Famille, école, entrée dans la vie active, citoyenneté… Pour interpeller les candidats à la présidentielle sur les thématiques liées à l’enfance et à la jeunesse, Apprentis d’Auteuil publie un « livre blanc »(1) coconstruit avec des jeunes accompagnés dans les établissements de la fondation. Ces derniers, âgés de 10 à 19 ans, ont participé à des temps d’échange sur des thèmes qui les concernent directement ou des sujets de société. Cette démarche de concertation a également été ouverte aux familles, aux collaborateurs, aux bénévoles, aux « anciens » de la fondation et aux donateurs par le biais de « focus groups » et d’une consultation en ligne à laquelle plus de 2 000 personnes ont répondu. « Notre objectif est que ce croisement de regards puisse enrichir le débat public et faire réagir nos dirigeants avant les prochaines élections présidentielle et législatives », ajoute la fondation, rappelant quelques constats alarmants : 3 millions d’enfants, soit un sur cinq, vivent sous le seuil de pauvreté et près d’un quart des personnes sans domicile fixe ont été placées dans leur enfance. Près de 100 000 jeunes sortent chaque année du système scolaire sans diplôme, formation ou qualification, et le taux de chômage des non-diplômés, un à quatre ans après l’arrêt de leurs études, atteint plus de 50 %.
L’ouvrage, qui cite les expérimentations mises en œuvre par Apprentis d’Auteuil, promeut une approche consistant à « rendre à chacun sa place dans la définition de son parcours » et formule 20 propositions. « Rappelons que le coût du placement d’un jeune en maison d’enfants à caractère social (MECS) est en moyenne de 65 000 € par an. Un chiffre qui permet de mesurer l’intérêt du soutien à la parentalité comme action de prévention », souligne-t-il. A partir de l’expérience des jeunes et des familles qu’elle accompagne, la fondation propose la création, sur tout le territoire, d’« espaces parents de proximité », qui permettraient, à l’image de ses « maisons des familles » ou de maisons de quartier, de bénéficier gratuitement d’un accompagnement et d’un soutien. Elle invite à développer les crèches dans les quartiers défavorisés, en y intégrant un espace dédié aux familles, et à penser ces structures comme « des lieux où la mixité sociale, culturelle et religieuse se vit naturellement autour de l’enfant ».
Les témoignages recueillis confirment aussi le sentiment d’isolement et de stigmatisation ressenti par les parents d’enfants placés : « Même si l’avis de la famille et celui du jeune sont pris en compte dans les décisions de mesure de placement et que celles-ci sont motivées par l’intérêt supérieur de ce dernier, la démarche de concertation a fait émerger les difficultés rencontrées pour accéder aux dossiers de l’aide sociale à l’enfance, ne serait-ce que pour obtenir les raisons de la mesure. » Sans compter les placements « motivés par la précarité ou la vulnérabilité sociale de la famille », vécus comme des injustices. « Chez les jeunes aussi, la crainte du placement est très présente. Ils remettent en cause la séparation systématique et souhaiteraient que la décision soit mieux expliquée par les professionnels des services de la protection de l’enfance », précise le « livre blanc ». Par ailleurs, « la question de la continuité revient souvent dans leurs propos ». Les jeunes placés « vivent mal les préjugés et discriminations liés à la vie “en foyer”, ressentis comme un frein dans leur vie quotidienne ».
Parmi ses propositions, le « livre blanc » appelle à développer les alternatives au placement, à associer systématiquement les familles aux décisions qui les concernent, mais aussi à recourir à des « conférences familiales » pour prévenir les placements. Il s’agirait « d’un processus collaboratif au cours duquel le groupe familial va prendre lui-même des décisions pour améliorer la situation d’un de ses membres », explique l’ouvrage. « Préparée par un facilitateur indépendant, une conférence familiale réunit, dans un même lieu, une famille, des tiers proches en qui elle a confiance et qu’elle a invités ainsi que des professionnels. » La fondation a déjà lancé une formation à l’animation de ces conférences, dont l’expérience est inspirée d’actions nées à l’étranger. Elle prévoit d’ouvrir à la fin de 2017 trois « relais familiaux », appartements à destination de familles susceptibles d’être concernées par un placement, où elles bénéficieront d’un soutien intensif à la parentalité, dans le cadre duquel s’inscriront les « conférences familiales », explique-t-on à Apprentis d’Auteuil, en précisant que le projet doit recourir financièrement à un « contrat à impact social ». Le « livre blanc » illustre aussi « la galère des sortants de la protection de l’enfance ». Outre un accès facilité aux contrats jeunes majeurs, il préconise de développer, dans chaque département, des dispositifs dédiés à l’accompagnement des jeunes sortant des structures de l’aide sociale à l’enfance, « sur le principe de la garantie du droit de suite ». Il demande par ailleurs la création d’un titre de séjour spécifique pour les mineurs non accompagnés devenus majeurs, afin de faciliter et de sécuriser leur insertion sociale et professionnelle.
Le « livre blanc » montre aussi que l’école est l’objet de nombreuses attentes. Il propose, notamment, le renforcement du soutien éducatif et pédagogique « dès le plus jeune âge, en particulier dans les zones urbaines et rurales en difficulté », ou encore le développement des internats éducatifs et scolaires. Il recommande également de mieux articuler les dispositifs dédiés à l’insertion et à la remobilisation professionnelles, pour les rendre plus lisibles, ou encore de multiplier les actions en faveur de l’éducation à la citoyenneté.
(1) Prendre le parti des jeunes. Petit bouquin d’utilité publique – Editions de l’Atelier – En vente à partir de mars 2017, mais d’ores et déjà consultable sur