataires pointent à ce sujet que l’ordonnance du 26 septembre 2014 « multiplie les dérogations de convenance », et dénoncent un « choix idéologique de favoriser les lobbies commerçants, immobiliers et financiers » qui va à l’encontre de la volonté du législateur de 2005.
Enfin, « mesure très positive » de la loi de 2005, la prestation de compensation du handicap est elle aussi dévoyée : « Quel que soit le nombre d’heures demandées et quel que soit le besoin de compensation, on ne cesse de constater, dans la plupart des départements, une diminution très nette du nombre d’heures attribuées. » Les associations redoutent cependant que le pire soit à venir, notamment avec l’application des critères prévus dans le guide d’évaluation de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) : déjà appliqués dans un certain nombre de départements et en voie d’être généralisés, ceux-ci « conduisent à diminuer par deux le temps nécessaire à l’aide à l’accomplissement des “actes essentiels de la vie”, comme si la personne handicapée n’était qu’un vulgaire robot n’agissant que sur commande ». Ce qui fait dire aux cinq associations que « l’idée de la compensation disparaît progressivement devant l’insidieuse mise en place d’une gestion de la survie » et que « la personne handicapée est reléguée au rang d’objet ! »