Au terme de plusieurs heures de débats houleux, l’Assemblée nationale a adopté le 1er décembre, en première lecture, une proposition de loi socialiste visant, via l’extension du délit d’entrave à l’interruption volontaire de grossesse (IVG), à pénaliser les sites Internet se faisant passer pour des plateformes d’information grand public, mais qui sont en réalité défavorables à l’avortement. Le texte devait être examiné par le Sénat le 7 décembre, en procédure accélérée, en vue d’un vote définitif du Parlement d’ici à la fin de la session parlementaire, en février prochain.
Créé par la loi « Neiertz » du 27 janvier 1993 et déjà modifié par deux fois pour en élargir le champ (par la loi du 4 juillet 2001 relative à l’interruption volontaire de grossesse puis par la loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle), le délit d’entrave est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende. Il sanctionne à l’heure actuelle « le fait d’empêcher ou de tenter d’empêcher de pratiquer ou de s’informer sur une interruption de grossesse » :
→ soit en perturbant de quelque manière que ce soit l’accès aux établissements, la libre circulation des personnes à l’intérieur de ces établissements ou les conditions de travail des personnels médicaux et non médicaux ;
→ soit en exerçant des pressions morales et psychologiques, des menaces ou tout acte d’intimidation à l’encontre des personnels médicaux et non médicaux travaillant dans ces établissements, des femmes venues y subir une IVG ou s’informer à son sujet ou de l’entourage de ces dernières.
Composée d’un article unique, la proposition de loi complète cette liste en prévoyant que le délit d’entrave à l’interruption volontaire de grossesse sanctionne également le fait d’empêcher ou de tenter d’empêcher de pratiquer ou de s’informer sur une interruption de grossesse « par tout moyen, y compris en diffusant ou en transmettant par voie électronique ou en ligne, des allégations, indications de nature à induire intentionnellement en erreur, dans un but dissuasif, sur les caractéristiques ou les conséquences médicales d’une interruption volontaire de grossesse ».
Comme l’explique l’exposé des motifs du texte, il s’agit de « contrer la montée en puissance très importante de sites [Internet] cherchant à tromper délibérément les internautes en se faisant passer, au premier abord, pour des sites purement informatifs »… mais qui, subtilement, tentent de convaincre les femmes de ne pas avorter. De plus en plus nombreux, ils se trouvent en dessous du site du gouvernement, ivg.fr dans le moteur de recherche Google, et disposent d’un numéro vert.
Le gouvernement avait déjà essayé le mois dernier, par un amendement au projet de loi « égalité et citoyenneté »(1), d’étendre le délit d’entrave à l’IVG mais la majorité sénatoriale l’avait rejeté. Les députés de gauche ont repris le flambeau au travers de la proposition de loi. La ministre des Familles, de l’Enfance et des Droits des femmes s’en est félicitée dans un communiqué. « L’adoption de ce texte constitue une étape supplémentaire pour garantir aux femmes l’accès à une information fiable et objective et leur permettre de réaliser des choix éclairés, sans pression quelle qu’elle soit », souligne-t-elle. « Il s’agit d’une condition indispensable pour assurer aux femmes le droit à disposer de leur corps. »
Et Laurence Rossignol d’insister : « Chacun est et reste libre d’affirmer son hostilité à l’avortement, sur Internet ou ailleurs. A condition de le faire en toute honnêteté car la liberté d’expression ne peut se confondre avec la manipulation des esprits. » « La liberté d’opinion n’est pas un droit au mensonge. »
(1) Texte en cours de lecture parlementaire.