Faisant suite à la Conférence nationale du handicap du 19 mai dernier(1), le comité interministériel du handicap (CIH) s’est réuni le 2 décembre à Nancy sous la présidence du Premier ministre, pour établir la feuille de route du gouvernement en matière de politique du handicap. Objectif affiché : « celui d’une société inclusive, qui garantit à chacun, quelle que soit sa situation de handicap, la possibilité de vivre dignement et d’exercer sans entrave tous les droits que confère la citoyenneté », ont souligné la ministre des Affaires sociales et de la Santé ainsi que la secrétaire d’Etat chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion. Très attendues par le secteur associatif, les mesures adoptées par le comité interministériel ont pour finalité de « changer durablement de regard et de méthode pour accompagner l’autonomie des personnes ». Sont abordés l’emploi, l’accessibilité, l’accès aux soins, la scolarisation, l’offre médico-sociale… Tour d’horizon des grandes priorités du gouvernement en la matière.
Favoriser l’accès et le maintien dans l’emploi. C’est un des objectifs poursuivis par le CIH à travers trois grandes mesures. Il s’agit, tout d’abord, de renforcer la politique de réadaptation professionnelle en modernisant les dispositifs réservés aux travailleurs handicapés, chargés de faciliter leur réinsertion sociale et professionnelle grâce à une formation qualifiante. Le gouvernement veut ainsi moderniser les centres de rééducation professionnelle et les centres de pré-orientation, « à travers la définition d’un cadre juridique rénové ». Des précisions seront apportées sur les missions, les conditions techniques d’organisation et de fonctionnement de ces structures ainsi que sur leur intégration dans le cadre régional de formation.
En matière d’insertion professionnelle, le gouvernement rappelle que le nombre de personnes accompagnées par les Cap emploi, organismes de placement spécialisés dans l’insertion professionnelle des personnes handicapées, est en constante augmentation. Il s’agit donc de renforcer « leur lisibilité et leur offre de service ». Ce renforcement peut s’appuyer, selon le CIH, sur l’amélioration du réseau des Cap emploi, par le biais de l’organisation d’une conférence des financeurs, et sur l’élargissement de leurs missions au maintien de l’emploi, prévu par la loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels(2).
Il s’agit aussi d’accentuer le travail mené par le Fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées (Agefiph) dans le cadre de son plan de diversification des métiers lancé en 2015. Constatant que les recherches d’emploi des travailleurs handicapés sont encore circonscrites à un nombre restreint de métiers, le gouvernement veut renforcer l’observatoire des métiers et des compétences de l’Union nationale des entreprises adaptées afin d’identifier les filières créatrices d’emplois (voir la réaction de l’UNEA, ce numéro, page 22). Il ajoute que l’Agefiph devra mener un travail de sensibilisation auprès des conseillers, en association avec Pôle Emploi et le réseau des Cap emploi, pour faire évoluer les représentations sur les métiers accessibles aux personnes en situation de handicap.
Enfin, le CIH note que le mode de financement du Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique et de l’Agefiph « atteindra bientôt ses limites ». L’augmentation du nombre de travailleurs handicapés en emploi minore en effet les ressources des fonds, qui proviennent des amendes versées par les employeurs n’ayant pas respecté le taux d’emploi de 6 %. Pour anticiper l’épuisement de leurs réserves, le gouvernement entend lancer « dès maintenant » une réflexion sur un nouveau modèle de financement.
En matière d’accompagnement des personnes handicapées, le comité souhaite, dans un premier temps, améliorer la compensation du handicap en élargissant les voies d’accès à la prestation de compensation du handicap (PCH). Dans un « objectif d’équité », il entend supprimer la barrière d’âge de 75 ans liée au bénéfice de la prestation. Celle-ci, pour rappel, peut actuellement être sollicitée jusqu’à l’âge de 60 ans, limite portée à 75 ans lorsque le demandeur remplissait les conditions pour la percevoir avant 60 ans. Selon le comité interministériel du handicap, la limite d’âge « pénalise » les personnes qui n’ont pas sollicité la PCH avant et qui se retrouvent, après 75 ans, dans une situation difficile en raison des changements intervenus dans leur environnement. Autre mesure concernant cette prestation : la mise en place d’un groupe de travail pour améliorer les critères d’accès pour les personnes en situation de handicap psychique, dont les besoins d’accompagnement – notamment l’aide humaine – sont mal couverts par la prestation. Enfin, le CIH a décidé de créer une aide humaine à la parentalité dans le cadre de la PCH pour les parents handicapés ayant des enfants de 0 à 7 ans. Cette aide équivaut à :
→ 3 heures par jour pour les parents handicapés moteurs ou sensoriels ayant des enfants de moins de 3 ans ;
→ 1 heure par jour pour les parents avec un handicap mental ou psychique ayant des enfants de moins de 7 ans, d’une part, et les parents handicapés moteurs ou sensoriels ayant des enfants âgés de 3 à 7 ans, d’autre part.
Une série de mesures concerne, par ailleurs, le soutien aux familles et aux proches aidants. Objectif : proposer à ces derniers des mesures facilitant l’articulation entre leur vie professionnelle, leur vie personnelle et leur rôle d’aidant. Ainsi, le comité interministériel du handicap prévoit, entre autres, de mieux informerles aidants sur les actions de soutien qui leur sont dédiées, les actions d’information à leur égard étant actuellement « dispersées et demand [ant] à être structurées ». Il veut aussi que les aidants soient mieux formés au handicap de leur proche, par le biais de programmes de formation et de formations communes avec les professionnels des secteurs social et sanitaire. Concernant le droit au répit(3), le gouvernement constate que son effectivité passe par le développement de structures médico-sociales adaptées sur les territoires (hébergement temporaire, hébergement d’urgence…).
Rappelant que « l’entrée en établissement n’est plus la seule réponse qui doit être apportée aux besoins des personnes handicapées », le CIH programme un renforcement de l’offre médico-sociale. Il s’appuie en particulier sur la démarche « Une réponse accompagnée pour tous »(4) pour proposer la création de réponses nouvelles aux besoins des personnes en situation de handicap. Il précise à ce titre que 80 millions d’euros sur cinq ans seront consacrés à la diversification des modes d’accompagnement, via, notamment, la création de pôles de compétences(5) et de prestations externalisées et d’accueils séquentiels ou temporaires. Le gouvernement entend aussi offrir aux usagers davantage de places au sein des structures d’accueil, notamment dans les territoires sous-dotés. Une mesure qui vise en particulier les personnes en situation de handicap lourd et complexe, les jeunes maintenus dans les établissements pour enfants faute de places dans ceux pour adultes, les personnes polyhandicapées et celles souffrant d’un handicap psychique.
Enfin, le gouvernement entend assurer une meilleure prise en compte du handicap psychique et du polyhandicap, comme l’avait déjà envisagé la Conférence nationale du handicap de mai dernier. Il propose notamment de déployer un parcours global coordonné pour les personnes en situation ou à risque de handicap psychique, en y dédiant 10 millions d’euros de crédits sanitaires et une part des 180 millions dédiés à la transformation de l’offre médico-sociale. Il entend aussi offrir aux personnes polyhandicapées un accompagnement de proximité, en leur offrant des possibilités d’accueil et d’accompagnement adaptées à leurs besoins (à domicile, en établissement à temps plein ou partiel…).
Le CIH a acté la création d’un observatoire de l’habitat inclusif chargé de l’animation territoriale et de la diffusion des bonnes pratiques en la matière. En outre, il prévoit la mise en place d’une aide spécifique forfaitaire par structure d’habitat inclusif, qui compléterait les montants de la PCH des habitants pour couvrir les frais liés à la coordination, la gestion administrative et la régulation de la vie collective.
Simplifier le paysage des minima sociaux, notamment l’allocation aux adultes handicapés (AAH). C’est l’ambition affichée par le gouvernement à la suite de la parution du rapport « Sirugue », qui a mis en évidence la lourdeur des procédures auxquelles sont confrontées les personnes handicapées pour faire valoir leurs droits. A l’instar du plan gouvernemental présenté en octobre dernier(6), le CIH prévoit ainsi l’allongement à 20 ans (contre 10 ans actuellement) de la durée maximale d’attribution de l’allocation, afin d’éviter les démarches de renouvellement. Le gouvernement souhaite aussi maintenir automatiquement la prestation lors du départ à la retraite de la personne handicapée afin de lui garantir une situation stable et des démarches simplifiées. Une mesure inscrite dans le projet de loi de finances pour 2017(7). A compter de 2017, l’intéressé ne sera plus tenu de demander l’allocation de solidarité aux personnes âgées. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2017 va, en outre, faciliter l’accès à la retraite anticipée des personnes atteintes d’un handicap lourd (voir ce numéro, page 46). Ainsi, une commission placée auprès de la Caisse nationale d’assurance vieillesse sera chargée d’évaluer la situation des personnes en situation de handicap lourd et durable pour les faire bénéficier de la retraite anticipée.
Autre objectif du comité : renforcer l’accès à la prévention et aux soins. Il soutient que le système de santé et d’accompagnement doit « se coordonner pour proposer une réponse adaptée pour faciliter le parcours de soins ». En 2017, le gouvernement consacrera donc 10 millions d’euros au développement de dispositifs de consultations dédiées(8) pour les personnes handicapées, afin de constituer une offre complémentaire aux soins de premier recours en milieu ordinaire pour certains handicaps complexes. Il entend aussi améliorer la prise en charge financière des dispositifs d’audioprothèses, insuffisamment remboursés par l’assurance maladie obligatoire et complémentaire.
Alors que le troisième plan « autisme » s’achèvera en décembre 2017, le président de la République a souhaité que les travaux de préparation du quatrième commencent « dès maintenant afin d’être prêt [s] pour le PLFSS 2018 ». Le gouvernement a donc fixé les grands axes de ce quatrième plan « autisme » qui guideront et orienteront ces travaux de concertation. Devront « être impérativement abordés » : la révision de la gouvernance, le renforcement de la politique de diagnostic, le soutien aux familles – « fil conducteur » du plan, selon Ségolène Neuville –, la formation des professionnels, l’inclusion sociale et la citoyenneté (emploi, formation professionnelle, accès aux soins, scolarisation…) ainsi que la recherche.