Notre souhait est d’instaurer un débat et un lieu de réflexion permanents sur le sens du travail social : que représentent nos actions auprès des personnes, quels effets ont-elles dans la société et sur le « vivre ensemble » ? Depuis la création du mouvement, en 2011, par des professionnels de l’action sociale, médico-sociale et sanitaire ayant pour la plupart écrit sur le sujet(2), nous croisons les réflexions avec un certain nombre d’acteurs de terrain et de personnalités scientifiques, dont les textes sont diffusés sur le site Internet de Repolitiser l’action sociale. Nous avons déjà organisé deux forums, dont un, en mai dernier, sur le plan d’action pour le travail social, en présence de Nicole Questiaux [auteure de l’« adresse » aux travailleurs sociaux de 1982] et de François Soulage, chargé du suivi du plan. L’angle de réflexion de la journée était résolument orienté depuis la parole des usagers. Quelle lecture ont-ils de ce plan ? Quelle place veulent-ils prendre dans ces orientations nouvellement définies ? Comment peut-on, en tant que professionnels, réinventer des relations plus égalitaires ? Notre objectif n’est pas d’être en réaction à un gouvernement, mais de maintenir la question de l’action sociale vivante et active dans le débat public. Ni passéistes ni porteurs d’un projet idéaliste ou dogmatique, nous voulons rester interrogatifs sur le sens des actions mises en œuvre.
C’est notre projet de travail pour l’année à venir, car nous voulons prendre part au débat dans la durée, sans nous soumettre à l’actualité politique et législative. Nous proposons pour cela cinq axes de réflexion, sur lesquels nous avons sollicité une vingtaine de personnalités et ouvert un appel à contributions, qui seront développés lors d’une journée organisée courant 2017. Une réunion préparatoire est d’ores et déjà prévue le 1er février prochain. Le premier axe porte sur le travail social à la fois en tant que pratique professionnelle et discipline scientifique, avec l’intention de voir à quelles conditions ces deux dimensions s’inspirent mutuellement l’une de l’autre, sans que l’une ne s’impose à l’autre, et comment la « scientifisation » du travail social peut prendre en compte la complexité des contextes d’intervention. Le deuxième porte sur le travail social comme porteur du changement, de la cohésion sociale et du développement social – la réflexion est également ouverte à la définition « politique » de ce dernier – et la façon dont il permet aux personnes d’êtres acteurs de leur vie et du territoire. Dans le prolongement de cette idée, le troisième axe s’intéresse au travail social qui vise l’accroissement du pouvoir d’agir et la libération des personnes, en agissant sur la capacité de chacun à prendre sa vie en main et à agir collectivement pour les autres, ce qui suppose aussi de clarifier les concepts, comme celui d’« empowerment ». Le quatrième axe se penche sur le travail social comme élément de la justice sociale, un moyen de construire une société égalitaire. Enfin, le cinquième axe porte sur la question des diversités, le respect et la mise en cohérence par le travail social des différences culturelles.
Cette définition a le mérite d’exister, en laissant la possibilité aux Etats de l’adapter, de la transcrire en fonction de leurs particularités ou des besoins de leurs populations. L’enjeu n’est pas d’enfermer le travail social dans un carcan, dans un texte qui va l’empêcher, mais de lui donner un concept philosophique et une orientation politique. C’est important, comme Nicole Questiaux l’a fait en 1982, que les gouvernements puissent de temps en temps lui donner une direction. Nous souhaitons que le travail social puisse être un engagement de la France sur un certain nombre de fondamentaux analysés à travers nos cinq axes de travail. Notre mouvement souhaite participer au débat en alimentant la réflexion et en favorisant la mobilisation citoyenne de chacun des acteurs.
(1) Sur
(2) Parmi les auteurs des textes fondateurs : Bertrand Dubreuil, Roland Janvier, Johan Priou, Pierre Savignat, Bernard Cavat, Christine Chognot… – Voir ASH n° 2737 du 16-12-11, p. 27 et n° 2813 du 7-06-13, p. 34.