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Protection de l’enfance défaillante à Mayotte : constats et propositions de l’IGAS

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A maints égards, la situation de Mayotte, devenu département français en 2011, est « extra-ordinaire », estime l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) dans le rapport, rendu public récemment, de sa mission d’appui au département sur le pilotage de la protection de l’enfance, qui réclame « non seulement un assouplissement des normes sanitaires et sociales, mais encore un effort de la solidarité nationale hors du commun avec la mise en place de financements à la hauteur des enjeux actuels et à venir »(1). Face au cumul de difficultés rencontrées, dans cette île de l’océan Indien, par les services de l’aide sociale à l’enfance (ASE) et de la protection maternelle et infantile (PMI), les rapporteurs formulent en effet 35 recommandations concrètes à mettre en œuvre par le conseil départemental ou par l’Etat.

Selon l’IGAS, l’un des principaux problèmes du territoire réside dans « sa situation démographique en très forte expansion (la population double tous les 15-20 ans) marquée par la persistance d’une pression migratoire durable sans équivalent », et ce dans un contexte socio-économique « très défavorable ». De ce fait, la PMI comme l’ASE peinent à assurer leurs missions, « alors que la moitié des 230 000 habitants de Mayotte ont moins de 18 ans et que nombre d’entre eux et leurs familles vivent dans une très grande précarité, en particulier les migrants en situation irrégulière ».

Des dépenses sous-évaluées

L’effort budgétaire consenti par le département est pourtant loin d’être négligeable, il est même « plus important que ce que l’on pouvait croire », s’étonnent les rapporteurs, en estimant à 27,3 millions d’euros la somme consacrée, en 2015, aux dépenses de l’ASE et de la PMI (respectivement 9,6 et 17,7 millions d’euros). Des chiffres « deux et trois fois plus élevés que ceux qui étaient communément retenus jusqu’à présent », souligne l’IGAS, bien que cette part reste « modeste » dans le budget de fonctionnement départemental (qui s’élevait alors à 308 millions d’euros), et en tout cas largement inférieure à la moyenne nationale. Cependant, ces dépenses n’ayant pas été prises en compte dans le calcul de la dotation globale de fonctionnement (DGF), au moment de la départementalisation de Mayotte, qui s’en est trouvée lésée, la mission d’inspection préconise de redéfinir le périmètre de la DGF en l’abondant de 10 millions d’euros pour chacun des services.

Par ailleurs, l’aide sociale à l’enfance souffre d’une « absence de moyens de fonctionnement » et d’un « défaut de pilotage » qualifiés de « patents ». Les réponses apportées « ne sont pas adaptées aux enjeux par manque de diversification des outils mis en œuvre (le placement familial tient une place prépondérante dans les dépenses) », et ce, alors même que les familles d’accueil se caractérisent par leur « manque de professionnalisme », relève le rapport. Certains dispositifs comme les aides financières sont inexistants et « les autres inopérants, faute de professionnels qualifiés et de moyens en quantité suffisante ». La question des ressources humaines est cruciale pour juger de l’état des services à Mayotte, car « le département consacre une part essentielle de son budget de fonctionnement à la rémunération des agents », en faisant « venir à grands frais des professionnels hautement qualifiés de la métropole » sans leur fournir, cependant, les moyens d’exercer leur métier. Ces conditions « dégradées » ont pour conséquence un turn-over très élevé et, le climat d’insécurité local rendant le territoire peu attractif, le secteur sanitaire et social fait face à une pénurie chronique de professionnels, et notamment d’éducateurs spécialisés.

Restaurer un pilotage efficace

Quant à « la gouvernance défaillante de la direction de la solidarité du département », elle se traduit entre autres par une incapacité à « traiter la crise interne que connaît la direction de l’ASE depuis l’automne 2014 [ou à] suppléer de manière suffisante l’absence de direction de la PMI » depuis la même année, assène encore l’IGAS au fil de ce constat très sévère, en évoquant aussi, de manière plus générale, « l’application sans discernement du droit commun » qui fait peser sur les acteurs locaux des obligations « insoutenables dans le contexte mahorais ». A cet égard, le rapport plaide pour la mise en place d’un « cadre juridique spécifique, tenant compte des compétences disponibles ». Il vise, plus précisément, « l’existence de ressources dans la société mahoraise qui pourraient être opportunément mobilisées pour la prise en charge des enfants en danger ». « C’est particulièrement vrai pour l’accompagnement des mineurs isolés, terme qui recouvre à Mayotte une réalité très éloignée de celle que vise le concept de mineur isolé étranger (MIE) utilisé partout ailleurs », note l’IGAS, qui juge par ailleurs « inefficace » la cellule de recueil des informations préoccupantes.

Pour ce qui est de la nécessaire réorganisation des services, enfin, le rapport suggère, entre autres, de supprimer la direction de l’action sociale territorialisée et de l’insertion, en redéployant les personnels de ses unités territoriales d’action sociale dans les autres directions chargées de l’aide sociale et médico-sociale, tout en créant une direction générale de l’enfance et de la famille regroupant les directions ou services chargés de la santé, de la protection maternelle et infantile et de l’aide sociale à l’enfance, ainsi que « des effectifs actuellement mobilisés par des services de polyvalence de secteur sous-productifs ».

Notes

(1) Disponible sur www.igas.gouv.fr.

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