C’est un cumul de discriminations que subissent les femmes en situation de handicap dans le monde du travail, relève le défenseur des droits, Jacques Toubon, dans un rapport intitulé « L’emploi des femmes en situation de handicap »(1), rendu public le 14 novembre, à l’occasion de la Semaine européenne pour l’emploi des personnes handicapées. Elles rencontrent en effet « des difficultés et des discriminations dans l’accès à l’emploi et dans leur carrière parce qu’elles sont femmes, parce qu’elles sont handicapées mais également des inégalités et des discriminations spécifiques combinant genre et handicap ». L’institution appelle donc « à une vigilance particulière à leur égard », en avançant une série de recommandations visant à améliorer la connaissance de cette population, son accès à la scolarisation, à l’enseignement supérieur, à l’emploi et à la formation professionnelle, ainsi qu’à lutter contre les stéréotypes de genre.
Alors que la France met en œuvre, depuis la loi du 10 juillet 1987, « une politique volontariste visant à favoriser l’emploi de personnes handicapées », via l’obligation d’emploi de travailleurs handicapés (OETH), force est de constater que nombre d’entre elles, « et notamment des femmes, restent encore éloignées du monde du travail », déplore l’institution, qui s’est attachée à évaluer l’effectivité des droits des femmes handicapées. Pour cela, elle a croisé diverses sources d’informations (rapports, statistiques, auditions…) afin de pallier « un défaut de données genrées » sur les personnes handicapées. Ce qui vaut à cette étude d’être qualifiée d’« exploratoire », les difficultés mises en évidence méritant « d’être analysées de manière plus approfondie et les hypothèses avancées confirmées ». C’est l’une des recommandations formulées par le rapport, qui préconise d’harmoniser la définition du handicap au sein des différentes études, de systématiser la prise en compte du genre et d’améliorer les systèmes de remontée de données administratives des maisons départementales des personnes handicapées à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie.
Le défenseur rappelle, par ailleurs, que « le niveau général de qualification des personnes handicapées demeure faible » (près de la moitié des personnes ayant un handicap reconnu administrativement n’ont aucun diplôme et seules 7 % possèdent un diplôme de l’enseignement supérieur), tout en établissant « la spécificité de la situation des femmes handicapées au regard de l’emploi […] du fait des différents rapports de domination qu’elles subissent ». Les principaux déterminants de l’inactivité des femmes – la composition familiale et le niveau de diplôme – sont en effet renforcés par la présence d’un handicap, selon le rapport. Autrement dit, « les femmes en situation de handicap sont plus éloignées de l’emploi que leurs homologues masculins », tandis que « celles qui travaillent subissent aussi des discriminations : elles sont concentrées dans certains secteurs d’activités [une dizaine de métiers, souvent moins bien rémunérés, relevant du care] et accèdent difficilement à des postes à responsabilités », ainsi qu’à des secteurs recruteurs de personnes en situation de handicap mais considérés comme « masculins » (l’informatique, le commerce, la production, le BTP et le marketing).
« Cette ségrégation horizontale, qui peut jouer dans l’orientation professionnelle, l’accès à la formation professionnelle ou le recrutement se double du plafond de verre, également opposé aux femmes en situation de handicap », ajoute le défenseur des droits. En effet, alors que « 10 % des hommes reconnus handicapés sont cadres contre 21 % des hommes en général », la présence d’un handicap « annihile pratiquement les chances des femmes d’obtenir un emploi de cadre », puisque, parmi les femmes qui ont une reconnaissance administrative de leur handicap et qui travaillent, « seulement 1 % sont cadres, contre 14 % de l’ensemble des femmes en emploi ». Avec « des conséquences majeures sur les retraites des femmes ».
Enfin, les difficultés vécues par les personnes en situation de handicap entravent aussi leur accès « aux dispositifs mis en place pour favoriser leur insertion ». Fin 2014, seulement 45 % des personnes reconnues handicapées inscrites à Pôle Emploi étaient des femmes (contre 50 % des inscrits) tandis que, parallèlement, « les femmes ne bénéficient pas autant que les hommes des dispositifs d’insertion professionnelle prévus pour les personnes administrativement reconnues comme handicapées ». En 2013, par exemple, « Cap emploi a accompagné 80 600 personnes dont 47 % de femmes », indique le défenseur, qui plaide pour « diversifier les filières de formation initiales ouvertes aux jeunes handicapés et rendre notamment effectifs les dispositifs d’accompagnement des élèves en situation de handicap à l’université » et pour « développer une approche genrée dans l’accompagnement et l’orientation professionnelle des personnes en situation de handicap, ce qui nécessite une sensibilisation des personnels dédiés, notamment des intermédiaires de l’emploi généralistes et spécialisés ».
(1) Disponible sur