Abdellatif Chaouite, psychologue et anthropologue, Bahija Ferhat et Farid Righi, sociologues, sont tous trois immigrés ou issus de l’immigration du Maroc ou de l’Algérie et français « par choix et par droit ». S’ils se revendiquent d’emblée comme des « post-colonisés » et des « co-citoyens », c’est pour mieux situer la connaissance intime qu’ils ont du vécu de leurs alter ego. Dont acte : loin de la distance traditionnelle des travailleurs sociaux, c’est leur double implication personnelle et professionnelle que les auteurs mettent en avant et à profit pour donner à voir ce qu’il en est de l’interculturel dans l’intervention sociale. A partir de son expérience en prévention spécialisée, puis comme directeur d’un CHRS (centre d’hébergement et de réinsertion sociale), Farid Righi montre que c’est par la façon dont s’adressent à lui certains usagers qu’il est renvoyé à un « supposé partage », avec eux, de la condition de minoritaire socioculturel. De la même manière, dans l’association d’aide aux travailleurs étrangers où elle exerce, Bahija Ferhat a dû se forger une posture particulière entre neutralité et appels à une « complicité fraternelle ». Mais le fait d’accueillir « l’autre, le différent » peut-il se penser « comme une relation entre un accueillant et un accueilli indifférents ? », interroge-t-elle. Alors même que la société s’est profondément recomposée – une grande partie de la population est à la fois totalement française et pas uniquement –, les représentations figées et clivantes de la réalité (Moi-Nous/les Autres) perdurent. C’est une des « bizarreries » que les auteurs s’emploient à rendre visible.
L’expérience interculturelle dans l’intervention sociale. Essai sur l’invisible des minorités visibles
Abdellatif Chaouite, Bahija Ferhat et Farid Righi – Ed. L’Harmattan – 19 €