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Un expert économique au service des plus pauvres

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Chargé du suivi du plan d’action en faveur du travail social et du développement social, l’ex-président du Secours catholique, François Soulage, a mis son expertise économique et son engagement au service du secteur social. Proche du cénacle politique, cet homme de réseaux sait mobiliser pour faire avancer la cause des plus démunis.

François Soulage le dit avec une certaine gourmandise : « Ce qui m’intéresse, c’est faire de la politique. » Avant de préciser aussitôt : « Dans le sens où faire bouger les personnalités politiques en faveur des plus précaires, c’est faire de la politique. » Cet homme accessible, d’un abord simple, tutoie plusieurs ministres – « la moitié du gouvernement », sourit-il –, dont celle des Affaires sociales et de la Santé, Marisol Touraine. Cette familiarité avec le pouvoir et son parcours professionnel et associatif foisonnant à mi-chemin entre l’économique et le social expliquent sans doute qu’il se soit vu confier le suivi du plan d’action en faveur du travail social et du développement social – il devrait remettre le premier rapport d’évaluation le mois prochain.

Né à Nanterre (Hauts-de-Seine) en 1943, dans une famille catholique de quatre enfants de la petite bourgeoisie, il a été très tôt confronté aux aléas du capitalisme : à 22 ans, il épaule son père pour licencier « dans les meilleures conditions possibles » les salariés de la petite entreprise familiale condamnée à fermer en raison de difficultés économiques. Pour l’étudiant en sciences économiques, bientôt élève à Sciences Po et futur docteur en économie, l’expérience est formatrice. Elle le mène tout droit à l’économie sociale – un terme dont il affirme être le co-inventeur, en 1977, dans le cadre de l’élaboration du programme commun qui portera le Parti socialiste (PS) au pouvoir en 1981. Cette « troisième voie » entre le capitalisme effréné et le communisme restera le fil rouge de son approche. « C’est un homme de la deuxième gauche qui pense que le progrès social est possible dans le cadre d’une économie de marché qui fait primer la personne sur le capital », souligne Hugues Sibille, président de la Fondation Crédit coopératif, dont le parcour a été proche.

Enraciné à gauche

Son engagement politique à gauche – qui ne doit rien à sa famille (père de droite, mère apolitique) – prend sa source dans le scoutisme qui le conduit, à 18 ans, à animer un groupe de jeunes de Nanterre. Mai 1968 scelle son enracinement à gauche : alors qu’il débute sa thèse d’économie à l’université Panthéon-Assas, il devient un des piliers du comité de grève d’Assas. S’ensuivra un compagnonnage durable avec Michel Rocard : il est son assistant en 1969 lors de sa campagne pour la députation dans les Yvelines, puis devient membre du bureau national du Parti socialiste unifié (PSU) en 1971, avant de suivre son mentor au PS en 1974  – « une période extraordinaire qui voit naître une gauche réaliste ».

Assistant à la faculté de Nanterre, il est propulsé conseiller technique de Michel Rocard lorsque celui-ci devient ministre du Plan et de l’Aménagement du territoire dans le gouvernement de Pierre Mauroy. Il y crée un outil de financement de l’économie sociale, l’Institut de développement de l’économie sociale (IDES), dont il sera président jusqu’en 2008 – avec un intermède, de 1989 à 1992, pour assurer la fonction de délégué interministériel à l’économie sociale. L’IDES est le creuset d’où naîtront ses multiples engagements associatifs. Déjà administrateur de l’Agence nationale des chèques-vacances depuis sa création en 1982, il préside l’Union nationale des associations de tourisme et de plein air (UNAT) de 1999 à 2008, avec l’ambition de mieux financer les associations du tourisme social. Un titre qui l’amène à siéger à la Conférence permanente des coordinations associatives (aujourd’hui le Mouvement associatif) qui défend activement le monde associatif. « Il a toujours su mettre en cohérence ses convictions et sa vie professionnelle », souligne Hugues Sibille.

François Soulage ne bascule cependant vraiment dans le secteur social que lorsqu’il accède en 2008 à la présidence du Secours catholique. « On avait jusque-là surtout des grands commis de l’Etat, ça a été un vrai changement de style », observe Pierre Levené, délégué général de la fondation Caritas France et à l’époque secrétaire général du Secours catholique. Le jeune retraité a pleinement le profil pour cette fonction à temps plein : il connaît bien la vie associative et l’administration d’Etat tout en étant engagé au niveau catholique. Sa foi, qui guide son ancrage politique à gauche, l’amène à conduire l’association vers « une grande aventure » : le Diaconia(1). « Cette vaste université populaire, qui a duré trois ans, visait au départ à mobiliser les chrétiens au service des plus pauvres. Finalement, elle a été l’occasion de montrer combien ces derniers avaient des choses à dire à la société française. »

Politique de « Plaidoyer »

Durant deux mandats, jusqu’en 2014, il œuvre à l’inscription de l’association dans des réseaux – comme le Collectif Alerte(2) –, développe un volet économique (microcrédit, inclusion bancaire, insertion…) et impulse une politique de « plaidoyer ». « C’est quelqu’un de très ouvert, il a plein d’idées – parfois trop. Il me disait souvent :J’accélère, à toi d’appuyer sur le frein” », se souvient Pierre Levené. Parallèlement, la communication de l’association, modernisée, permet de toucher un nouveau public. Pour cet homme spontané et aimant communiquer, avoir été invité à des émissions télévisées grand public, comme « C dans l’air » (France 5), est un motif de fierté. « Il fallait souvent l’appeler à la prudence vis-à-vis des médias », ajoute Pierre Levené.

Après six années d’activités intenses, François Soulage refuse d’assurer la présidence de l’Uniopss (Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux), jugée trop prenante, mais accepte de prendre la tête du Collectif Alerte en mai 2014 pour poursuivre un exercice de plaidoyer qui le passionne. Il y suit de près la mise en œuvre du plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale de décembre 2013 – qu’il connaît bien puisqu’il a contribué à son élaboration au Secours catholique : « Ce cadre de négociation est un progrès majeur, à mettre au crédit du gouvernementAyrault”, qui a pris le risque d’impliquer tous les acteurs concernés, y compris les personnes en précarité », souligne-t-il.

C’est le premier axe du plan d’action en faveur du travail social et du développement social, consacré à la participation des plus défavorisés, qui l’a convaincu d’en assurer le suivi à partir d’octobre 2015 – en parallèle de son mandat au Collectif Alerte. Le fait qu’il connaisse finalement assez peu le travail social n’a pas été un frein : « On cherchait quelqu’un qui puisse avoir un regard global, qui comprenne les enjeux du plan et qui soit en capacité de dire si les mesures prises sont bien conformes. » Outre la participation des usagers, il croit beaucoup à la réingénierie des métiers et des formations. « Comme l’économie sociale, le travail social place la personne au centre. C’est pourquoi il faut le revaloriser et développer la transversalité pour que chacun apporte sa pierre à l’édifice. »

Lucide, à 73 ans, il sait que le combat pour les plus pauvres n’est jamais gagné : « Les grandes ambitions font les petites avancées – lorsque nous avons rencontré le candidat Hollande en 2012, on demandait une augmentation de 25 % du RSA, on en a eu 10 %. » Malgré les acquis dont il se félicite (généralisation de la garantie « jeunes », fusion du RSA et de la prime pour l’emploi…), ce social-démocrate, qui tient à sa liberté de parole, se désespère d’une majorité qui n’a pas su communiquer sur ses réussites : « Compte tenu de mesures positives comme le compte personnel d’activité, j’étais plutôt favorable à la loiEl Khomri”, mais le gouvernement s’y est pris comme un manche… »

Dates clés

• 1971 Entrée au bureau national du PSU

• 1981 Entrée au cabinet de Michel Rocard

• 2008 Election comme président du Secours catholique

• 2015 Chargé du suivi du plan d’action en faveur du travail social et du développement social

Notes

(1) C’est une initiative du Conseil national de la solidarité de la conférence des évêques de France, dont le comité de pilotage a été présidé par François Soulage.

(2) Issu de la commission « Lutte contre la pauvreté » de l’Uniopss, ce collectif d’une quarantaine d’associations élabore une parole commune contre l’exclusion.

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