Malgré les politiques mises en place depuis dix ans, la pauvreté n’a pas reculé en France, s’insurge le Secours catholique, qui a rendu public son rapport annuel(1) le 17 novembre et a interpellé à cette occasion les candidats à l’élection présidentielle, dans un courrier envoyé le 15 novembre : la « lutte contre la pauvreté devrait se situer au cœur des débats des primaires et des élections présidentielles », souligne l’association, qui appelle à « remettre les personnes vivant les situations de précarité au cœur du développement économique et social de nos territoires, au cœur des débats et de la recherche de solutions ».
Son rapport, établi à partir de la situation de 608 500 ménages accueillis dans ses antennes en 2015, montre que les personnes précaires ont de plus en plus de mal à accéder à un travail et surtout à un emploi qui leur permette de sortir de la précarité. Le taux d’emploi des personnes aidées par l’association se situe autour de 16 % (un niveau relativement stable depuis 15 ans), signe que l’emploi n’est pas une garantie suffisante pour accéder à un niveau de vie décent. Les contrats à temps partiel sont aujourd’hui les plus fréquents parmi les personnes rencontrées, mais la proportion des travailleurs indépendants a augmenté depuis 2008, date de création du régime de l’autoentrepreneur : « Ce dispositif génère en effet un statut fragile, il protège peu car il ne permet pas d’ouvrir des droits au chômage et il recouvre des situations très diverses. » De façon plus surprenante, 25 % des travailleurs accueillis par l’association sont en contrat à durée indéterminée à plein temps, « une forme d’emploi [pourtant] considérée comme non précaire ». En outre, les situations de pauvreté diffèrent en fonction du genre : les « femmes sont plus souvent confrontées à une pauvreté liée à des emplois précaires, peu rémunérateurs… Les hommes sont plutôt confrontés à une pauvreté liée au chômage, voire à une marginalisation vis-à-vis du marché du travail. »
Le rapport rappelle également que les différences de niveaux de vie entre les personnes qui travaillent et celles qui sont au chômage sont parfois très faibles, voire négatives, « entre certains types de contrats et le chômage indemnisé ». Par exemple, les personnes au chômage indemnisées ont un niveau de vie médian de 670 € alors que celles qui sont en intérim touchent 620 €. Pour le Secours catholique, qui veut déconstruire les préjugés et les discours sur l’assistanat, ces cas sont la preuve que beaucoup de ménages préfèrent travailler, quitte à occuper des postes peu rémunérés ou de mauvaise qualité, plutôt que de vivre de prestations sociales.
Par ailleurs, de plus en plus de personnes ayant un niveau d’études supérieur demandent de l’aide à l’association. Le Secours catholique remarque qu’au cours des années, le niveau d’études des personnes accueillies a augmenté. En 2015, la plupart d’entre elles avaient fait des études secondaires (45 %) et 16 % avaient un niveau d’enseignement supérieur. Une tendance qui s’explique en partie par l’amélioration du niveau d’études des jeunes, que l’on retrouve au niveau national. Mais le rapport interroge l’effet protecteur des diplômes : au fil des années, le nombre de personnes ayant un niveau d’études plus élevé a augmenté plus vite dans l’association que dans la population générale, signe que ce public est « de plus en plus fragile ». Parmi les personnes ayant atteint un niveau d’études supérieur, seule une sur cinq est en emploi, et la moitié au chômage. « Le manque d’accès à l’emploi reste donc une forte source de précarité en France, en particulier pour les personnes dont le niveau d’études est élevé. »
Enfin, la proportion d’étrangers en situation de précarité augmente fortement, selon le rapport du Secours catholique. Leur part parmi les personnes accueillies a continué de croître en 2015 (36,4 %, soit 1,4 point de plus par rapport à l’année précédente), une situation qui s’inscrit dans « une tendance longue », souligne le rapport. Mais cette augmentation n’est pas corrélée à un accroissement du nombre d’étrangers dans notre pays. « Ce n’est pas parce qu’il y a plus d’étrangers qu’il y a plus d’étrangers pauvres : c’est plutôt que les étrangers sont plus exposés à la pauvreté. » Le Secours catholique dénonce les « dispositifs d’accueil sous-dimensionnés », ou encore l’absence de soutien aux associations qui aident les migrants. Par ailleurs, les étrangers rencontrés par l’association ont des taux de non-recours au revenu de solidarité active « socle » nettement plus élevés que ceux constatés pour les Français : 28 % pour ces derniers, contre 46 % pour les ressortissants hors Union européenne et 79 % pour ceux de l’Union.
(1) Disponible sur