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Le droit à l’école n’est pas effectif pour tous les enfants, dénonce le défenseur des droits

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Au regard des nombreuses réclamations reçues au sujet de l’école en France(1), le défenseur des droits et la défenseure des enfants ont décidé de consacrer leur rapport annuel sur les droits des enfants au droit à l’éducation(2), dans sa double dimension d’accès au droit à l’école et de respect du droit à l’égalité. Le rapport 2016 – qui devait être rendu public le 18 novembre à l’occasion de la Journée internationale des droits de l’enfant du 20 novembre – constitue le premier à être consacré à cette thématique depuis la création d’une autorité indépendante chargée de défendre les droits des enfants, soulignent Jacques Toubon et Geneviève Avenard en avant-propos. Notant que le droit à l’éducation dépasse le simple droit à la scolarisation, l’institution constate que « l’accès à l’école […] n’est pas un droit effectif pour de nombreux enfants » et que l’école peine à assurer « le respect de la singularité et de l’individualité » de nombre d’entre eux. Dans son rapport, le défenseur des droits aborde de nombreux thèmes en lien avec ces difficultés (précarité, handicap, protection de l’enfance, délinquance, maladie…). Focus sur quelques-unes des recommandations formulées, qu’il juge « concrètes et opérationnelles » pour favoriser l’égalité des droits à l’éducation.

L’impact de la grande précarité sociale

Les enfants dont la famille bénéficie du dispositif d’hébergement d’urgence, vit dans des campements illicites soumis à des expulsions régulières ou appartient à la communauté des gens du voyage présentent un « cumul de difficultés sociales » qui constitue un obstacle à la scolarisation, constate, sans surprise, le rapport. Le défenseur des droits dénonce ainsi les conditions d’hébergement indignes et inadaptées, le changement fréquent de logement (instabilité résidentielle, opérations multiples de démantèlement, aires d’accueil provisoires…) et le coût des transports scolaires, qu’il estime directement liés à l’absence et à la discontinuité de la scolarisation. Il recommande donc notamment aux collectivités locales de prévoir des dérogations à la durée maximale de stationnement dès lors que les enfants sont scolarisés et d’organiser les transports scolaires gratuits par une action concertée entre acteurs locaux.

L’institution critique aussi la situation des mineurs non accompagnés, qui font l’objet de « nombreuses atteintes au droit à l’éducation ». Jacques Toubon signale en effet que leur accès à la scolarité ou à une formation professionnelle n’est pas garanti, même lorsqu’ils sont pris en charge au titre de l’aide sociale à l’enfance (ASE). Il rappelle donc aux conseils départementaux leur obligation d’assurer à ces enfants un accès effectif à la scolarisation ou à une formation professionnelle dès lors qu’ils sont à leur charge.

Des carences dans l’accompagnement scolaire des enfants handicapés

Le défenseur des droits souligne l’importance d’organiser les transports scolaires, « condition nécessaire à [une] scolarisation effective », en particulier pour les enfants handicapés qui sont confrontés à de nombreuses difficultés (refus de prise en charge, horaires de passage et d’activités inadéquats…). L’institution rappelle ainsi aux conseils départementaux qu’ils ont l’obligation de prendre en charge à titre individuel les frais de transport d’un enfant handicapé ne pouvant pas utiliser les moyens de transport en commun, y compris les trajets desservant les lieux périscolaires.

Jacques Toubon s’attarde, dans un second temps, sur le droit des enfants handicapés à être accompagnés dans leur scolarité. Pour lui, cet accompagnement doit être « spécifique », c’est-à-dire conforme « aux besoins réels de chaque enfant », afin que le parcours de ce dernier soit « continu et adapté ». Or, dénonce l’institution, la scolarité de l’enfant est souvent inadéquate : mauvaise estimation de la quotité horaire de présence en classe, absence de mise à disposition d’outils adaptés… Le défenseur des droits recommande donc aux maisons départementales pour personnes handicapées, qui ont pour mission d’évaluer le dispositif d’accompagnement des enfants handicapés en prenant en compte leur intérêt supérieur, de veiller à l’adéquation des décisions relatives aux aménagements de la scolarité aux besoins de l’enfant. Il préconise aussi que l’ensemble des enseignants soient informés et formés aux processus d’évaluation des besoins des enfants handicapés en matière d’aménagement de la scolarité.

Jacques Toubon dénonce par ailleurs les difficultés liées à l’accompagnement humain de l’enfant handicapé. Il met en exergue l’absence d’affectation d’accompagnant auprès de l’enfant, des changements fréquents de personne, ou encore des difficultés liées au statut précaire des accompagnants et à l’absence de professionnalisation. Il estime que ces difficultés sont sources d’insécurité et de discontinuité de parcours, alors que les enfants handicapés ont besoin d’« un cadre et des repères stables ». Même s’il note que l’Education nationale tente d’y remédier, notamment par la création du statut d’accompagnant de l’élève en situation de handicap (AESH)(3), le défenseur des droits recommande au ministère que soit mise en œuvre une évaluation des effets de la politique de professionnalisation et de reconnaissance d’un véritable statut des AESH afin d’améliorer la prise en charge des enfants.

Le manque de continuité dans le parcours des enfants de l’ASE

Jacques Toubon constate, par ailleurs, « des difficultés dans les apprentissages », « des retards scolaires plus ou moins sévères », des ruptures de scolarisation et une « prévalence de [l’]orientation vers l’enseignement professionnel ou vers des cursus de courte durée » des enfants relevant de l’ASE. Il dénonce notamment les contraintes budgétaires des départements qui encouragent les enfants à acquérir une autonomie financière en s’orientant vers une formation courte, ainsi que leur mode de placement et les changements fréquents de lieu d’accueil, qu’il estime être sources d’instabilité et de perte de repères pour les intéressés. L’institution demande ainsi aux conseils départementaux de prendre en compte, de manière prioritaire, la question de la scolarité à toutes les étapes de la prise en charge de l’enfant, notamment dans le choix du mode et du lieu de placement, et de veiller à la continuité des conditions de sa scolarisation dès qu’il entre dans le dispositif de protection de l’enfance.

Le défenseur des droits préconise aussi que soit améliorée la coopération entre l’école et l’ASE autour des enfants en difficulté. En ce sens, il demande aux directeurs des services académiques de s’assurer de l’effectivité de la formation à la protection de l’enfance délivrée aux personnels de l’Education nationale (assistants de service social, conseillers principaux d’éducation, directeurs d’école…). Selon lui, cette formation est nécessaire, car elle permet aux professionnels de l’Education nationale, en premier lieu aux professeurs, d’être « sensibilisés aux difficultés susceptibles d’être rencontrées par les enfants confiés ». De même, il estime que les échanges et le travail en commun entre l’école et l’ASE doivent être favorisés par des protocoles établis entre les services départementaux de l’Education nationale et les services de l’aide sociale à l’enfance. Il leur recommande de développer ensemble des partenariats propres à favoriser les « échanges interinstitutionnels » et une « meilleure prise en compte de la scolarité en protection de l’enfance ». Il estime aussi que des réflexions et des actions spécifiques peuvent être menées sur la question de la scolarisation des enfants confiés dans le cadre des schémas départementaux et des projets de service des établissements d’accueil. L’ensemble de ces éléments doit viser, selon le rapport, à améliorer « le repérage et les réponses apportées aux difficultés scolaires des enfants confiés ».

Jacques Toubon estime, enfin, comme l’a fait récemment l’Observatoire national de la protection de l’enfance(4), que le projet pour l’enfant (PPE), qui vise notamment à garantir le développement intellectuel et social de l’enfant, est « encore très peu et inégalement mis en œuvre sur le territoire national ». Le développement de l’enfant passant par sa scolarisation, le PPE doit ainsi conduire à « s’interroger et questionner le mineur sur sa scolarité, ses aspirations et ses difficultés personnelles », explique le rapport. Le défenseur des droits insiste donc sur la nécessité d’accélérer sa mise en place afin d’assurer une meilleure prise en compte de la scolarité de l’enfant confié.

Notes

(1) En 2015, les situations ayant trait à l’éducation ont représenté 22,53 % des saisines du défenseur des droits relatives aux droits de l’enfant.

(2) Prochainement disponible sur www.defenseurdesdroits.fr.

(3) Voir ASH n° 2882 du 7-11-14, p. 43.

(4) Voir ASH n° 2973 du 2-09-16, p. 5.

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